Des retrouvailles fortes de café ✗ Scott

La journée avait été très longue et éprouvante. Le Magenmagot avait tenu six séances. Toutes concernaient des personnes soupçonnées d'entretenir des liens avec le Seigneur des Ténèbres et d'avoir enfreint des règles magiques pour le servir. C'était pour les envoyer à Azkaban que Khelan avait voulu devenir Magenmage mais il détestait tout de même ces procès. Les familles des prévenus venaient pleurnicher à la barre pour tenter d'émouvoir les juges et cela lui donnait envie de vomir. Les menteurs, il pouvait les repérer de loin. C'était comme si une pancarte en néon clignotait sur leurs fronts. Leur incapacité à assumer leurs convictions politiques lui inspirait un profond dégoût, bien plus encore que les vies qu'ils avaient emporté en fin de compte.

Dans l'ascenseur, Khelan croisa une secrétaire du service des usages abusifs de la magie. Elle lui avait dit son prénom une dizaine de fois déjà mais il ne l'avait pas retenu. En tous cas, elle rougissait toujours comme une pivoine quand elle le voyait venir dans sa direction. Elle lui demanda s'il partait, il répondit que oui, alors pour dire une dernière banalité, elle souffla qu'il pleuvait dehors et qu'elle pouvait lui prêter son parapluie s'il n'en avait pas. Courtois mais légèrement froid, le Magenmage la remercia mais déclina son offre avant de relever le col de son Belstaff. Peut-être ignorait-elle qu'aussi charmante qu'elle soit, elle ne pouvait être à son goût. Rares étaient pourtant les personnes qui ignoraient ce fait au niveau 2 du Ministère.

Londres était sous la pluie. Khelan s'arrêta une seconde sous un porche pour s'allumer un des cigarillos qu'une de ses sœurs lui avaient ramené de Cuba. Quand une musique de Wagner s'éleva tout près de lui, il se retourna d'abord plusieurs fois, surpris, avant de se souvenir qu'elle venait du petit appareil que Mircalla – qui avait rejoint le monde moldu en épousant l'un d'eux - lui avait offert le mois dernier. Il garda son petit cigare en bouchant le temps de tripoter toutes les touches visibles et d'appuyer finalement sur la verte qui décrocha. Portant prudemment l'appareil à son oreille, Khelan reprit le cigarillo pour expirer la fumée.

_ Oui ?
_ Bonsoir, petit frère chéri ! C'est Mirca.
_ Tu es la seule qui m'appelle sur ce machin, tu sais.
_ Quoi ? Tu veux dire que tu ne passes pas tes soirées à donner ton numéro à des stripteasers sexy ?
_ [rire] Aussi étrange que cela paraisse effectivement, non.
_ Oh, tiens, en parlant de ça. Hier, j'ai bu un thé dans un petit coffee shop derrière la gare de King's Cross où les serveurs avaient des fesses absolument divines.
_ Tu n'es pas mariée ?
_ Mariée, pas aveugle... Bon. Quand est-ce que tu nous présentes ton âme-soeur ?
_ Je suis certain que tu n'appelais pas pour ça à la base.
_ Ah, c'est vrai ! J'allais oublier. On fait comme l'an dernier pour l'anniversaire des triplés ? Je vois avec Cylia, tu vois avec Daria et on se rappelle pour mettre un cadeau collectif au point ?
_ Ça me va.
_ Parfait. Maintenant on peut reparler de tes histoires de cœurs.
_ Ah, non, désolé mais je vais faire semblant de traverser une zone hors réseau pour te raccrocher au nez.
_ [rire] Vilain petit frère ! Prend soin de toi, chéri. A bientôt.
_ A bientôt, Mirca.

Khelan esquissa un sourire malicieux et faufila sa main dans son manteau pour ranger l'appareil moldu dans une poche intérieure de son beau costume noir Hugo Boss de la ligne Traveller. Toujours à l'abri sous le porche, il porta son cigarillo à ses lèvres, se demandant distraitement ce qu'il allait faire de la soirée qui venait juste de commencer. D'habitude, il attendait qu'on le contacte pour sortir. Il y avait toujours quelqu'un qui l'invitait à une fête quelque part, parfois même loin de l'Angleterre. Heureusement, les portoloins permettaient ce genre d'excentricités.

Est-ce qu'avoir 27 ans était considéré comme vieux ? Khelan avait l'étrange sensation sur ses sœurs essayaient de plus en plus souvent de s'informer sur sa vie sentimentale, comme si une sorte de compte à rebours avait démarré sans qu'il le sache. Peut-être qu'une femme paniquait si à 27 ans elle se trouvait encore célibataire mais pour lui c'était différent non ? Il était homosexuel. Il n'aurait jamais d'enfants et ne pourrait pas se marier alors quelle importance de se cantonner aux relations sans lendemain à travers les années ? Bien que plusieurs compagnons lui en aient fait la demande, il avait toujours refuser de laisser son appartement pour aller vivre chez eux. Jamais il n'avait invité personne à venir vivre chez lui non plus d'ailleurs. Avoir son univers privé le satisfaisait. De toutes manières, il avait l'impression que personne ne pouvait le comprendre et que ses petits amis ne l'avaient aimé que pour la couleur irréelle de ses yeux et son sourire charmeur. Ils n'étaient pas à blâmer cependant. Khelan se montrait rarement comme il était réellement. Humain.

S'écartant du porche en coupant son cigarillo pour conserver le coté intacte dans une poche, il fit les quelques pas qui les séparaient du bord du trottoir et leva la main pour attirer l'attention d'un taxi noir qui venait dans sa direction. La voiture s'immobilisa à sa hauteur et lui monta dedans. Une fois la porte fermée, alors qu'il comptait annoncer la rue dans laquelle se trouvait sa garçonnière, sa voix le trahit et dit « King's Cross, s'il vous plaît ». D'abord lui même étonné de ce choix, il se souvint de la conversation qu'il venait d'avoir avec sa sœur. Son instinct de chasseur semblait avoir pris le dessus et décider d'aller vérifier les allégations de Mircalla concernant le personnel de l'établissement dont elle lui avait parlé.
Ce ne fut que lorsqu'il fut sorti du taxi et eut réglé la course qu'il se rendit compte qu'il n'avait pas la moindre idée du nom du coffee shop. C'était comme chercher une aiguille dans une motte de foin. Légèrement déprimé par la réalisation de ce fait, il fit quelques pas au hasard dans les rues adjacentes et entra au hasard dans le premier coffee shop qu'il vit. A l'hôtesse de caisse blonde il commanda un grand café noir. Il songea une seconde à repartir mais décida finalement de s'asseoir pour le déguster à l'intérieur. Installé à une table pour deux contre la vitre, Khelan observait tantôt la pluie tantôt les fesses de serveurs qui passaient. Difficile à dire si c'était l'endroit dont lui avait parlé Mircalla. Le seul derrière qui valait l’œillade était celui d'un jeune homme mal rasé avec les cheveux bouclés. Ce dernier, très concentré sur son travail, ne l'avait semble-t-il pas remarqué.

Un thé dégringola soudain sur son pied, éclaboussant sa chaussure en daim et le bas de son pantalon de costume. La fautive, une grosse dame empotée, poussa une exclamation de frayeur totalement inutile. Bien qu'énervé par ce qui venait se produire, Khelan conserva son calme olympien et lui assura, alors que son pied lui brûlait, que ce n'était rien. Un manager appela alors l'un des employés afin de venir éponger le désastre.

La journée de Scott avait démarré à 6h du matin. Il s’était levé tôt pour avoir le temps d’aller faire son jogging matinal (qu’il avait abandonné depuis quelques semaines mais qui avait commencé à lui manqué), il avait ensuite pris un petit déjeuner rapide et avait filé au coffee shop pour l’ouverture à 7h30. Scott ne se chargeait pas souvent d’ouvrir la boutique mais son manager lui avait demandé de s’y coller aujourd’hui suite à l’absence de son employé habituel.

Scott allait donc devoir enchainer un peu plus de 12h de travail et rien que l’idée le fatiguait. Cependant, il ne pouvait pas se permettre de le montrer car une bonne partie de sa paie dépendait des pourboires qu’il récoltait. Et la mauvaise humeur n’allait jamais de pair avec la générosité des clients du café. Il avait fait exprès d’enfiler des jeans serrés, étant parfaitement conscient que son charme naturel ne faisait pas de mal avec les clientes (et avec certains clients, des habitués qu’il avait réussi à rendre fidèle au café).

Sa journée démarra plutôt tranquillement et se déroula sans incident notable jusqu’au soir, une demi heure avant la fermeture du café. Sa journée commençait à se faire longue et Scott n’avait plus qu’une envie : rentrer chez lui et s’allonger sur son canapé devant un bon film. Malheureusement pour lui, le destin semblait en avoir décidé autrement, et il décida de se concentrer sur la préparation de ses boissons pour faire passer la monotonie d’une journée sans événement.

S’il avait levé les yeux et aperçut l’homme qui venait d’enter dans le coffee shop, Scott aurait sans doute prié plus tôt pour une journée ennuyeuse et sans surprise, mais ce n’était pas à lui d’en décider. Il prépara les boissons commandées au rythme de la pluie venant s’écraser sur le pavé londonien tandis qu’il se retenait de fredonner l’air de « Mr Roboto » pour se changer les idées.

Il venait de terminer la commande d’une jeune femme au comptoir lorsque le bruit distinct d’une tasse se brisant dérangea la monotonie des conversations du café. Scott releva instinctivement les yeux et aperçut la fautive. Doreen, c’était toujours Doreen. Son patron lui donna ordre d’aller nettoyer le désastre (sans surprise) et Scott attrapa immédiatement le balai qu’il gardait toujours près de lui au cas où.

Il se releva, maudissant la maladresse de la vieille femme et ses exclamations de surprise habituelles. Il finissait par se demander pourquoi elle se laissait toujours surprendre quand elle faisait tomber quelque chose, après tout, ça ne lui arrivait que trois fois par jour en moyenne. Il aurait pensé qu’après 10 ans passés à travailler au même endroit, elle ne serait plus aussi sur…

Les pensées de Scott s’arrêtèrent net lorsqu’il releva enfin les yeux pour voir la nouvelle victime de sa collègue. Les années l’avaient changé, et à en juger par son accoutrement, Scott avait eu raison de penser qu’il avait avancé dans le monde et détenait aujourd’hui un emploi dont il pouvait être fier. Le jeune homme avait toujours cet air sérieux, sans joie que Scott lui avait connue il y avait des années de cela mais le plus frappant était ses yeux. Pour Scott qui les avait connu pleins de tendresse et de joie mal cachée, ce fut un choc de voir à quel point les années avaient altéré leur expression.

Ils étaient durs aujourd’hui, presque vides même si leur couleur n’avait pas changé. Et ces yeux là, ceux qu’il avait passé des heures à contempler dans son enfance, Scott les aurait reconnu n’importe où. Khelan.

Scott resserra son étreinte autour du balai pour éviter de montrer sa surprise, même s’il n’était pas sur d’y être arrivé, et avança en direction de la table de Khelan (Mr. Herondale, corrigea-t-il pour lui-même). Il n’avait plus aucun droit de l’appeler par son prénom et le jeune homme n’apprécierait sans doute pas sa familiarité. Il prit une grande inspiration et évita soigneusement le regard de son ami d’enfance avant de s’agenouiller à ses pieds pour commencer à ramasser les morceaux de la tasse que Doreen avait fait tombée.

« Désolé du désordre, Monsieur. »

Il avait prononcé ces quelques mots les dents serrées, furieux et humilié de devoir servir ainsi quelqu’un qu’il avait un jour considéré comme son seul ami. Mais il l’avait su depuis le début, Khelan et lui n’appartenaient pas au même monde, il se serait pourtant passé de cette aventure pour le lui rappeler.

Il attrapa alors la serviette qu’il avait amenée avec lui et commença à éponger le thé autour de la chaussure de Khelan. Il déglutit avec difficulté avant de commencer à essuyer la chaussure de Khelan. Pouvait-il tomber plus bas ?

« Pour vous présenter nos excuses, la maison vous offre la boisson de votre choix. » Scott se releva lentement pour faire face au jeune homme. « Monsieur. » ajouta-t-il finalement avec un sourire crispé.

Toujours très calme, Khelan continuait de dire à l'employée qui se confondait en excuses que sa maladresse n'était pas préjudiciable pour lui. Pour sa chaussure gauche oui mais elle n'avait pas de bouche pour protester. Il se penchait déjà pour ramasser les fragments de tasse quand quelqu'un le devança. Le jeune homme était arrivé trop vite pour que le Magenmage puisse voir son visage mais il reconnaissait les cheveux bouclés qu'il avait à présent sous le nez. Sans aucun doute possible le serveur avec les jolies fesses qu'il avait regardé discrètement passé plusieurs fois depuis qu'il était entré dans le coffee shop. Il se redressa donc pour le regarder éponger le thé sur le sol avec un petit sourire de contentement. La voix de ce jeune homme avait quelque chose de familier. Une intonation peut-être ou un accent. Khelan plissa les yeux et essaya de se souvenir où il aurait déjà pu entendre un timbre de voix pareil. Il perdit totalement le fil de ses pensées lorsque le serveur commença à frotter sa chaussure. Ses lèvres se déserrèrent et il écarquilla légèrement ses yeux couleur glace. Il n'en demandait pas tant.
Le jeune homme finit par se relever souplement. Le regard de Magenmage accompagna son mouvement, curieux de découvrir son visage. S'il s'était attendu à retrouver Scott dans ce genre d'endroit, il l'aurait reconnu sur le champ. Toutefois, persuadé que son ami d'enfance devait mener la grande vie à présent grâce à ses parents au revenu aisé, il ne se rendit pas compte que c'était lui, vieilli d'exactement dix ans. Comme sa voix néanmoins, ses traits lui semblaient familiers. Il le contempla d'abord avec une admiration discrète et muette avant de marteler encore une fois son indifférence avec un « ce n'est rien » indulgent. Il laissa son regard courir sur ses légères boucles indisciplinées puis sur sa tempe, le coin de son œil, son nez, sa bouche et son menton, comme s'il était un logiciel de reconnaissance faciale de Scotland Yard en train de le scanner.

Et, soudain, La Chevauchée des Walkyries. Wagner. Agacé, Khelan baissa la tête vers son costume et glissa une main à l'intérieur pour atteindre la poche cousu sur son cœur et prendre le petit appareil. L'afficheur indiquait encore le nom de sa sœur. Craignant que le serveur ne profite de cette diversion pour s'en aller, le Magenmage attrapa le manche du balai pour l'obliger à rester près de lui. Il ouvrit ensuite le clapet du cellulaire pour déclarer d'une voix autoritaire « Je te rappelle plus tard » et raccrocha sans plus d'explications. Il l'abandonna sur la table à coté de son café encore à moitié plein et releva les yeux vers celui qui n'était pas tout à fait un inconnu pour lui adresser un sourire charmeur.

_ Vous avez déjà pris votre pause ? Que diriez-vous de vous servir ce café et de venir vous asseoir avec moi ?

Khelan n'y allait jamais par quatre chemins pour faire comprendre à quelqu'un qu'il lui plaisait. Il se savait apprécié du premier coup d'oeil des femmes comme des hommes alors pourquoi être timide. Le pire qui puisse lui arriver serait de tomber sur une personne homophobe mais il ne risquait rien dans un lieu public et puis, il avait sa baguette magique.
Vraiment, cette tête bouclée lui rappelait quelque chose. Quelqu'un. Quel malheur qu'il n'ait aucune mémoire visuelle. Cependant, il n'y avait pas que le visage qui lui transmettait une sensation de déjà vu. Il y avait ce qu'il dégageait aussi. Son aura. Khelan se sentait à l'aise à coté de lui, comme si c'était naturel de s'y trouver. Il avait déjà du le rencontrer quelque part. Au cours d'une soirée peut-être. Il n'y avait pas d'autres explications.
Se rendant compte qu'il tenait toujours le manche du balai, le Magenmage desserra lentement l'étreinte de ses doigts sans toutefois lâcher entièrement prise. Il les fit seulement glisser le long du bois afin de relâcher les muscles de son bras. Les yeux toujours rivés vers ceux du serveur, il souffla :

_ Je ne voudrais pas vous faire le coup du "On ne se serait pas déjà vu ?" mais je vous connais, il me semble.

Scott s’était relevé et fut tout surpris d’apercevoir les yeux de Khelan fixés sur lui. Il s’était attendu à ce que le jeune homme l’ignore complètement, mais son regard était à la fois intense et calculateur et Scott eut l’impression étrange d’être passé aux rayons X. Il imaginait aisément l’ordinateur qui servait de cerveau à l’ancien Serdaigle stocker les informations que ses yeux récoltaient au cas où il ai besoin de les utiliser un jour. Cette pensée le fit presque frissonner.

Il s’étonna de l’indulgence dans la voix de son vieil ami mais ne fit pas de remarque. Si Khelan avait décidé de se comporter comme un être humain digne de ce nom, il n’allait pas s’en plaindre. Et ça le changerait de sa clientèle habituelle. Mais il y avait quelque chose de dérangeant dans sa manière de le fixer, un contraste étrange entre sa désinvolture affichée et le soupçon d’intérêt que Scott pouvait lire au fond de ses yeux.

La sonnerie de son portable retentit dans le restaurant, interrompant les deux jeunes hommes dans leur contemplation, chose pour laquelle Scott ne savait pas s’il devait se sentir reconnaissant ou déçu. La reconnaissance était surement plus prudente. Khelan détourna le regard, évidemment agacé par l’interruption, et sortit son téléphone de la poche de son costume. Scott se remis juste à temps pour se dire qu’il était peut-être temps qu’il retourne au travail, malheureusement pour lui, Khelan n’avait pas l’air d’accord. Il attrapa le balai que le jeune homme tenait encore, l’empêchant de s’enfuir et l’obligeant à attendre que sa conversation soit terminée.

Scott fut pris de l’envie de lui dire de lâcher son balai ou bien il était capable de lui enfoncer quelque part où il ne verrait plus jamais le soleil, mais heureusement pour lui et pour son poste, il resta muet. Il se retint même de faire une réflexion sur le fait que le jeune homme ai un téléphone portable, chose des plus rares pour un sorcier. Mais après tout, peut-être que l’engin était utile dans sa filière. Khelan raccrocha après deux secondes de conversation, demandant à la personne de le rappeler plus tard. Scott se força à ne pas se demander qui avait bien pu l’appeler, préférant se concentrer sur ce que le jeune homme était sur le point de dire.

_ Vous avez déjà pris votre pause ? Que diriez-vous de vous servir ce café et de venir vous asseoir avec moi ?

Le choc était apparent sur le visage de Scott si bien qu’il était certain que si sa mâchoire n’avait pas été aussi bien accrochée, elle serait tombée depuis quelques secondes déjà. Khelan venait de l’inviter à boire un café ? Khelan ? Il n’était quand même pas… non. Non, il avait certainement juste mal formulé sa réponse.

Et pourtant, le sourire charmeur qu’il affichait, la façon dont il l’avait fixé tout à l’heure et la manière dont il était toujours accroché au balai de Scott comme s’il avait peur (à raison) que celui-ci ne s’enfuit : tout cela ne pouvait indiquer qu’une seule chose. Khelan était gay, ou bi. Et il venait bel et bien de l’inviter à boire un coup, en plein milieu du café où il travaillait et alors que son service n’était pas terminé.

Scott préféra ne pas se demander pourquoi il n’apprenait l’orientation sexuelle de Khelan qu’aujourd’hui, réalisant que son ancien ami n’avait aucune idée qu’il était gay lui aussi. Il fallait croire que c’était écrit sur son visage, ou bien que Khelan n’hésitait pas à draguer des hétéros. Scott ne savait pas quelle option le dérangeait le plus à vrai dire.

Une fois la surprise passée, l’agacement reprit le dessus. Non seulement Khelan devait savoir que Scott ne pouvait pas simplement prendre une pause maintenant parce qu’un client le draguait, mais surtout, il n’arrivait pas à croire que le jeune homme utilise une technique de drague qu’il avait visiblement pratiqué et déjà utilisé sur d’autres personnes. Il agrippa son balai avec un peu plus de force qu’avant pour se retenir de devenir parfaitement désagréable et serra les dents.

« Je ne pense que mon manager apprécierait, Monsieur. » Il avait prononcé le dernier mot avec toute l’ironie dont il était capable, mais ça ne suffit pas à le calmer entièrement. « Je n’ai pas fini mon service et je ne suis pas là pour boire avec les clients. »

Scott ne précisa pas que son petit-ami n’apprécierait surement pas non plus, si Khelan ne savait pas qu’il était gay, il préférait ne pas le lui dévoiler. Une forme de revanche bien maigre, mais Scott était prêt à attraper ce qu’il pouvait. Khelan desserra légèrement son étreinte autour du balai mais ne le lâcha pas complètement.

_ Je ne voudrais pas vous faire le coup du "On ne se serait pas déjà vu ?" mais je vous connais, il me semble.

Cette fois Scott ne put masquer sa surprise et ses yeux s’écarquillèrent sous le coup du choc. Khelan ne l’avait pas reconnu… il n’avait aucune idée de qui il était en train de draguer. Scott remarqua alors avec horreur que le jeune homme l’avait effectivement vouvoyé depuis le début et qu’il n’avait pas eu de réaction particulière en le voyant. Par Merlin, si Scott était irrité auparavant, sa colère atteignait désormais des niveaux prodigieux.

Voilà ce qu’était devenu son meilleur ami d’enfance, et Scott n’était pas certain d’apprécier le résultat. Il arracha le balai des mains de Khelan avec sans doute un peu plus de force que nécessaire et lui lança un regard froid, préférant se concentrer sur sa colère plus que sur la peine que le jeune homme venait de lui faire. Il se doutait bien que Khelan avait le droit de le prendre de haut aujourd’hui, mais qu’il ne se souvienne pas de lui était plus fort encore. Et ça, Scott ne pouvait pas le digérer aussi facilement.

« Non, je ne vous connais pas. » Et Scott pensa avec amertume qu’il n’avait jamais rien dit d’aussi vrai. Il ferma les yeux quelques secondes pour se concentrer à nouveau sur sa tache, affichant un sourire qui ressemblait presque plus à une grimace. « Je vous apporte votre café dans quelques minutes. »

Il attrapa son seau, son balai et son torchon avant de reprendre la direction du comptoir à grands pas, préférant s’éloigner de Khelan au plus vite. A peine était-il installé derrière la machine que Kate, sa collègue, l’avait déjà rejoint, un grand sourire aux lèvres.

« Alors ce client ? » demanda-t-elle en rigolant. « Plutôt mignon, tu vas tenter ta chance ? »

« Certainement pas. » grommela-t-il sans même lever les yeux de la machine. « Je te rappelle que j’ai déjà un copain, et puis ce n’est pas mon type. »

« Donc je peux m’y essayer ? »

Kate s’accrocha à son bras avant de le secouer, le déconcentrant assez pour arrêter la machine quelques secondes. Il se tourna vers la jeune femme, exaspéré par ses frasques.

« Je t’en prie, je te donne même la moitié de mes pourboires de la journée si tu peux renverser le café sur son costume. » répondit-il, à moitié surpris de réaliser qu’il était très sérieux.

Kate le regarda bizarrement mais elle abandonna vite la question, se concentrant sur sa chance à elle plutôt que sur les raisons qui poussaient Scott à mépriser leur client sans aucune raison apparente.

« Merci ! » chuchota-t-elle finalement à moitié, sa voix portant certainement assez pour que la moitié du café l’entende. Elle se mit sur la pointe des pieds avant de déposer un baiser sur la joue de Scott. Le jeune homme leva les yeux au ciel avant de terminer la boisson de Khelan.

« Tiens, apporte lui son café au lieu de raconter des âneries. Et bon courage surtout. » répondit-il avant de lui tendre la tasse du jeune homme.

Il observa la jeune femme trottiner jusqu’à la table de Khelan, ses yeux fixés sur leur interaction pour ne pas en perdre une miette. Si Kate réussissait à le débarrasser du jeune homme, c’était toujours ça de pris et s’il la rejetait, il aurait au moins le plaisir de ne pas avoir été la seule personne dans le café que Khelan avait insulté.

Il fallait plus qu'une voix froide et qu'une mine sombre pour se débarrasser de Khelan Herondale. Cette moue irritée allait même plutôt bien au visage du serveur. Le fait qu'il l'ait rabroué avec cette politesse forcée ne renseignait pas vraiment le Magenmage sur l'orientation sexuelle de sa cible mais la partie était tout de même intéressante à jouer. Le ton cassant du jeune homme n'avait pas réussi à jeter d'ombre sur son sourire charmeur. Il l'aurait au contraire accentué, car ce qui n'était pas facile à atteindre devait subitement plus intéressant. Il avait l'impression grandissante que chaque mot qui sortait de sa bouche mettait son interlocuteur de plus en plus en colère. Comme c'était intriguant...
Le barista vit rouge une dernière fois en arrachant sèchement son balai à l'étreinte de sa main, répondant qu'ils ne se connaissaient pas et s'éloigna en annonçant qu'il apporterait le café gratuit qui servirait de dédommagement pour la maladresse de sa collègue tout à l'heure. Khelan le regarda repasser derrière le comptoir, une lueur d'intérêt accroché au fond de ses yeux couleur glace. Il avait senti le mensonge. Pourquoi toute cette colère tout juste contenue s'ils ne se connaissaient pas ? Tout en réfléchissant, le Magenmage sortit son étui à cigarillos et commença à en sortir un, machinalement. Un autre serveur aux cheveux blonds et graisseux qui passait à proximité glissa :

_ Euh... C'est interdit de fumer, M'sieur.

Khelan ne lui accorda pas un regard. Intérieurement contrarié mais toujours impassible extérieurement, il rangea son petit cigare dans sa poche. Les moldus et leurs lois ridicules... Songeur, il termina le café qu'il avait payé d'une longue gorgée et attacha son regard au delà de la fenêtre pour réfléchir. Où avait-il déjà pu rencontrer ce jeune homme et surtout, pourquoi semblait-il lui en vouloir ? Est-ce qu'ils avaient déjà coucher ensemble et qu'il ne l'avait pas rappelé ? Observant le serveur dans la réflexion de la vitre, il se dit que c'était impossible. Il aurait rappelé.
C'est avec déception qu'il s'aperçut que c'était une jeune femme qui lui apportait le café offert par la maison. Apparemment, la mystérieuse tête bouclée n'avait pas souhaité renouer de contact avec lui. Un rapide coup d’œil à l'expression béate de naïveté de la demoiselle lui permit de savoir qu'elle allait sans doute pouvoir lui être utile. C'est la raison pour laquelle il lui adressa son sourire le plus charmant.

_ Merci beaucoup, mademoiselle. Est-ce que je pourrais vous poser une question ?
_ Bien sûr.
_ Votre parfum. C'est Trésor de Lancôme, n'est-ce pas ? (Toujours flatter avant d'intriguer pour obtenir ce qu'on veut)
_ Oui, souffla la coquette en rougissant un peu.
_ Divin. Dîtes-moi, joli trésor, comment s'appelle votre collègue qui est venu nettoyer le sol ici ?
_ Vous devez parler de Scott.

Scott ? La serveuse avait à peine prononcé ce prénom que le puzzle se mit brutalement en place dans l'esprit de Khelan. Scott, le voisin d'en face. Scott, son meilleur ami d'enfance. Comment avait-il pu manquer de le reconnaître ? C'était clair maintenant. Il avait été sec à s'apercevant qu'il ne l'avait pas reconnu. Bien sûr que c'était vexant. Le Magenmage n'avait jamais fait preuve d'une telle délicatesse et il s'en voulait beaucoup. Poussant de nouveau son regard hypnotique sur la serveuse, il demanda encore :

_ Est-ce que vous voudriez bien être un ange et me dire à quelle heure il termine son service ?
_ Hum... Dans une heure normalement.
_ Merci.

Khelan lui adressa un dernier sourire avant de détourner la tête pour lui signifier que l'entrevue était terminée. Il avait les informations qui l'intéressaient. La serveuse s'en fut, se rappelant à peine qu'elle voulait au départ essayer de lui faire du plat. Le Magenmage se retourna vers la table qui se trouvait derrière lui et demanda à ses occupantes, des étudiantes rougissantes, s'il pouvait leur emprunter un stylo. Il n'allait évidemment pas sortir son encrier et sa plume dans un café moldu. Sur sa serviette blanche, il écrivit simplement ces mots : « I'm just a poor boy, I need no sympathy ». Il s'agissait d'un bout de paroles d'une chanson que, d'après ses souvenirs, Scott aimait bien. Il avait oublié le titre de la chanson mais l'interprète s'appellait Princess... ou Queen. Quelque chose comme ça.

Il but d'une traite son café gratuit en se brûlant la langue et se leva pour partir, laissant la serviette bien en évidence sur la table. Il releva le col de son Belstaff au moment de pousser la porte. Malgré son envie, il ne jeta pas un seul coup d'oeil en direction de Scott.

*

Une heure s'était écoulée et Khelan attendait patiemment, adossé à la façade du coffee bar à coté de la porte, là où on ne pouvait pas le voir depuis l'extérieur. A chaque fois que quelqu'un en sortait, il tournait la tête pour voir si c'était la personne qu'il attendait mais ce n'était jamais le cas. Un cigarillo à la main, il pensait aux procès en cours pour ne pas s'ennuyer. C'était un jeune homme spontané. Il n'avait pas du tout préparé ce qu'il dirait à Scott quand il sortirait enfin de son travail. Des excuses seraient peut-être les bienvenus mais il n'avait pas envie de renouer le contact en jouant les penauds. Il voulait se montrer tout en panache au contraire. Sa bonne humeur serait peut-être contagieuse et effacerait peut-être d'elle-même l'offense qu'il avait faite à son ami en ne le reconnaissant pas. Et puis, les paroles qu'il avait inscrites sur la serviette tenait déjà lieu d'excuses, non ?
Lorsque la porte s'ouvrit une nouvelle fois et que l'ancien Gryffondor sortit dans la rue, en habits civils, Khelan se décolla du mur et expira la fumée du petit cigare en souriant.

_ Tu as grandi, Scotty, lâcha-t-il avec décontraction en faisant un pas vers lui, visiblement heureux.

Scott vit la jeune femme arriver à la table de Khelan et ne savait pas lequel des deux il devait plaindre en premier. Kate pouvait être agaçante mais elle était gentille au fond, tandis que le jeune Serdaigle pouvait être charmant mais était une véritable ordure lorsqu’on creusait un peu plus profond que son charmant minois. Mais Kate n’aurait sans doute pas le temps de s’en apercevoir et elle n’avait pas l’air très intéressée par sa personnalité de toute manière.

Scott détourna le regard lorsque Khelan lança un grand sourire à Kate, refusant de leur montrer que leur conversation l’intéressait. Il n’en avait absolument rien à faire. Mais la façon dont le jeune homme avait commencé à lui faire du charme ne fit que confirmer les soupçons de Scott : il avait souvent utilisé cette combine et il l’avait surement dragué pour passer le temps. C’était déjà un poids en moins, en tout cas, c’est ce que Scott préféra se dire.

Le jeune Gryffondor aperçut sa collègue commencer à rougir et arrêta définitivement d’observer leur altercation. S’il pouvait éviter de voir son ami d’enfance obtenir un rendez-vous avec Kate, il n’avait pas l’intention de se l’infliger à lui-même. Mais Kate avait au moins intérêt à l’inviter au mariage pensa-t-il avec une amertume qu’il n’arrivait pas à justifier.

Kate reprit sa place derrière le comptoir quelques minutes plus tard et lui donna un léger coup de coude avec un sourire béat accroché aux lèvres.

« Il est vraiment adorable. » gloussa-t-elle et forçant Scott à serrer les dents. Il ne supportait pas lorsqu’elle partait dans les aigus. « Il a reconnu mon parfum. »

Scott se retint de lui faire remarquer que n’importe qui dans le restaurant aurait pu sentir son parfum de là où elle se tenait et que tout le monde aurait pu le reconnaître. A quoi bon lui pourrir le moral, après tout elle ne lui avait rien fait, elle.

« Je suis sans voix, c’est l’homme parfait. » répondit-il avec un peu d’agacement bien déguisé avant de se remettre en caisse pour ne pas avoir à entendre le reste de l’histoire.

Il avait sans doute été un peu trop sec avec la jeune femme, mais elle n’avait certainement pas reconnu le sarcasme de sa réponse alors il n’y avait pas de mal.

Scott s’occupa de servir un client et lorsqu’il releva la tête Khelan était parti. Bon débarras pensa-t-il avant d’aller s’occuper de nettoyer sa table. Il ramassa ses deux tasses désormais vides et était sur le point de froisser sa serviette lorsqu’il remarqua que quelqu’un avait écrit dessus. Il reposa les mugs et leva le morceau de papier pour pouvoir le lire. Khelan n’avait écrit que quelques mots mais Scott les reconnu immédiatement. Bohemian Rhapsody, sa chanson préférée. Celle qu’il avait passé des mois à lui faire écouter jusqu’à ce que Khelan ne puisse presque plus la supporter. A l’époque, il avait été trop gentil pour s’en plaindre mais Scott avait finit par comprendre que son ami n’était pas aussi passionné par Queen qu’il l’était.

Il jeta un regard dans le café par réflexe pour vérifier que Khelan était bel et bien sorti avant de froisser la serviette et d’aller jeter le tout, refusant d’admettre que sa colère était un peu retombée. Khelan avait fini par le reconnaître et apparemment il se souvenait encore comment parvenir à amadouer Scott, Queen était sans doute le meilleur moyen de se faire pardonner mais Scott n’était plus aussi gentil qu’il l’avait été lorsque les deux garçons se parlaient encore. Il était en tout cas un peu plus rancunier qu’à l’époque.

Scott ignora le regard interrogateur que Kate lui lança et se remit au travail. Plus qu’une heure et il serait enfin libre.

***

Scott sortit des vestiaires avec l’impression de pouvoir respirer pour la première fois depuis le début de la journée. Il avait retrouvé ses habits de ville et traversa le café désormais presque vide sans un regard pour le reste du staff. Il était déjà sorti un peu en retard, il voulait surtout éviter que son manager ne le rappelle pour aller servir quelqu’un ou nettoyer une table. Ça n’aurait pas été la première fois.

Il jeta un coup d’œil à sa montre et réalisa avec effroi qu’il avait déjà un bon quart d’heure de retard, Ethan n’allait surement pas être content d’avoir du patienter. Mais avec un peu de chance, il n’était pas encore arrivé devant le coffee shop. Scott sortit du café et s’aperçut avec soulagement que son petit ami n’était en effet pas encore arrivé, malheureusement pour lui, sa joie ne dura pas longtemps.

_ Tu as grandi, Scotty.

Scott s’arrêta net et leva les yeux au ciel. Il aurait reconnu la voix de Khelan n’importe où mais il aurait préféré ne pas avoir à l’entendre à cet instant précis. Que lui voulait-il encore ?

« Plus personne ne m’appelle ‘Scotty’, répondit-il d’une voix qu’il tentait de maîtriser. « Et je n’ai jamais aimé ce surnom. »

C’était un mensonge éhonté, mais ça, Khelan n’était pas obligé de le savoir. A son grand désarroi, Scott avait toujours adoré le surnom que le jeune garçon lui avait donné, simplement parce que Khelan avait été le seul à l’utiliser. Il n’avait d’ailleurs jamais permis à qui que ce soit d’autre de l’emprunter. C’était sans doute un peu étrange maintenant qu’il y pensait.

« Je vois que toi aussi tu as grandi, mais que tu n’as pas oublié Queen. »

Il aurait au moins aidé à donner un peu de bon goût à Khelan, se dit-il avec une pointe de rancœur. Mais apparemment, il ne lui avait pas assez appris pour l’empêcher de mettre Wagner en sonnerie de téléphone. Il refusa de penser que c’était tout de même un peu adorable et jeta un nouveau coup d’œil à sa montre avant de vérifier qu’Ethan n’était pas encore là.

« Qu’est-ce que tu fais là ? Kate a oublié de te donner son numéro ? »

Cette fois sa voix était désinvolte, après tout, il n’en avait absolument rien à faire. Rien du tout.

Menteur. S'il n'avait jamais aimé que Khelan l'appelle « Scotty », il avait eu maintes fois l'occasion de le lui dire dans le passé. Pourquoi avait-il souri chaque fois et pourquoi avait-il répondu ? Le mensonge ne fit qu'élargir encore un peu plus le sourire du Magenmage qui ne chercha pas à le contredire. Il tira patiemment une nouvelle bouffée sur son cigarillo et hocha la tête en entendant son ami dire que lui aussi avait grandi. Il avait toujours été un peu plus grand que les autres enfants de son âge et, même si c'était une caractéristique qu'il n'avait pas forcément conservé en grandissant, il restait tout de même plus grand que Scott. Comme ce dernier ne s'en allait pas et jeta un coup d'oeil agacé à sa montre, Khelan fut obligé de conclure qu'il ne restait moins pour faire la conversation que parce qu'il attendait quelqu'un. Un parent. Un ami. Une petite amie. Cette dernière supposition l'irrita un peu d'ailleurs.
Kate ? Oh, la serveuse probablement. Alors il avait regardé un peu leur échange.
Le jeune homme prit une dernière bouffée de fumée avant de sortir son coupe-cigare pour en sectionner l'extrémité et remettre le morceau encore en état dans la poche intérieure de son manteau. Puis, il entrouvrit les lèvres pour expirer un discret nuage blanc sur le coté avant de déclarer :

_ Je ne sors plus avec des femmes depuis des années.

Khelan darda ses yeux incroyablement bleus et perçants sur Scott pour juger l'effet que cette révélation avait eu sur lui, même s'il devait bien déjà s'en douter vu comme il avait flirté avec lui dans le café avant de le reconnaître. Ils ne se parlaient déjà plus quand il avait annoncé à son entourage son penchant pour les hommes. Maintenant, il se demandait ce que Scott aurait dit s'il avait pu lui en parler. Enfin, tout était de sa faute s'ils avaient perdu contact. Il ignorait ce qu'il avait dit ou fait au début de l'été de leurs onze ans mais il avait beau être venu tous les jours pendant trois semaines frapper à sa porte, Monsieur Fields lui avait dit que son fils ne voulait plus le voir. Alors il avait fini par laisser tomber. Là, il avait l'occasion de lui demander pourquoi, mais il ne voulait pas le faire dans une rue alors que son ami était encore manifestement en colère contre lui. Il fallait d'abord falloir qu'il l'apaise. Une chance, Khelan était très doué pour manipuler les humeurs des gens.

_ C'est Mircalla qui m'a conseillé de venir prendre un café ici. On dirait que j'ai bien fait de l'écouter pour une fois. Je suis content de te revoir. Excuse-moi de ne pas t'avoir reconnu tout de suite. Tu sais comme je suis mauvais physionomiste.

C'était un fait avéré. Ses six sœurs pourraient passer en file indienne dans dix ans sur le trottoir en face du sien qu'il ne réagirait même pas. Malheureusement, ce n'était pas parce qu'on voulait se souvenir qu'on le pouvait. Et Scott était vraiment une des personnes qu'il ne voudrait jamais oublier, même si c'était lui qui l'avait fui sans explication il y a des années.c

_ Comment vas-tu ?

S'il avait su que la discussion allait tourner court, peut-être aurait-il poursuivi avec quelque chose de moins banal. En effet, une silhouette venait d'apparaître à l'angle de la rue et elle se dirigeait vers elle. Un homme, semblait-il. Il était encore un peu loin mais il accéléra le pas en regardant droit vers eux, les sourcils froncés.

Spoiler:

Scott s’aperçut bien vite que rien de ce qu’il pourrait dire n’allait décourager Khelan. Il avait beau se montrer sec, l’ancien Serdaigle n’avait pas l’air de vouloir comprendre le message. Et cette constatation l’agaça encore un peu plus. Pourtant, Scott ne put pas s’empêcher de fixer les mains du jeune homme, ses gestes précis mais gracieux lorsqu’il éteignit son cigare. Ses lèvres lorsque la fumée s’en échappa, Khelan était devenu beau avec les années et aujourd’hui Scott n’était plus le seul à s’en rendre compte. Il avait aimé être la seule personne au monde à apprécier Khelan pour ce qu’il était, mais il aurait été un peu injuste de lui en vouloir d’être beau aujourd’hui. Scott avait perdu tout droit de penser à lui comment étant ‘sien’, mais ça ne l’empêcha pas de lui en vouloir un peu.

La surprise était évidente sur son visage lorsque l’ancien Serdaigle lui avoua son orientation sexuelle. Scott aurait été prêt à parier que Khelan aimait aussi les femmes, après tout, flirter avec Kate n’avait pas eu l’air de le déranger spécialement. Il évita d’y repenser trop pour l’instant et essaya d’afficher une mine désintéressé. Après tout, que Khelan soit gay ou pas, ça ne changeait rien.

Scott ne put pas s’empêcher d’esquisser un léger sourire au nom de la sœur de Khelan. Il ne l’avait jamais vue dans le café mais ça ne voulait pas dire que l’ancien Serdaigle mentait, et Scott avait toujours eu beaucoup de respect pour la famille de son ami. Khelan avait eu la chance d’être bien entouré pendant sa jeunesse et Scott l’avait toujours un peu envié d’avoir été aussi aimé. Mais encore une fois, il valait sans doute mieux éviter d’y penser pour l’instant.

« Il n’y a pas de mal. » répondit-il d’une voix qui criait le manque de sincérité. « Tu ne peux pas te souvenir de tout le monde. »

Scott n’écouta la question suivante que d’une oreille, trop heureux de voir qu’Ethan était finalement arrivé. Apparemment son petit-ami n’était pas ravi de le voir accompagné, et vu le physique de Khelan Scott ne pouvait pas réellement le blâmer. Il se tourna vers son ami d’enfance avec un petit sourire au coin des lèvres.

« J’ai connu mieux. »

Il sentit la main d’Ethan se passer autour de sa taille quelques secondes plus tard. « Salut, chéri. C’est qui lui ? » Scott leva les yeux au ciel malgré lui, Ethan ne changerait jamais. Mais en l’occurrence, son intervention l’arrangeait bien alors il n’allait pas s’en plaindre. Il se tourna légèrement dans les bras de son petit ami pour venir déposer un rapide baiser sur ses lèvres. « Personne. » répondit-il un peu sèchement sans même jeter un coup d’œil à Khelan. Il n’aimait pas devenir désagréable, mais si c’était le seul moyen de faire passer le message alors il ne s’en priverait pas. « On y va ? »

Ethan hocha la tête avant d’entrainer Scott vers son appartement, ignorant complètement Khelan à son tour. Scott soupira un instant avant de se tourner vers l’ancien Serdaigle, se sentant tout de même obligé de lui dire au revoir. « Bye, Khelan. » Et il reprit la marche sans attendre de voir sa réaction. Cependant Scott n’écouta pas un mot de ce qu’Ethan était en train de lui raconter, trop occupé à réfléchir à la confession que Khelan venait de lui faire. Son esprit marchait à cent à l’heure, lui présentant des scénarios, de ‘et si’ qui lui firent se demander ce qui se serait passé si les deux jeunes garçons n’avaient jamais perdu le contact. Scott n’aurait pas pu s’empêcher de tomber amoureux de son meilleur ami, mais vu comment les choses avaient tournées, il valait mieux que ces pensées restent des suppositions. Après tout, il s’en était très bien sorti sans Khelan, il n’avait aucune raison de penser que les choses auraient pu être différentes. Et ce n’est pas comme s’il le souhaitait.

Scott se laissa entrainer au loin par son petit ami, se forçant à abandonner des considérations qui ne le mèneraient nulle part et hochant la tête lorsqu’Ethan lui posa une question qu’il n’avait pas écouté. Il le laissa ensuite lui raconter sa journée au ministère et Khelan lui sortit complètement de la tête.

Sujet: Re: Des retrouvailles fortes de café ✗ Scott