detention with a view

Andrew était plutôt de bonne humeur en finissant son dîner ce soir-là. Plusieurs de ses camarades de Serdaigle lui lancèrent des regards presque attristés, supposant qu’il devait regretter la manière dont il allait passer la soirée, et un élève de 6ème année particulièrement compétitif lui lança un regard noir en le voyant sortir de table. Pourtant, Andrew n'était pas attristé par ses plans de ce soir, et il ne regrettait pas ce qu’il avait fait pour les mériter. Depuis son arrivée à Poudlard, il avait sans doute fait perdre plus de points à la maison Serdaigle que tous les autres élèves réunis, mais malgré leur envie de gagner la coupe des quatre maisons, ses camarades ne lui en tenaient pas (trop) rigueur. Son insolence en classe et sa tendance à parler avant de réfléchir lui avaient souvent causé des problèmes, mais il rattrapait une bonne partie de ces points par ses bons résultats, et la majorité des élèves le trouvaient attachant, malgré son attitude.

Ce soir, comme souvent, Andrew était en retenue. Mais cette retenue était toujours un peu spéciale : elle était avec le Professeur Warren. À force de se faire remarquer, Andrew avait pu tester les méthodes et les punitions de tous les professeurs du château, mais les retenues avec le professeur Warren étaient sans doute ses préférées. Il ne lui donnait pas forcément des tâches plus funs à faire, mais au moins pendant une heure, Andrew avait quelque chose d'agréable à regarder. Et il ne s’en privait pas. Il arriva devant la salle où Marcus lui avait donné rendez-vous et il frappa doucement avant d’ouvrir la porte. Il aperçut le professeur derrière son bureau, les sourcils froncés, comme à son habitude. Le grand sourire qu’Andrew lui lança en rentrant dans la salle contrasta avec son air bougon. “Bonsoir !” Il s’approcha du bureau avant de taper dans ses mains. “Alors, qu'est-ce qu’on fait ce soir ?” On aurait dit qu’il demandait à un de ses potes dans quel bar ils allaient finir la soirée, mais c'était sa façon d'être. Il était incapable d'être sérieux plus de cinq minutes, et il avait prouvé depuis longtemps qu’il n’avait aucun problème quand il s'agissait de se montrer familier avec ses professeurs. C'était d'ailleurs ce qui lui avait valu cette retenue.

“Quelque chose de sympa j'espère ?” Andrew lança un sourire en direction du Professeur Warren. Il avait tout fait en retenue pendant ses années à Poudlard : laver les toilettes de Mimi Geignarde (Rogue), nettoyer les pots où on avait fait pousser les mandragores (Chourave), aider les elfes en cuisine (MgGonagall), trier les livres de la section histoire de la bibliothèque par ordre alphabétique (Rogue, encore). Il se demandait si un jour un professeur arriverait en retenue à cours d'idées, sans savoir quoi lui faire faire. C'était un bel objectif en tout cas. Il ne restait plus qu'à savoir où sur l'échelle de la cruauté se trouverait le Professeur Warren ce soir. Avec un peu de chance il se placerait plus du côté d’un Hagrid que d’un Professeur Rogue.

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@Andrew S. Ledwell

De tous les traits de personnalité de Marcus, celui qui le handicapait le plus dans son métier était très certainement son perfectionnisme. Il était très pointilleux, très organisé, pour ne pas dire maniaque. Chaque chose avait une place, un but, une raison d'être autour de lui. Cela faisait de lui un professeur strict qui aimait le calme et les élèves appliqués. Tout ce qu'Andrew Ledwell n'était ABSOLUMENT PAS. Pourtant, il était à Serdaigle, tout comme lui l'avait été, alors pourquoi n'avait il aucun respect pour le savoir et la sagesse ? Il n'y avait rien de précis chez ce garçon, rien de discipliné, rien de correct.

Ses collègues avaient eu la prévenance d'esprit de le mettre en garde lorsqu'il avait pris le poste de professeur d'arithmancie. Il avait entendu des histoires ridicules et des résumés de bêtises dignes d'un Gryffondor de deuxième année. Il avait également eu une sacré liste des punitions qui avaient été utilisées pour tenter de calmer l'élément perturbateur. Sans succès. C'était donc avec déception mais sans surprise que Marcus avait donné sa première retenue à Andrew. Le temps que le garçon d'arrive, il avait utilisé son temps seul pour réfléchir à une punition adéquate. De ce qu'il avait pu observer, l'élève était très actif, très bavard, tout le temps en train de faire quelque chose. Et les professeurs avaient essayé de le calmer en lui proposant des tâches de plus en plus difficiles et ingrates. Et si ce n'était pas le bon moyen de l'atteindre ? Une idée lui était venue et il avait l'intention de la mettre en pratique.

Marcus retint un grognement agacé lorsqu'Andrew pénétra dans son bureau sans avoir frappé et s'adressa à lui de manière bien trop familière à son goût. Par Merlin ce qu'il rêvait de lui faire ravaler ce sourire suffisant par la force. Mais ce n'était pas autorisé ici. Les élèves ne devaient pas être battus ni menacés, physiquement ou verbalement. Dommage. Si cet idiot pensait qu'il allait pouvoir faire quelque chose de " sympa " pendant cette retenue, il allait vite déchanter. Sur un ton froid et désintéressé, le loup-garou lui indiqua un fauteuil face à lui, de l'autre côté du bureau.

« Au risque de vous décevoir, je ne suis pas disposé à vous offrir une activité divertissante. Ceci est une retenue monsieur Ledwell, vous n'êtes pas censé aimer ça. Asseyez-vous. Et puisque vous appréciez tant courir partout et vous défouler, vous allez rester ainsi, dans un parfait silence, immobile. Deux heures. Ensuite seulement vous pourrez aller diner avec les autres. »

Voilà qui devrait lui faire passer l'envie de plaisanter. Marcus était plus que conscient que pour ce genre d'hyperactif, rester longtemps à ne rien faire et rien dire était en réalité la pire torture imaginable. Bien plus désagréable que frotter des marmites ou astiquer des armures. Pas de bouffonneries, pas d'activité manuelle, pas de stimulation sensorielle. Juste le profond silence de son bureau et rien à faire à part écouter le son de sa plume grattant du parchemin. Sans un regard de plus pour son élève, le professeur se replongea dans la correction de ses copies. Derrière lui, sur le mur, une horloge faisait un clic-clic régulier qui allait certainement rendre le temps encore plus long et insupportable pour Andrew. Tant mieux.

Andrew devait bien admettre que le professeur Warren avait rapidement attisé sa curiosité quand il était arrivé au château. Non seulement il enseignait ce qui était sans doute la matière préférée d'Andrew, mais son physique donnait encore plus d'intérêt à son cours. Même si Andrew n'avait pas aimé l'arithmancie, il aurait surement trouvé une bonne raison de se rendre dans la classe du professeur Warren. D'ailleurs, il avait l'impression que plusieurs filles de sa classe avaient finalement décidé de suivre à nouveau le sujet cette année alors qu'elles avaient annoncé quelques mois plus tôt qu'elles comptaient bien lâcher la matière. Mais quand on voyait à quoi ressemblait leur nouveau professeur, Andrew ne pouvait pas les blâmer.

Les premières semaines, Andrew n'avait pas hésité à montrer de quoi il était capable au professeur Warren, que ce soit en bien ou en mal. Il rendait des devoirs quasi parfaits, mais il savait que son attitude en cours n'en faisait pas l'élève idéal pour autant. Il avait été pris plusieurs fois à faire le malin avec ses camarades, ou à répondre de manière un peu trop familière au nouveau professeur. Il lui avait tendu la main une fois dans un couloir pour lui proposer un high five. Inutile de dire que sa tentative n'avait pas été couronnée de succès. Au début, il l'avait fait parce que c'était dans sa nature, parce qu'il ne savait plus comment être sans se comporter comme un pitre, mais aujourd'hui il prenait un véritable plaisir à titiller le professeur d'arithmancie. Andrew avait très vite remarqué que le visage du professeur Warren se crispait quand il faisait ou qu'il disait une bêtise, et il avait envie de voir ce qu'il pouvait faire pour provoquer cette réaction. C'était comme un jeu, un pari avec lui même pour voir jusqu'où il pourrait aller, et surtout jusqu'où le professeur Warren tiendrait. Et il sentait qu'il allait bien s'amuser.

Malheureusement pour lui, Marcus ne semblait pas être d'humeur joueuse ce soir. Andrew sentit son sourire tomber en entendant les plans du professeur pour sa retenue. Il allait devoir... ne rien faire ? Pendant deux heures. L'idée de devoir rester immobile plus de deux minutes lui était déjà insupportable. L'incrédulité devait aisément se lire sur son visage, mais Andrew n'avait jamais capable de masquer ses émotions. Une qualité dont il avait appris à être fier. Il s'avança vers le professeur en levant les bras comme pour signifier qu'il rendait les armes. "D'autres professeurs en auraient profiter pour que je fasse le sale boulot à leur place, mais je vois que ce n'est pas votre genre." Il haussa les épaules, comme pour dire tant pis, puis il partit s'asseoir pile en face du professeur. Le professeur Warren avait peut-être trouvé un niveau de cruauté encore plus élevé que celle du professeur Rogue, si bien qu'Andrew allait devoir revoir son échelle d'évaluation, mais il n'allait pas abandonner si facilement. Au contraire, il voyait ça comme un challenge. Un challenge qu'il comptait bien relever.

Il se redressa sur sa chaise pour trouver une position confortable avant de lancer un grand sourire au professeur Warren derrière son bureau. Deux heures, sans bouger, il pouvait le faire. Mais après à peine deux minutes, qui lui parurent durer plus de trente, Andrew commença à gigoter sur sa chaise. Il avait l'impression que les nerfs de tous ses membres étaient en train de crier pour qu'on les libère. Comme si de minuscules fourmis s'amusaient à le piquer tout le long de ses jambes, de ses bras, de ses mains, ... Il s'éclaircit la gorge. Trente secondes plus tard, il commença à se ronger les ongles, et il passa une ou deux minutes occupé à imaginer la tête de Caesius s'il le voyait faire. Il nota d'essayer ça la prochaine fois qu'il le verrait. Après une attente interminable (mais qui ne dura pas même cinq minutes), Andrew laissa retomber ses bras lourdement sur sa table. "Vous êtes certain que vous voulez du silence pendant 2 heures ? On m'a souvent dit que j'étais très doué pour faire la conversation." Il se pencha en avant sur son bureau, les coudes posés de chaque côté de la table. "Je m'en voudrais de vous faire passer à côté d'une occasion en or."

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@Andrew S. Ledwell

D'autres professeurs auraient effectivement sauté sur l'occasion pour faire travailler Andrew jusqu'à l'épuisement, mais Marcus était trop malin et sadique pour ne pas exploiter la faiblesse évidente de son élève : son hyperactivité. Il laissa le garçon prendre place face à lui et ne releva même pas ses paroles insolentes. Il n'avait pas besoin de lui répondre après tout, rien ne l'obligeait à lui faire cette politesse alors que lui-même ne lui présentait aucun respect. Il se pencha à nouveau sur son travail et apprécia le doux silence qui régnait dans son bureau. Malheureusement, ce calme ne fut que de courte durée car rapidement sa concentration se retrouva titillée par les sons que produisait Andrew en remuant sur sa chaise et en se rongeant les ongles. Marcus serra les dents et essaye de ne pas y prêter attention, mais c'était sans compter sur l'imprudence de l'élève qui reprit la parole. Le professeur releva des yeux perçants et agacés vers lui, ne cachant en rien ses nerfs à vif. Sa voix se fit glaciale.

« Pourquoi est-ce que j'aurais envie de discuter avec une personne telle que vous ? Vous n'avez de respect pour personne et êtes visiblement incapable de suivre des ordres pourtant simples. Ne me poussez pas à bout, Ledwell. Il n'est pas trop tard pour rajouter une heure de colle supplémentaire à votre soirée. »

Techniquement, il n'était pas bien vu qu'un professeur prive un élève de repas. L'éducation ne devait pas priver les jeunes d'une bonne nutrition essentielle à leur croissance. Mais Marcus n'était pas du genre à suivre les règles à la lettre hormis les siennes et celles instaurées par la logique. L'éthique n'avait qu'une toute petite place dans son esprit en comparaison. En temps normal, le professeur se serait contenté d'ignorer l'élève turbulent, mais la pleine lune n'était pas si loin et sa patience s'amoindrissait un peu plus chaque jour. De plus, ce garçon avait le don de l'agacer davantage que les autres. Qu'est-ce qui le rendait aussi pénible ? Aucune idée. Ce n'était pourtant pas le seul adolescent de cette école à se montrer insolent et infatigable. S'il n'était pas surveillé par le reste du corps enseignant, Marcus lui aurait volontiers mis une droite histoire de lui faire faire un bon gros dodo et pourvoir travailler en silence. Mais non, il devait se contenir, il ne devait pas céder à ses instincts brutaux. Sa place à Poudlard était en jeu.

« Si l'attente est trop pénible à votre goût, libre à vous de compter les irrégularités de peinture au plafond. »

Sur ces mots, il se replongea dans la correction de ses copies, espérant en vain qu'Andrew allait enfin se taire.

Deux heures de colle sans pouvoir parler. Si Andrew n'avait pas vu la satisfaction sur le visage du professeur Warren, il aurait cru à une blague. Qui était assez cruel pour le forcer, lui, à rester immobile et silencieux pendant plus de 10 minutes. La réponse se trouvait face à lui, avec une expression sévère sur le visage. Il avait fait de son mieux pour rester silencieux, mais il finit par craquer. Il ne savait pas pourquoi il s'était senti obliger d'en rajouter, pourquoi il provoquait volontairement son professeur d'Arithmancie. La provocation et l'insolence étaient comme une seconde nature pour lui, mais parfois il aurait aimé être capable de prendre le temps de réfléchir avant d'ouvrir la bouche. Ses provocations ne le mèneraient nul part avec le professeur Warren, et pourtant Andrew prenait un certain plaisir à le titiller. Il s'amusa  de la manière dont le professeur releva les yeux vers lui, son visage figé dans une expression de désapprobation évidente.

Il haussa les épaules quand le professeur Warren menaça d'ajouter une heure à sa retenue de ce soir. Il savait très bien que c'était une menace vaine car, après tout, il pouvait rendre la retenue aussi désagréable pour le professeur qu'elle ne l'était pour lui. Si on en croyait le ton et la crispation sur le visage de Marcus, c'était d'ailleurs déjà le cas. "Une heure de plus ne me dérangerait pas, mais j'ai peur que vous ayez du mal à me laisser partir après. On me dit souvent que je suis attachant." Enfin, après un certain temps surtout, mais ça, il ne le précisa pas. Il faisait rarement une bonne première impression, mais il leva les mains en signe d'abandon, comme pour effacer un peu de l'insolence de ses dernières paroles. Après plus de 6 années à Poudlard, il savait faire l'équilibriste sur la ligne qui séparait les petites blagues et ce qui pourrait le faire renvoyer. Il s'était approché de la limite une ou deux fois, mais ne l'avait jamais franchie, et il ne comptait pas le faire aujourd'hui.

Il croisa les bras sur son bureau et laissa échapper un soupir dramatique. Andrew n'avait jamais fait dans la mi-mesure, et le professeur Warren n'allait pas tarder à s'en rendre compte s'il ne l'avait pas encore compris. "Je l'ai fait il y a longtemps. Il y en a 22... 23 si on compte celle qui est à la fois sur le plafond et le mur," expliqua-t-il en pointant l'angle du doigt. Il avait passé beaucoup d'heures de classe à s'ennuyer, non pas parce que le sujet ne l'intéressait pas, mais parce qu'il avait parfois l'impression que son cerveau avait besoin de faire 4 choses en même temps pour être suffisamment stimulé. Il avait aussi le don de retenir des informations complètement inutiles, sans même essayer. Comme par exemple le motif exact de l'écharpe que le professeur Trelawney portait lors de son premier cours de divination, ou le score et l'ordre des buts du match entre Serdaigle et Serpentard pendant sa seconde année. Il tenta d'attraper le regard du professeur Warren. "Si vous voulez éviter qu'on perde tous les deux notre temps, je pense qu'il vaudrait mieux me donner quelque chose à faire." C'était presque une menace, non pas qu'Andrew l'ait pensé comme telle. Mais la vérité était bien là : Andrew était tout simplement incapable de ne rien faire, et tant qu'il ne parviendrait pas à s'occuper, Marcus ne parviendrait pas à se concentrer.