trynna be someone else
poor little girl, you lost yourself.
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C’est dur de savoir par où commencer lorsque l’on veut raconter une histoire. Roksane ne savait pas non plus, alors je lui ai conseillé de commencer par le commencement, ça semblait logique et ça arrangeait tout le monde parce qu’ils comprenaient mieux comme ça. Sauf que la pauvre ne savait que dire, alors je le fais pour elle. J’ai dit qu’elle s’appelait Roksane, ça peut être pas mal de la présenter pour débuter. Roksane Noskova. Son vrai nom c’est Nahia, mais personne ne l’a jamais appelée comme ça, c’était symbolique. Nahia, la vraie Nahia, c’était sa grand-mère. Une femme merveilleuse si vous voulez mon avis, le cœur sur la main. Mais elle n’a pas eu de chance, non vraiment pas de chance… Les médecins lui ont diagnostiqué un cancer, bien trop tard pour qu’elle puisse espérer y survivre. La mère de Roksane était enceinte à l’époque, et Nahia ne cessait de répéter que son unique souhait était de tenir sa petite fille au moins une fois dans ses bras. Elle est partie deux semaines trop tôt, c’est triste. Alors le sept décembre mille neuf cent quatre-vingt-un –un des plus froids jours de l’hiver, on battait des records même pour la Russie- lorsque la gamine a fini par pointer le bout de son nez, sa mère avait trouvé normal de lui donner le prénom de Nahia sans jamais l’utiliser.
» - une amie de sa mère, en russie.
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Roksane est une enfant adorable. Pas très éveillée, mais adorable. Je la garde depuis son plus jeune âge. Sa mère se tue au travail tous les jours dans une usine pour un salaire de misère ; mais elle n’a guère le choix avec leurs deux bouches à nourrir. Je n’ai jamais connu le père de cette gamine, Mascha n’en parle jamais. Tout ce qu’elle en dit c’est qu’il est parti lorsqu’il a appris qu’elle était enceinte. Belle façon d’assumer ses responsabilités. Quelle pauvre femme, elle n’est pas très vieille, vingt-cinq ans peut-être mais avec tous ces soucis elle en paraît dix de plus. Je n’aimerais pas être à sa place. A la place de Roksane non plus, d’ailleurs. Je crois qu’elles se manquent beaucoup l’une à l’autre. Mascha la voit à peine grandir, c’est tragique, et cette pauvre petite a cruellement besoin d’affection. J’essaie de lui en donner comme je peux mais c’est assez difficile. En dehors de la voix de sa mère, la seule chose qui arrive à lui arracher un sourire, c’est sa girafe en peluche. Elle la tient de sa grand-mère, enfin sa grand-mère l’avait achetée pour elle mais elle n’avait jamais pu la lui donner. C’était un magnifique cadeau pour l’époque, mais la vieille femme avait le cœur sur la main à ce qu’on en dit. Cette peluche, elle l’avait appelée Pato parce que c’étaient les deux seules syllabes qu’elle arrivait à aligner. Le son devait lui plaire. Elle a commencé à parler très tard, et au contraire des autres enfants que j’ai déjà eu à garder, après avoir découvert la parole elle ne s’en servait pas à outrance. Au contraire, on pouvait presque dire qu’elle était avare de mots. Je suis persuadée que c’est le fait d’être presque sans parents qui a cet effet sur elle ; des études montrent que cela peut influencer le développement des enfants.
» - sa nounou, en russie.
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Mascha et Roksane ont emménagé chez moi à leur arrivée à Londres. Ce n’était que provisoire bien entendu, le temps que Mascha se trouve un job et puisse assumer seule un loyer en plus des autres frais du quotidien. Mon appartement n’était pas très spacieux, mais cela me faisait plaisir d’y accueillir ma sœur et ma nièce. Je ne les avais pas revues depuis que j’avais fui mon pays natal pour épouser un bel anglais. On aurait pu penser que l’arrivée de Roksane allait tout bouleverser, qu’il faudrait s’habituer aux cris et pleurs d’enfants ; ce ne fut pas le cas. Cette petite ne parlait pas, elle se contentait de passer ses journées à courir dehors dans le plus grand des silences, presque comme si elle avait été atteinte d’autisme. L’idée m’avait traversé l’esprit à plusieurs reprises, mais je n’avais jamais eu le courage de partager mes inquiétudes avec Mascha, elle semblait si sereine… Je n’en avais presque pas cru mes yeux, ou plutôt mes oreilles, quelques mois plus tard alors que je leur rendais visite. Mascha travaillait avec des enfants, le comble lorsqu’on pensait qu’elle n’avait presque pas le temps de s’occuper de la sienne, et avait pu s’installer dans un quartier de banlieue. Elle était tellement fière qu’elle avait insisté pour que nous y passions tous le réveillon. Quelle ne fut pas ma surprise d’arriver au milieu d’une bataille de neige qui opposait une Roksane qui parlait, criait, chantait, à un petit garçon qui semblait à peu près du même âge. Par la suite j’avais appris qu’il s’appelait Hadès, qu’il avait un an de plus qu’elle et qu’il était le fils d’un voisin. En quelques mois je connaissais la vie entière du gamin puisqu’il était le sujet de conversation préféré de Roksane. L’unique sujet de conversation en fait. Ca fouttait presque les jetons de voir à quel point ils étaient inséparables.
» - sa tante, en angleterre.
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L’apprentissage d’une langue étrangère est plus facile pour les enfants de bas âge, pourtant la petite Roksane a eu beaucoup de mal à s’adapter à l’anglais. Bien qu’elle ne soit qu’en maternelle, nous hésitions pendant un temps à la laisser passer dans la classe supérieure. Puis nous avons convenu que c’était la meilleure solution pour elle. Elle ne s’en sortait pas si mal au final, même si en dehors de ses problèmes linguistiques nous avons pu remarquer qu’elle souffrait de gros problèmes d’hyperactivité. Cette enfant est très difficile à canaliser, et captiver son attention plus de cinq minutes d’affilée se révèle être un véritable exploit. Elle excelle cependant dans les jeux et sports en tout genre et semble énormément apprécier cela. Ce sont en réalité les seules activités durant lesquelles elle consent à parler, le reste du temps on pourrait presque croire qu’elle se trouve être muette. C’est une enfant très discrète, repliée sur elle-même. Elle ne se mélange pas autres et nous ne lui connaissons aucun ami de son âge. C’est pour cette raison qu’il est préférable de la laisser avec des enfants qu’elle a côtoyé toute une année. La suivante sera peut-être meilleure puisqu’elle se retrouvera dans un environnement familier. J’ai cependant remarqué une chose étrange : compte tenu du comportement que je viens de décrire on pourrait s’attendre à la trouver seule dans la cours de récréation. Et bien non, on la voit presque toujours en compagnie de Hadès Witchburn, un garçon âgé d’un an de plus qu’elle. Ils ont l’air de bien s’entendre. Roksane était avec lui la première fois que je l’ai entendue rire.
» - son institutrice de maternelle, en angleterre.
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Roksane a beaucoup changé, elle s’est épanouie. Quand je la regarde aujourd’hui j’ai parfois du mal à me souvenir de la petite fille silencieuse. Seule son agitation est restée la même, cette gamine est une véritable pile électrique. Lorsqu’elle n’est pas à l’école, elle passe ses journées dehors en compagnie d’Hadès. C’est grâce à lui qu’elle a commencé à s’ouvrir au monde, à devenir plus sociable. Ce gosse doit être spécial, c’est comme s’il avait des pouvoirs magiques, il lui aura suffi d’un tour de mains pour la métamorphoser. Au début, c’était une bonne chose… jusqu’à ce qu’il s’en aille. Roksane allait entamer sa dernière année de primaire, Hadès était plus âgé et ses parents avaient décidé de l’envoyer dans un collège en pensionnat. Elle n’avait que dix ans mais elle en fut bouleversée. Dans les premiers temps, elle refusait même de manger, et puis elle était revenue au silence pesant de ses premières années. Je crois que Mascha ne se rendait pas bien compte de la gravité des choses. Elle et Roksane ont toujours eu des relations compliquées. Mascha travaillait, tout le temps, elle n’avait pas une minute à elle. Roksane ne comprenait pas qu’elle faisait ça pour elle, pour que toutes les deux elles aient un toit sur la tête et de la nourriture dans leurs assiettes. De son jeune âge, tout ce qu’elle voyait c’était que sa mère n’était pas là, et elle lui en voulait. Entre elles il n’y avait jamais de mots, encore moins d’étreintes et de sourires. Et l’état de la gamine ne s’arrangeait pas, au contraire. L’année suivante il fallut un bon mois pour remarquer qu’elle n’habitait plus avec sa mère tant elle semblait transparente.
» - Coleen, une voisine et amie, en angleterre.
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Je pensais que les chouettes qui apportaient le courrier ça n’existait que dans les contes pour enfants, et encore faut dire que je suis pas une connaisseuse en la matière. Ma mère ne me lisait pas d’histoires, et moi je n’aimais pas lire. Dans la vraie vie, on a un truc, ça s’appelle un facteur. Le pauvre il devient quoi s’il se fait remplacer par une chouette hein ? Autant dire que j’ai mis du temps à m’y habituer, un peu comme pour tout dans le monde des sorciers. Le plus bizarre ça a été de foncer dans un mur à la gare, même pas mal. Je me souviens que j’étais terrifiée avant ma première rentrée. Mais en même temps, ça me fascinait. Tout semblait si… magique, vous savez. Ce monde était tellement plus beau que celui que j’avais connu, et on m’y offrait une clef d’entrée. Ca a été comme un déclic. Pour la première fois depuis longtemps, on m’avait adressé la parole, et j’avais répondu avec des mots. C’était comme de renaître, tout semblait parfait. J’avais trouvé une petite place parmi les jaune et noir. Ca me plaisait plutôt bien. J’ai appris que Poudlard était rempli de clichés. Les méchants, les gentils, les intellos. Nous, les Poufousouffles, on était libre d’être qui on voulait. J’étais heureuse, mais tout le monde le sait le bonheur ça vient et puis ça repart. Quelques jours après la rentrée, je m’étais un peu perdue en cherchant mon cours de sortilèges, et puis j’étais tombée sur Hadès. J’ai failli lui sauter dessus, par habitude et puis j’ai réfléchi… Hadès. Hadès, il foutait quoi ici ? Pourquoi il me l’avait pas dit, qu’il était un sorcier ? J’étais sa meilleure amie que je sache. Et puis c’était qui cette pétasse qui lui tenait la main, d’abord ?
» - roksane, à poudlard.
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Roksane Noskova ? C’est une fille bizarre vous savez. Je ne dis pas ça simplement parce que j’ai parfois du mal à comprendre son accent. Limite elle y peut rien, paraît qu’elle descend d’une longue lignée de sorciers russes. Non, ce qui est bizarre, c’est qu’elle a tout le temps l’air de débarquer. Un jour, en première année au milieu d’un match de Quidditch, elle a demandé ce que c’était un souafle, un S-O-U-A-F-L-E. Les gens le croiraient pas si je le racontais parce que maintenant elle est Poursuiveuse, et faut avouer qu’elle est plutôt douée. Je suppose qu’il fallait bien qu’elle soit sportive puisqu’elle n’est pas très futée. Elle croit tout ce qu’on lui dit, c’est assez drôle. Elle n’a pas de vrai ami non plus. C’est une solitaire, mais quand elle traine avec des gens, elle s’arrange pour que ce soit les moins fréquentables de l’école. Ceux qui aiment bien rappeler à tout le monde leur supériorité à cause de leur sang pur, ou qui s’amusent à traumatiser les petits. Elle n’est pas méchante pourtant. Sauf avec Hadès Witchburn. Le pauvre, je ne sais pas ce qu’il lui a fait mais dès qu’ils se croisent, ça finit mal. Ca dure depuis six ans, depuis son arrivée en fait. A croire qu’il a une tête qui ne lui revient pas. C’est bizarre aussi parce que d’habitude, Hadès il a l’effet contraire sur les filles. Il les attire, un peu comme un aimant.
» - un élève de poudlard, à poudlard.
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J’ai commencé à mentir à cause d’Hadès. Je crois que j'étais amoureuse de lui depuis toujours, et je lui en voulais de m’avoir caché la vérité, et j’avais envie qu’il voit que j’avais pas besoin de lui. Alors j’ai menti, sur tout. Je me suis inventé une famille de sorciers parce que c’est plus facile de s’intégrer lorsqu’on peut se vanter d’être un sang pur. Les gens vous trouvent cool, intéressant et surtout, ils vous respectent. J’aurais pas eu la force de faire partie de ces nés moldus qu’on insulte dès qu’on les croise dans un couloir. C’était difficile au début, parce que je connaissais rien sur la magie. Mais on n’a jamais remis ma parole en doute, on pensait simplement que mon cerveau était aussi blond que mes cheveux. C’était facile de se laisser prendre au jeu, de vivre une vie qui n’était pas la mienne et de blesser Hadès dès que j’en avais l’occasion. De provoquer les occasions, même. Je me disais qu’il le méritait, que c’était un juste retour des choses pour la manière dont il m’avait abandonnée. Mais ce plaisir avait un prix qui devenait de plus en plus lourd au fil des années. Partout, on entendait parler du retour du Seigneur des Ténèbres. Beaucoup d’élèves parlaient de grossir ses rangs. Certains s’attendaient à ce que j’en fasse de même. J’étais coincée. Nous portons tous des masques, mais vient un moment où nous ne pouvons plus les retirer sans s’arracher la peau.
» - roksane, à poudlard.