"C'était un ptit lutin d'cornouiailleuuuuh" [FE]

Octobre 1996
« Enco’e une tite bière siouplait ! » Combien en avait-il bu exactement depuis son arrivée dans le bar moldu ? Il n’en avait strictement aucune idée. Il faisait froid dehors, et il n’avait pas envie de se retrouver seul chez lui, face aux pages de son roman qui ne serait probablement jamais publié. Il n’avait pas la force d’affronter le papier et les mots qu’il y avait soigneusement écrit un par un, alors que le choix de chacun d’entre eux avait été un acte réfléchi afin de rendre le texte le meilleur possible. Mais il s’était définitivement laissé bercer par ses illusions et avait cru qu’il parviendrait à être édité… Le patron du bar rempli rapidement le verre du jeune homme avec une pression de bonne marque, et le rouquin y plongea immédiatement les lèvres, comme pour oublier ce qui l’attendait s’il avait la mauvaise idée de rentrer chez lui. Il trouverait bien un caniveau où finir la nuit n’est-ce pas ? Le verre se vida peu à peu et le sorcier perdait alors au fur et à mesure toute la lucidité qui lui restait. Mais les établissements moldus ne semblaient pas rester ouvert toute la nuit, alors il fit mis dehors avec tout le soin dont sait faire preuve un patron de bar face à un homme un peu trop alcoolisé.

Il pesta contre l’homme en question en se relevant comme il le put. Il épousseta doucement son long manteau afin de ne pas paraître négligé. Alcoolisé sûrement mais négligé, jamais. Il se passa une main dans les cheveux et commença à marcher, pas forcément très droit vers … Enfin oui, dans la direction de chez lui ! Ou la direction opposée peut-être ?... Il marchait, c’était bien le principal n’est-ce pas ? Déambulant ainsi, seul dans les rues de Londres, le jeune sorcier se décida finalement à pousser la chansonnette. « C’était un ptit lutin de cornouiailleuuuuuuh, qui avait réveillé les mandragooooreuuuuh ! Plus jaaaamaiiis elle ne s’arrêteraaiiiiiiis ! » Les quelques passants qui étaient encore dans les rues à cette heure, le regardaient avec un air surpris, les mots de ses chansons n’étaient pas vraiment habituels pour les moldus de la ville. « C’est lui le meileuuuuuur des joueuuuuuuurs ! Il vole encore et toujouuurs ! Mais le but du quidiiiiiiiitch c’est bien lui, c’est le viiiiiiiiiif ! » C’était clairement de pire en pire, mais ces petites chansons mettaient notre homme de bien bonne humeur. Il n’était de toute façon pas en état de se rendre compte que ce qu’il chantait aller à l’encontre de la loi magique qui préconisait le secret autour de la magie aux yeux des moldus.

Un homme semblait marcher derrière lui et le suivre, mais le rouquin avait trop perdu en lucidité pour s’inquiéter de cela. Après tout, les autres gens avaient eux aussi le droit de marcher dans la ville pendant la nuit non ? Ils avaient peut-être bien moins bu que lui, mais c’était bien dommage pour eux ! On se sentait plutôt bien finalement après quelques verres de bières. Et puis il n’en avait pas bu tant que ça si ? Juste… quatre ? Tout au plus huit ! Jamais plus de huit… Enfin si, peut-être une de plus, mais c’était tout. Et puis il tenait très bien l’alcool, il aimait simplement chantonner en marchant plus ou moins droit dans les rues. Par ailleurs la notion de droiture d’un chemin dépend du point de vue ! D’ailleurs, la vie n’est bien souvent qu’une question de point de vue quand on y réfléchit. C’était une preuve de son état non ? Il n’avait pas assez bu pour ne plus être capable de réfléchir. C’était un de ses passes temps favori que de réfléchir, ça lui permettait de ne plus penser aux autres, aux êtres humains qui ne comprenaient jamais rien et n’avaient jamais été capable de faire de lui autre chose qu’un raté.

Il entreprit une nouvelle chanson afin d’éviter de penser à tout cela. Tout ce qui faisait que sa vie n’était pas aussi belle qu’il avait pu la rêver quand il était enfin, bercé par la jolie Maria, sa nourrice Espagnol au sourire doux et rassurant. « La Mère Rosmertaaaaa vous serviraaaaa. Elle fait la meilleuureee bierre au beurreeee et a du baume au coeuuuur » Ah cette gentille Rosmerta… Elle était toujours là, les étés ou il avait du vivre au Chaudron Baveur, alors que sa famille était prête à tout pour qu’il ne rentre pas à la maison. Il esquissa un petit sourire triste, que l’alcool permet d’avoir à cette pensée, finalement… Sa vie n’avait été que cela. Un refus de la part des autres de lui donner un peu d’affection. Il ne parlait même pas d’amour, simplement d’affection…