when i'm away from you i'm happier than ever - w/ robin

Robin se réveilla de mauvaise humeur ce matin-là, mais elle ne mit que quelques secondes à se souvenir de ce qui la mettait dans cet état. Le samedi était normalement sa journée préférée de la semaine, mais ce samedi là risquait bien de la faire changer d’avis. Elle avait reçu une lettre de son père la veille pour lui annoncer qu’il viendrait lui rendre visite à pré-au-lard ce samedi même. Étant donné l’atmosphère chargée qui persistait entre eux deux ces derniers mois, cette nouvelle seule aurait pu suffire à la mettre de mauvais poil, mais son père avait décidé de se surpasser. Non content de la forcer à venir le voir, il lui avait demandé de venir en compagnie d’Henry. Elle avait croisé son regard à la table des professeurs la veille, mais même le fait de savoir que cet événement ne le réjouissait pas plus qu’elle ne suffisait pas à rendre le tout supportable. Elle avait passé une partie de la soirée avec un camarade de Serpentard pour essayer de se changer les idées, mais sans grand succès.

Après s’être habillée, y mettant volontairement moins de soin que d’habitude, Robin descendit pour prendre le chemin du village. Elle n’était pas du genre à arriver en avance, préférant plutôt faire comprendre aux gens qu’elle rencontrait que son temps avait plus de valeur que le leur en arrivant en retard, mais aujourd’hui elle avait décidé de faire une exception. Elle imaginait Henry pénible sur la ponctualité, et elle tenait à éviter ses remarques le plus possible. Non pas pour s’assurer que tout se passe bien, mais plutôt pour faire en sorte d’avoir le moins possible à lui adresser la parole. Elle arriva devant le magasin où ils devaient se retrouver avec un peu d’avance, et Henry arriva à sa hauteur à peine quelques minutes plus tard. Robin se rendit compte en le voyant arriver qu’elle avait espéré qu’il ne se pointe pas, mais l’assistant du professeur Rogue ne lui avait de toute évidence pas fait ce cadeau. Elle lutta contre le réflexe de s’éloigner de lui en le voyant s’approcher, consciente qu’il était de toute façon trop tard pour faire demi-tour. Tout le monde les verrait ensemble aujourd’hui, et elle savait qu’elle ne pourrait pas cacher son existence pour toujours. Même si l’idée lui plaisait. Robin lança un regard dédaigneux dans sa direction avant de croiser les bras sur sa poitrine. ”Peut-être qu’il veut me marier à un sorcier prétentieux sans mon consentement.” Robin lui lança un sourire insolent pour appuyer sa remarque avant de feindre la surprise. ”Oh wait…, c’est déjà le cas." Elle savait qu’Henry n’était pour rien dans cette histoire, et elle doutait qu’il ait eu plus le choix qu’elle dans la magouille de leurs parents, mais elle n’avait aucune intention de lui rendre la vie facile pour autant. Si on devait la forcer à jouer le jeu, elle ferait en sorte que tout le monde en bave autant qu’elle. Henry compris. Elle se tourna vers les passants dans la rue, cherchant instinctivement son père tout en espérant qu’il ne viendrait jamais. ”Il vient sûrement vérifier que son plan foireux va comme il veut.”

Robin lança un regard froid en direction d’Henry en l’entendant répondre. Le fait de savoir que l’assistant du professeur Rogue haïssait l’idée de ces fiançailles autant qu’elle aurait dû la soulager un peu, mais ce n’était pas le cas. Elle n’était peut-être pas la seule à espérer que leurs parents changeraient d’avis, mais Henry aurait dû s’estimer heureux d’avoir la chance d’être vu en sa compagnie, beaucoup de gens auraient tué pour et Robin savait que le jeune Serpentard aurait difficilement pu trouver mieux qu’elle. Elle réprima un frisson en l’entendant parler de ses propres parents. Et dire qu’il allait bien falloir y passer un jour, elle avait envie de s’enfuir très loin rien que d’imaginer les dîners de familles, les repas de fêtes, … Tout ce qui était lié à cette histoire lui donnait envie de vomir, mais elle savait aussi qu’elle ne pourrait pas se permettre de le dire aussi clairement devant son père ou ses futurs beaux-parents. Alors autant se défouler tant qu’elle était encore seule avec Henry. Elle leva les yeux au ciel en entendant sa question, puis replaça une mèche de cheveux derrière son oreille dans un geste élégant qu’elle avait mis du temps à perfectionner. Elle cligna des yeux et pris un air légèrement ahuri. ”Merlin, mais oui, c’est ça la solution. Heureusement que tu es là pour me suggérer l’idée, je n’y aurais jamais pensé moi même !” Son visage retrouva son expression sèche et fermée en une fraction de seconde, mais Robin devait avouer que le fait de se défouler sur le jeune blond l’avait aidé. Un peu.

La vérité c’était qu’elle avait déjà tout essayé. Elle avait crié, elle avait pleuré, elle était partie de chez elle plusieurs jours, mais son père n’avait pas réagi. Il avait fait comme de rien n’était, habitué à ses crises, et sachant pertinemment qu’elle finirait par rentrer. L’idée de ne plus pouvoir profiter de sa fortune, ou des avantages que lui procurait son nom de famille était insupportable. Elle aurait sans doute pu séduire un aristocrate et le convaincre de l’épouser, mais ça n’aurait été qu’un autre mariage forcé, et Robin n’avait surtout pas voulu prendre le risque de se retrouver sans rien. Son père avait peut-être toléré ses nombreuses crises, mais il n’aurait pas pardonné qu’elle le défie publiquement en se montrant aux bras d’un autre. Non, son père ne lui avait pas laissé le choix, et Henry devait bien s’en douter. Robin était en train d’espérer que son père soit finalement bloqué au travail quand elle l’aperçut quelques mètres plus loin dans la grande rue du village. Son visage se ferma un peu plus encore, mais son père ne sembla même pas s’en rendre compte. Il arriva à leur hauteur avec un sourire professionnel, un sourire que Robin l’avait trop souvent vu utiliser pour conclure des deals pour le penser sincère. ”Je suis heureux que vous ayez pu vous libérer.” Son père serra la main d’Henry avant de se pencher vers Robin pour lui planter un baiser sur la joue, un geste qu’il ne faisait qu’en public, quand il savait que d’autres gens pouvaient le voir. ”Ce n’est pas comme si on avait eu le choix.” marmonna Robin doucement, mais juste assez fort pour que son père puisse l’entendre. Comme elle s’y était attendu, Mr. Lasnier fit semblant de ne pas avoir entendu avant de se tourner vers son futur gendre. Rien que cette pensée donnait envie à Robin de faire demi-tour et d’aller se cacher dans le château. ”Je vous suis, vous connaissez mieux le village que moi.”

Le père de Robin n’était arrivé que depuis quelques secondes mais sa fille avait déjà envie de s’enfuir très loin, ou mieux encore, de faire en sorte que lui parte. Malheureusement pour elle, Robin savait qu’aucune des deux options n’était envisageable. Partir maintenant c’était prendre le risque d’aller trop loin, et que son père la renie complètement. Quant à l’idée de forcer son père à s’en aller, elle n’était pas assez naïve pour penser qu’elle avait le pouvoir de le forcer à faire quoi que ce soit. Si ça avait été le cas, elle n’en serait pas là, à se balader dans Pré-au-Lard avec son futur époux. Rien que le mot lui donnait envie de se jeter du haut de la tour d’Astronomie. Elle se tourna vers Henry en l’entendant répondre à son futur beau-père, choquée malgré elle. Le jeune assistant du professeur Rogue avait peut-être (sûrement) l’intention de se comporter comme un petit con avec elle, mais de toute évidence il ne prendrait pas le risque d’en faire autant avec son père. Sa voix était mielleuse, insupportable, et elle lui donnait envie de s’arracher les cheveux pour étouffer Henry avec. Elle lui lança un regard noir en le voyant faire un geste de la main pour la laisser passer. Elle ne savait pas si son père allait croire à son petit jeu de gendre parfait, ni si elle-même allait être capable de le supporter toute une après-midi sans lui mettre un poing dans la figure.

Robin sursauta presque en entendant la remarque suivante de l’assistant, mais elle se força à continuer à avancer sans répondre au jeune Serpentard. Oui, ils n’étaient pas là depuis longtemps, et Robin aurait préféré qu’ils ne mettent jamais les pieds dans ce maudit pays. Poudlard, Londres, le reste du Royaume-Uni, c’était pareil. Rien ne remplacerait les pavés de la capitale Française, l’animation de ses rues, et encore moins le personnage que Robin s’était construit à Paris. Quand son père lui avait annoncé qu’ils déménageaient à Londres, Robin avait pensé qu’il ne pourrait plus jamais rien lui faire de pire, mais il s’était surpassé en forçant Henry dans sa vie. Quoi qu’il en coûte désormais, Robin était bien décidée à le faire payer. Elle ne releva pas la deuxième remarque du Serpentard et fit même semblant de ne pas l’avoir entendue. Henry ne le savait peut-être pas encore, mais il ne tarderait pas à découvrir que Robin n’oubliait rien, et qu’elle ne laissait rien passer. Il paierait, lui aussi, en temps et en heure. ”Ça ne m’étonne pas du tout.” La jeune blonde pressa légèrement le pas, non pas qu’elle était impatiente de se retrouver autour de la même table que les deux hommes qui marchaient à ses côtés, mais plus pour mettre un peu de distance entre eux. Juste assez pour pouvoir respirer, pour pouvoir essayer de prétendre qu’ils n’étaient pas là. Sa main se glissa dans la poche de son manteau, comme un réflexe, pour venir caresser le paquet de cigarettes qu’elle prenait toujours avec elle. L’espace d’un instant, elle hésita presque à en sortir une, ne serait-ce que pour embarrasser son père, mais elle se ravisa.

Malgré elle, Robin fut soulagée de voir Henry se diriger vers un pub presque désert un peu plus loin dans la grande rue du village. Elle savait que la moitié de Poudlard serait aux Trois Balais, et elle préférait éviter de rencontrer qui que ce soit du château. De toute évidence Henry aussi, et c’était peut-être la seule chose sur laquelle ils étaient d’accord. Robin arriva à la table en première et choisit un siège dos au mur, avec une vue plutôt dégagée sur l’entrée du pub, se laissant ainsi la chance d’aller se cacher si un élève qu’elle connaissait devait pousser la porte de l’établissement. Elle se tourna vers son père en entendant la question (trop) polie du Serpentard, espérant lire quelque chose sur le regard de son père avant qu’il ne réponde. C’est ainsi qu’elle comprit que la réponse de son paternel allait la décevoir avant même qu’il n’ouvre la bouche. ”Oh non, aucune raison de s’inquiéter. Je me suis simplement dit qu’il était temps de faire connaissance.” Robin savait qu’il ne s’était jamais déplacé simplement pour discuter, sans une autre raison cachée, et elle se doutait que sa visite avait plus pour but de leur rappeler à tous les deux ce qui avait été convenu que pour simplement faire connaissance. Elle se demandait simplement si Henry s’en rendrait compte. ”Et puis je n’ai pas besoin d’une excuse pour venir rendre visite à ma fille.” Robin ne put pas masquer la surprise sur son visage, non pas qu’elle y ait mis beaucoup d’efforts. Elle se tourna vers son père, son visage un mélange de choc et de mépris. ”Oui, c’est vrai que tu venais me voir si souvent quand j’étais à Beauxbatons.” Robin serra le poing sous la table, essayant en vain de se calmer et de se rappeler qu’elle n’avait pas voulu voir son père de toute façon. Elle était très contente que son père ne se soit jamais donné la peine de venir la voir, ou en tout cas c’était ce qu’elle essayait de se dire, mais le fait de le voir mentir pour faire bonne impression était insupportable. Elle savait qu’elle avait tout intérêt à jouer le jeu devant son père, à imiter Henry, même si l’idée l'écœurait. Une partie d’elle-même savait tout cela, mais elle n’était pas sûre d’en être capable. Elle avait envie de crier, de prendre le menu et les couverts posés sur la table pour les balancer contre un mur, et elle ne savait pas comment elle allait s’en empêcher jusqu’à la fin de l’après-midi. Elle se tourna vers son père, prête à en rajouter, mais elle se ravisa en voyant l’expression sur son visage. Elle avait appris à jouer avec les limites depuis longtemps, mais elle n’avait jamais pris le risque de la dépasser. Pas avec son père. Elle détourna le regard avant de croiser les bras sur ses cuisses. ”Si tu tiens à faire connaissance, tu peux peut-être lui expliquer ce qui nous a amenés en Angleterre.” Vu que tu refuses de me le dire. Robin se mordit la langue pour ne pas dire à haute voix la fin de sa phrase, même si elle en mourrait d’envie. Elle se sentait prise au piège, encore plus en voyant Henry jouer le jeu de manière si convaincante. Elle ne s’était pas attendue à trouver un allié en lui, mais peut-être pas non plus un ennemi. Quelque part, elle savait que le Serpentard ne faisait que jouer la comédie, et qu’il espérait autant qu’elle que les fiançailles seraient rompues au plus vite, mais elle aurait préféré le voir s’indigner, faire quelque chose.

Robin pouvait presque sentir son père se tendre en entendant sa question. Elle doutait que qui que ce soit d’autre puisse le voir, mais elle avait suffisamment essayé d’énerver son père pour voir quand il commençait à se raidir, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Il n’avait pas envie de répondre à la question, elle le savait, mais il devait surtout être agacé de la voir aborder le sujet en public. Qui plus est devant quelqu’un qu’il souhaitait sûrement impressionner. De son côté, Robin ne savait pas ce qu’elle appréciait le plus, le fait de savoir que son père était légèrement touché par sa question, ou l’espoir qu’il donne enfin une réponse sincère. Toutefois, si Robin espérait une réponse honnête, elle se retrouva déçue. La réponse que son père apporta était vide de toute substance. Un beau paquet cadeau bien emballé sans rien à l’intérieur. Un vrai discours de politicien. Oui, il aurait pu attendre que Robin ait fini ses études, mais elle aurait été plus compliqué à manipuler ensuite. Quoi que son père ait pu dire, Robin aurait été outrée de toute façon. Elle n’avait jamais été très proche de son père, et elle avait accepté très jeune qu’elle ne pourrait jamais entièrement compter sur lui, mais il avait franchi une limite en la forçant à se fiancer. Leur relation avait pris un nouveau tournant, et Robin était persuadée que plus rien ne pourrait la réparer. Il avait cassé quelque chose en prenant sa décision, et si Robin ne trouvait aucun moyen de l’obliger à changer d’avis, elle ferait au moins en sorte de ne pas être la seule à en souffrir.

Elle se tourna vers Henry en l’écoutant reprendre la parole, partagée entre le mépris et le respect. Elle avait envie qu’il s’indigne, qu’il l’aide, mais elle ne pouvait pas s’empêcher d’admirer son sang froid. De l’envier, un peu aussi. Le jeune Serpentard était peut-être poli dans sa manière de s’exprimer, mais Robin comprenait très bien qu’il ne disait rien gratuitement. Le sous-entendu était clair : repartez chez vous et tout le monde sera heureux. En temps normal, elle se serait sentie offensée par son attitude, mais elle n’était pas en position de pouvoir refuser des alliés, aussi insupportables soient-ils. Elle cacha un léger sourire derrière ses cheveux avant relever les yeux vers l’assistant du professeur Rogue. Le sourire était encore sur ses lèvres, mais il ne montait plus jusqu’à ses yeux. ”Une excellente question, tu ne trouves pas ?” demanda-t-elle en se tournant vers son père. Il souriait aussi, mais sans aucune chaleur. Robin n’avait pas inventé toutes ses expressions, elle tenait celle-là de son père. ”Tu as rencontré les Cunningham à un gala, c’est bien cela ?” Robin aperçut la mâchoire de son père se contracter légèrement, et elle dut s’empêcher de sourire pour de vrai. Elle savait que son père avait pris contact avec la famille d’Henry à un événement de charité, mais elle connaissait assez bien l’animal pour savoir qu’il ne s’était pas retrouvé là bas par hasard. Il avait assez parlé du courage des familles de Sang-Pur britanniques pour que Robin ne puisse pas croire à une coïncidence. Il était allé à cette soirée avec le but de lui trouver un fiancé de bonne famille, la seule question était de savoir s’il avait ciblé les Cunningham depuis le début, ou s’il avait fait son choix sur place. ”C’est tout à fait vrai. J’essaie toujours de trouver du temps pour rendre à la communauté. C’est le moins que nous puissions faire, en tant que privilégiés.” Si Robin avait été en train de boire, elle aurait pu s’étouffer en l’écoutant parler. Elle avait envie de se tourner vers Henry pour essayer de voir s’il avalait ces conneries, mais elle refusait de détourner le regard. Aux regards extérieurs, la conversation devait sembler polie, amicale même, mais Robin n’était pas dupe. C’était une partie d’échecs, et elle n’avait pas l’intention de baisser sa garde. ”Quelle heureuse coïncidence.” Robin était en train de se demander si elle pouvait se permettre de pousser encore un peu quand elle aperçut une serveuse se diriger vers leur table. Instinctivement, elle se rassit contre le dossier de sa chaise et changea d’expression. Toute trace d’ironie était partie de son visage, Robin dégageait désormais cette aura hautaine qui était devenue son armure. Elle prit une longue inspiration en priant pour pouvoir commander un Whisky-Pur-Feu.