ERWAN — there ain't nothing in this world for free (term)

« C'est pas parce que vous êtes mon professeur que vous tirerez quoi que ce soit de moi, Monsieur. » Il ne dépasse pas le mètre cinquante, il a des cheveux en bataille mal brossés, sa chemise d'écolier est souillée de tâches d'encres et de sang. Pourtant, il reste impassible, le visage fermé et le regard dur, ne détournant pas les yeux face à l'imposante stature de son enseignant. « Nous comprenons parfaitement dans quel état tu dois être en ce moment, Erwan, sache que tu as tout notre soutien. Simplement ce n'est pas une raison pour changer de manière si radicale... Ta tristesse ne doit pas se manifester par autant de haine. Nous en avons parlé au conseil et nous pensions qu'il serait judicieux de te faire voir quelqu'un pour t'aider... » Un grognement s'échappe de la gorge de l'enfant, à peine étouffé. Il se raidit sur le siège, face au bureau – trop – bien ordonné de l'homme venant de se lever à ses côtés. Le ton compatissant qu'il emploie, au bord de la pitié, ne fait qu'énerver davantage le gamin. S'il pense que c'est de cette façon qu'il va s'attirer sa sympathie, il peut toujours courir. « Est-ce que tu serai d'accord, Erwan ? Pour qu'on essaie de traverser cette épreuve ensemble ? » Inconsciemment, le garçon se met à rire. Un rire sombre et presque peiné. « Ensemble ? C'est une blague ? Sans vouloir vous manquer de respect, Monsieur, vous ne pouvez pas imaginer le quart de ce qui se passe dans ma tête en ce moment. » Le professeur soupire en retirant sa paire de lunettes rondes, frottant ses yeux fatigués. « Je vais être sincère, Erwan. Depuis plusieurs semaines, tu es devenu intenable. Tu n'arrêtes pas de créer des conflits entre tes camarades, tu cherches à te battre sans arrêt, mais ce n'est pas de cette manière que tout va finir par s'arranger, tu le sais très bien, tu es intelligent. Seulement, ton comportement, bien que compréhensible au départ, commence à poser de nombreux problèmes aux autres parents, tu le comprends, n'est-ce pas ? » Non, il ne le comprend pas, mais ça ne changerait rien aux faits. « Puis, pourquoi prétends-tu devant les autres enfants que tu vas bientôt partir d'ici ? Je n'ai reçu aucun papiers de ta tutrice disant que tu changeais d'établissement... Erwan, tu m'écoutes ? Une fugue n'est sérieusement pas à envisager. Tu es jeune, ce n'est pas parce que tu as du mal à supporter les événements récents que tu dois te laisser couler. » Bien entendu, c'est tellement facile à dire, ce genre de choses. Trop facile à dire. Serrant les poings et les dents, le petit garçon se retient pour ne pas laisser ses mots dépasser sa pensée. Il a l'habitude d'agir ainsi avec les gosses de sa classe, de les insulter outre mesure, lui qui était auparavant si apprécié par ses égaux, son caractère avenant l'aidant à se faire de nombreux amis. Il était aujourd'hui la bête noire de son école. Celui dont il ne fallait pas croiser le chemin au risque de passer une journée morose et dénuée de gaieté. Il sème ses cauchemars derrière lui et en contamine quiconque ose l'approcher de trop près. « Mais c'est vrai, Monsieur. Je ne mens pas. Je ne le dis pas parce que je souhaite de tout mon cœur quitter cet endroit horriblement déplaisant. Je m'en vais vraiment. » De nouveau un soupir, qui fait rouler des yeux le jeune garçon. Ils ne savent donc pas quoi faire d'autre, ses adultes, si ce n'est se morfondre et s'ennuyer de cas aussi déplaisants que le sien ? Sa vie est si terne et insignifiante qu'il ressent le besoin de s'acharner sur le pauvre destin tragique du petit garçon ? « Erwan, ça me désole de voir le tournant que tu prends... Ce n'est pas encore irréversible, tu sais. J'espère sincèrement que tu vas retrouver la raison, ne plus t'enfermer dans tes mensonges... » L'élève fronce les sourcils, claquant la langue silencieusement avant de reprendre la parole, d'une voix détachée, trop dure pour quelqu'un de son âge certainement. « Un jour, vous verrez que je ne dis que la vérité. Pourtant j'aimerai bien mentir, croyez-moi. Je n'ai pas demandé à être comme ça vous savez, je n'ai jamais voulu être un sorcier. »

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Il pouvait raconter ce qu'il voulait, quand il voulait, comme il voulait, personne ne le croyait. Qui ferait donc attention aux paroles d'un gamin perdu comme lui ? Tellement dénuées de sens et d'intérêt... Il était perturbé, voilà tout. Il y avait de quoi. Personne n'avait posé de questions sur les détails de ce qui s'était passé... ou plutôt, on avait essayé, mais à peine le sujet était-il abordé que Maureen Denshire tombait en larmes et s'enfermait dans la chambre de son défunt petit dernier. Pas la peine de parler du père, Isaac. Il n'adressait plus un regard ni un mot à quiconque dans le petit village anglais. Pourtant, il avait un métier le forçant à être proche de ses voisins, en tant qu'unique mécanicien à plusieurs kilomètres à la ronde - doué, qui plus est. Ce n'était pas pour rien que son commerce prospérait depuis plusieurs années maintenant. Lorsqu'il a fermé boutique l'espace de quelques semaines, pour récupérer suite à l'incident, nombreuses personnes se retrouvèrent perdues sans ses précieux conseils pour le bon fonctionnement de leurs jolies voitures.

La seule capable d'éclairer un peu les habitants sur la situation fut Theresa, la sœur de ce dernier. Elle maintenait en quelques sortes le contact entre les Denshire et le reste du monde, en ces temps sombres qui l'agitait. C'est grâce à elle uniquement que la curiosité étouffante du voisinage fut étouffée afin de ne pas troubler davantage la famille. Elle raconta alors, sans jamais en dire trop, comment Kolt avait perdu la vie à l'âge de huit ans seulement. Kolt, c'était le plus jeune des trois garçons qu'avaient eu Maureen et Isaac, venant ensuite Erwan et, l'aîné de quinze ans à l'époque, Cillian.

On su alors que Kolt avait été trop imprudent, s'éclipsant un après-midi dans le garage personnel de la petite famille. Son frère Cillian l'avait suivit, tentant de le ramener à la maison, protecteur comme il est. Cependant ce ne fut pas suffisant et le gamin avait voulu jouer avec la voiture démontée dont son père se servait pour récupérer quelques pièces et passer le temps. Il s'était amusée à faire tourner le moteur en appuyant sur le bouton, devant s'appuyer sur un tabouret instable pour l'atteindre... puis il avait trop appuyé et l'objet avait commencé à trembler, risquant de s'écraser au sol, Cillian allant précipitamment chercher son frère pour lui ordonner de partir. Il y avait beaucoup d'essence, un peu partout dans ce coin de la pièce, dans quelques barils. Kolt en avait ouvert un, renversé quelque peu le contenu en jouant avec la veille même. Elle était étalée partout maintenant. Trop d'essence. Et les étincelles provoquées par le moteur encore bruyant n'étaient pas rassurantes. Cillian eu beau faire son possible pour que Kolt se décide à sortir, ce dernier voulait aller appuyer sur le bouton pour éteindre le mécanisme, sinon "Papa va me gronder", disait-il. Trop tard. Cillian pressait son frère, son frère n'allait pas assez vite, le moteur tombait, les étincelles se multipliaient, l'essence grésillait et... boum. Une explosion, du feu, des explosions, du feu. Des cris. Des cris abominables.

L'enfant ne survécu pas, l'aîné en perdu l'usage de ses jambes, d'une partie sa vue... de ce qui restait de bon en lui. Le garage fut irrécupérable et on barricada l'endroit maudit, où des fleurs furent néanmoins déposées. La famille fut ébranlée. Si Erwan avait aussi quelques séquelles sous formes de brûlures dans le dos, c'était parce qu'il avait été le premier à arriver sur les lieux, allant trouver Cillian qui rampait loin des flammes, se blessant aux passages en tentant de s'aventurer plus loin pour aider Kolt. En vain.

En tout cas, c'est ce que dit la version officielle.

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« T'es qu'une ordure... T'imagine même pas à quel point on te déteste, sale petite pourriture... » Cillian est grand, une chevelure claire tirant vers le cuivré, coupée court, et des yeux d'un vert pâle étonnamment perçant. L'air émanant autour de lui est chargé d'électricité, la haine pure émane de toutes les pores de sa peau et ses muscles, tendus, démontre son état de fureur. Il n'a jamais eu l'habitude d'être un enfant tyran, au contraire, il a toujours protégé ses cadets du mieux qu'il le pouvait, leur apprenant à jouer au foot et à se battre comme il le faut. Il fait parti de ces gars-là, dans la cour de récré, qui n'hésite pas à s'immiscer dans une bagarre pour mettre fin au conflit à force de quelques coups. C'est une sorte de leader, on peut dire, il sait s'imposer en tout cas. Il en impose, oui, c'est le cas de le dire. Mais son problème, c'est son envie de contrôle étouffante, ce désir de tout diriger, de manier son empire d'une main de fer. Sa jalousie dévorante envers Erwan depuis quelques semaines, qui s'était transformée en colère viscérale et irréversible... Même ses parents avaient du mal à le reconnaître et à calmer ses crises de rage, de violence, quasiment comparable à de la folie. Tout a changé dans leur vie calme et paisible, depuis l'arrivée de ce hibou de malheur... Une simple lettre, annonçant une place réservée pour Erwan dans une école du nom de Poudlard, et voilà que plus personne ne savait où se mettre dans cette famille, plus personne ne connaissait sa place. On ne savait pas ce que cela signifiait, ce que cela représentait, ce que cela envisageait pour le futur... Mais Cillian avait comprit lui, ce que ça entraînait. Ça voulait dire que son frère était plus fort, plus avantagé que lui, plus puissant. Il ne pouvait le supporter. « Comment oses-tu encore nous regarder en face hein ? Sorcier... Tu mériterai le bûcher... »

Et le premier coup part, à une vitesse incroyable. Le visage ensanglanté, Erwan sent ses yeux commencer à le piquer. Il s'en veut, sans savoir vraiment pourquoi. Il n'a pas choisit ce destin, il n'a pas voulu être comme ça. Il ne veut même pas y entrer, dans cette école, il veut juste rester ici, comme avant... mais ses frères ne veulent plus de lui. Depuis que le hibou est venu frappé à la fenêtre pour apporter la nouvelle, il est rejeté par son propre sang, mis à l'écart, insulté, violenté même... Ses parents ne s'en rendent pas compte, mais ce n'est pas de leur faute, ils doivent être si perturbés, si perdus, leur enfant est un sorcier... Comme s'ils pouvaient l'avoir vu venir ! Un autre coup vole, faisant trébucher Erwan sur le sol du garage. Il était venu se réfugier ici pour pleurer tranquillement, mais évidemment, Cillian l'avait rejoint pour lui mettre de nouveau la misère. Et il amenait Kolt avec lui pour observer la scène, ses yeux gris perdus soumis à tout ce cirque. Il se doute bien que Kolt ne fait que suivre le plus grand dans ses délires, qu'il ne sait plus trop qui croire, qu'il ne comprend pas les disputes incessantes entre ses deux frères, rythmant la vie à la maison. Pourquoi donc maman pleure quand elle fait la cuisine ? Pourquoi papa reste des heures dans le salon au lieu d'aller travailler ? Aujourd'hui encore ils sont sans doute assis dans le canapé à tenter de trouver une solution au problème... bien que ce ne soit pas réellement un problème, mais un changement de programme inattendu... « Je suis désolée, je suis désolé... Arrête s'il te plaît... » Erwan n'avait jamais aimé se battre. Il se défendait seulement quand cela s'avérait nécessaire. Sauf qu'il ne pouvait pas se défendre face à Cillian. Il ne le voulait pas.

Ce dernier lâche un rire infâme et ses yeux pétillent de frénésie. Sans attendre, son pied percute l'abdomen de son cadet, allongé au sol, crachant ses tripes. De plus en plus fort, il frappe à nouveau, avant de forcer le gamin à se relever, le prenant par le col de son pull, le plaquant à la carcasse de la voiture démontée tout près deux. Ses doigts serre fortement le cou du garçon, allant prendre du bout du doigt une goutte de sang à la commissure des lèvres de son souffre douleur, une expression de sadisme profond figée sur le visage. « Allez supplie moi, qu'est-ce que tu peux faire de plus ? Des pouvoirs, mon cul. T'es qu'un abruti fini, je peux t'écraser quand je veux, comme je veux... » Son poing va s'écraser sur l'arcade d'Erwan, qui se met de nouveau à saigner, gémissant, pris de sanglots, le visage mouillé par ses larmes de douleur. Du coup de l’œil, il voit Kolt s'asseoir dans un coin, jouant avec sa petite balle de tennis qu'il emporte partout. Cette vision innocente lui arrache un sourire, un sourire déformé, certes, mais un sourire. Et dans une situation pareille, c'était déjà beaucoup.

L'aîné ne semble pas apprécié le fait que sa victime arrive encore à montrer une expression heureuse et le montre bien, frappant son estomac de son genoux et le relaissant tomber au sol. « Imbécile ! Ordure ! On devrait t'attacher et t'enfermer au placard... te torturer... Tout le monde ferait la queue pour pouvoir te battre ! Papa et maman les premier ! » Le cœur du battu loupe un battement, terrifié à l'idée même que ses parents puissent lever la main sur lui sans la moindre trace de scrupules, comme Cillian le faisait à l'instant. Ils savaient ses géniteurs doux, généreux, attentifs à son égard, bien qu'incertains quant à ce qu'il était à présent. Oseraient-il user de violence si jamais... ils venaient à... être pris de peur ? Sa respiration était courte, saccadée, il peinait à retrouver son souffle et préférer rester allongé par terre, soumis, plutôt que de se forcer à se lever, ce qui se révélerait vain et douloureux. « T'es qu'un bon à rien... Un incapable... » Et il lui crache au visage, un sourire malsain s'étirant sur ses lèvres, allant chercher Kolt dans son coin qui évite soigneusement de poser son regard sur son aîné aux vêtements déchirés, tâchés de rouge et au visage déformé par la souffrance.

« Ramène toi le mioche, qu'on rentre prendre le goûter. » « Et Erwan ? » Il émet un rire moqueur à cette remarque. « Rien à foutre. Allez, bouge. » Se redressant sur ses coudes, voyant l'aîné tiré Kolt par le coude, Erwan est prit d'un élan d'irritation sourde. Il n'a pas le droit de faire son roi, pas le droit de le traiter comme un moins que rien. C'est un sorcier, il mérite mieux que ça. Il peut bien faire quelque chose, comme le rendre chauve, ou n'importe quoi d'autre... Son corps tout entier est secoué de tremblements, comme si cette constatation intérieure avait réveillé en lieu cette violence qu'il dirige envers son plus vieux frère, celui qui s'est comporté comme un diable à son égard. Tout se bouscule dans sa tête, la peine, l'impatience, le sentiment de culpabilité et de fierté quant à son état, le pouvoir, la crainte... Sa tête est sur le point d'exploser et il ferme les yeux, très fort, poussant un cri inhumain, sentant le sol bouger sous son corps meurtrier, alors que Cillian commence à lui ordonner de se taire, lâchant le cadet qui s'enfonce de nouveau dans le garage pour aller récupérer sa balle de tennis. Si seulement il était resté éloigné, avec le plus âgé... Mais Erwan n'eut pas le temps de réfléchir, Erwan n'eut pas le temps de s'arrêter. Il n'est pas certain d'avoir été dans la capacité de le faire en tout les cas. Et sans savoir ce qu'il se passait, il entend de nombreux coups de pétards, violent, intenses et le rendant presque sourd. Et il entend de nouveaux cris. Des cris mêlés à des plaintes, qui le grisent entièrement. Voilà, Cillian va souffrir à son tour, va payer. Il jubile, rit comme un hystérique, tout en sentant les larmes continuer de couler. Doit-il se réjouir ou s'en vouloir d'être un barbare lui aussi ? Il ne sait plus.

Viennent de nouveaux cris, plus proches, plus aigus... il comprend alors que quelque chose cloche. Il n'a jamais ordonné à son esprit de s'attaquer à Kolt. Et lorsqu'il rouvre les yeux, recroquevillé contre la voiture, comme entouré d'une bulle le protégeant des explosions de chaleurs et de métal tout autour de lui, il découvre son œuvre. Les pièces détachés s'élevant dans les airs et frappant les murs, formant des trous dans l'édifice. Le feu s'élevant de l'avant du véhicule et attaquant Cillian dont les pleurs n'étaient certainement pas feints, ses jambes définitivement brûlées et son visage recouvert d'un liquide... peut-être de l'essence ayant giclé des bidons qui s'étaient écrasés un peu partout, provoquant les flammes. Puis Kolt, à deux mètres de lui. Kolt et ses yeux gris, ses grands yeux gris, ouverts, fixant le plafond, sa balle retombant de sa main. Kolt dont un morceau de fer avait transpercé la poitrine.

Erwan resta là, à hurler comme un fou, ne pouvant plus détacher son regard du corps sans vie, ne prêtant pas attention aux insultes que lui destinaient Cillian. Erwan se demandant s'il venait bien de causer une telle horreur et, se rendant compte que oui, ses pouvoirs venaient bel et bien de se dévoiler et qu'il était coupable.

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« Je veux pas y aller, Theresa. S'il te plaît, me force pas... » « C'est ta seule issue de secours, mon chéri. Tout se passera bien, je te le jure. » Elle lui répétait sans celle que tout irait pour le mieux dans le meilleur du monde mais il avait bien du mal à la croire. Depuis le jour où ses parents avaient décidé de laisser sa garde à sa tante, à celui où il se retrouvait sur le quai direction l'école de magie, les choses n'avaient pas vraiment changé. Il se renfermait chaque jour davantage, ne supportait plus son reflet dans le miroir et se cognait aux murs dès que l'occasion se présentait. Il ne voulait pas... Il ne pouvait pas... comment vivre avec un tel poids sur les épaules ? Comment pouvoir encore s'accepter ? Même ceux lui ayant donné la vie ne voulaient plus le voir. Il avait déménagé à Londres, à la fin de l'année scolaire, se retrouvant alors dans la maison de banlieue de Theresa et Aaron, son mari. Ce dernier était constamment absent et se foutait bien de la manière dont Erwan vivait sa vie. Il ignorait certainement ce qui s'était passé dans la famille de sa femme... Ils étaient mariés depuis plusieurs années mais n'avaient jamais réussi à avoir d'enfants. Tess était très proche de ses neveux, et bien que touchée par le décès du plus jeune, elle n'avait pas pu laissé Erwan seul et sans domicile. Elle voulait simplement qu'il se sente mieux et passe au-dessus de cette épreuve, qu'il en ressorte plus forte. Elle n'ignorait pas ce qui s'était réellement passé, mise au courant de l'état de sorcier du petit garçon et du réel déroulement des événements. Elle faisait son possible pour l'encourager à avancer, le soutenant lors de ses nuits de cauchemars, le rassurant, le prenant dans ses bras et essuyant ses larmes, tentant non pas de remplacer sa mère, mais de lui apporter l'affection dont il avait besoin malgré tout. Il n'y était pour rien s'il était sorcier, ne cessait-il de répéter à tout va.

Faisant croire à Aaron qu'Erwan suivrait des études dans une école privée en pension, il fut aisé de dissimuler son secret. Ainsi, il partagea sa première fois sur le Chemin de Traverse avec sa tante, et tout deux furent époustouflés par un tel spectacle. Ils restèrent de longues heures à admirer ce qui était à leur porter : les animaux, les contenus des bouquins, les nécessaires de potions, les farces et attrapes magiques, rien que les sorciers se baladant à leur côté... Ils ne se sentaient pas particulièrement à l'aise, c'était la première immersion du jeune garçon dans le monde sorcier et il n'arrivait pas à apprécier pleinement ce qu'il voyait, il ne cessait de relier la magie à la mort. Constamment. Autant dire que l'achat de sa baguette fut une épreuve difficile et qu'il faillit fondre en larmes dans la boutique, avec l'unique envie de partir en courant – ce qui en étonna plus d'un, les autres enfants étant tout simplement fasciné par tous ces bouts de bois qu'on leur autorisait à toucher. La seule satisfaction fut certainement l'achat du chaton du garçon, qu'il nomma Kolt en hommage à son frère, et qu'il jugeait comme étant la seule chose « normale » qu'il aurait à présent comme compagnie une fois au château. Son seul allié dans ce monde de fous.

La répartition fut assez intense et... insupportable, d'après Erwan. Il avait eu la nausée en voyant cet objet parlant, ne supportant pas la vue du plafond magique et refusant d'entamer la discussion avec le moindre élève l'approchant. Tous des êtres abjectes, tout comme lui. Le choix de sa maison fut relativement difficile. Il avait vécu trop de choses en trop peu de temps et son tempérament s'en retrouvait troublé, difficile à cerner. Il n'avait déjà pas la fibre érudite des Serdaigles, ni l'envie d'apprendre quoi que ce soit en ces lieux, ce qui élimina bien vite ce choix. Certes, il aurait bien eu la loyauté des jaunes et noirs ou la bravoure des rouges et ors mais... Son désir de détruire toute cette magie, cette haine qu'il cultivait envers toutes personne l'entourant, sa perfidie presque naissante, le menèrent à rejoindre les Serpentard, lui, le né-moldu qui ne supportait pas les sorciers. Il fut maltraité par ses ''camarades'' dès le départ, le sang-de-bourbe-indigne des serpents... et cela lui rappela trop bien la maison. Il ne tarda pas à commencer à se défendre, s'entraînant non pas aux duels comme les autres le faisait, mais à frapper aux endroits sensibles. Il ne pouvait se réduire à user de sa baguette pour blesser autrui, traumatisé par son acte passé.

Rapidement, il se fit une place de brute et d'antipathique et personne n'osait l'approcher. Certains – et certaines – tentèrent bien de s'en faire un ami mais il était dégoûté par leur nature et n'hésitait pas à le faire remarquer. Il resta ainsi pendant plusieurs années, finissant par se calmer avec l'âge, ou du moins à se canaliser... Il avait quelques connaissances, rien de plus. Il n'était pas réputé pour son don dans le social, au contraire, il était plutôt maladroit lorsqu'il s'adressait aux autres, d'autant plus qu'il ne pouvait s'empêcher de les voir comme ''sorciers'' et non ''humains''. Autant dire que cela ne lui permit pas d'avoir grande expérience de la vie, il était solitaire et ne participait pas aux soirées organisées, encore moins au bal... Même en cours, il ne demandait jamais l'aide de personne, restait à l'écart autant qu'il le pouvait et ne faisait aucun effort pour réussir. S'il y prêta un tant soit peu d'attention, c'était uniquement dans l'optique de quitter ce lieu le plus vite possible. Ses examens pratiques furent une véritable catastrophe et il doit sa réussite – chanceuse – à sa simple capacité à enregistrer les informations théoriques.

Quant à ses projets professionnels... Oh, il comptait bien retourner chez les moldus. Sans diplôme en poche, ce serait bien difficile, sans compter qu'il ne pouvait plus espérer être hébergé longtemps par Theresa et Aaron. Ce dernier, de plus en plus concentré sur son travail en entreprise – et certainement de moins en moins fidèle – ne réussissait pas vraiment en affaires et sa tante, rendue malade par la solitude et la distance que son frère imposait à présent, voulant simplement voir Erwan réussir dans la vie et s'ouvrir de nouveau. Elle n'était pas rassurée en le voyant chez elle, elle se rendait bien compte qu'il n'allait pas bien, que Poudlard ne lui avait permit que d'entretenir sa rancune envers le monde magique.

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« Comment ça la semaine prochaine ? Tu crois que j'ai que ça à foutre ? Tu fais chier, je t'ai donné ça lundi dernier, tu devrai déjà avoir tout vendu ! Putain... Oui, je suis mal barré, en effet, je te remercie de t'en inquiéter. Mercredi, dernier délai, où je te jure que tu vas le regretter. » Il raccroche le téléphone sans grande conviction, passant une main dans ses cheveux et retenant un grognement de frustration. Trois jours qu'il ne s'est pas rasé, trois semaines qu'il squatte le hangar d'un ami mal luné constamment déchiré et trois commandes qui viennent d'être reportées d'un coup. C'est beaucoup trop pour lui et il commence à saturer. Il n'a pas touché un rond depuis une semaine, il commence à devoir remettre la main sur les fins de marchandises en magasin pour se nourrir et fouiller les poches des passants en espérant récolter une ou deux pièces. Si Theresa le voyait dans un état pareil, elle ferait une attaque. Mais il prend toujours soin à être présentable lorsqu'il lui rend visite, se faisant passer pour un serveur dans un fast-food du coin et s'habillant de son sourire le plus convaincant pour la rassurer quant à son sort.

Bien entendu, c'est que de la simulation. Depuis sa sortie de l'école, il a couru les quartiers mal famés pour réussir à se faire de l'argent et au final, il s'est intégré à cette catégorie de personnes peu recommandables, puisque si beaucoup la voit comme la moins estimable, lui s'en sert comme punition. Il ne mérite pas mieux et il ne peut pas prétendre être capable de plus. Évidemment qu'il ne dirait pas non à un vrai travail, à une vraie maison, à une vraie existence, mais... ça ne fait pas parti de ce à quoi il peut prétendre aspirer, il en a pleinement conscience. Son statut actuel – celui de ''pourriture'' avec des bonnes manières, de dealer indigne ne s'abaissant pas à la consommation excessive, de raté – n'est pas invivable et il s'en sort... du moins, il s'en sort trois jours sur sept. Et aujourd'hui, c'est plutôt un des quatre autres jours.

Il se trouve dans une de ses rues que seuls les gens biens se permettent de parcourir et il n'a définitivement pas sa place dans ce coin de la ville. Avec sa veste trop grande bon marché, son jean déchiré et son look trop négligé, il fait pâle figure, même face aux lampadaires dix fois plus classes que lui. Seulement, il n'a pas le choix, il doit vendre quelque chose, où il ne tiendra pas le week-end – pas la même de s'appuyer sur son colocataire provisoire, il est tout aussi fauché que lui. Il suffit maintenant de trouver une cible... chose facile. Deux choix s'impose à lui. Soit trouver quelqu'un avec une tête de consommateur né – ce qui s'avère difficile étant donné le quartier – ou alors une personne ayant l'air assez généreuse et susceptible de le prendre en pitié pour lui acheter quelque chose. Ce qu'il faut à tout prix éviter étant les ingrats incapables de faire preuve d'un peu de compassion capables de l'envoyer directement chez les flics. Mais généralement, si par malheur il tombe sur ceux-là, il arrive à s'en débarrasser avec un petit tour d'illusion... ou de charme, ça dépend.

« Excusez moi... Hum, Monsieur ? » Il faut avoir du culot. Il ne faut pas avoir peur. Surtout, pas de honte. Mais un air de chien abattu, un mordillement de lèvres et des coups d’œil sur le côté pour appuyer son côté ''je suis en pleine détresse'' et ça pouvait aider à faire tourner la situation à son avantage. Il est très calme à vrai dire, habitué à devoir quémander à la dernière minute, mais son apparence laisse croire qu'il est tendu et qu'il use de son dernier recours en venant aborder ce jeune homme. Un jeune homme séduisant, à vrai dire, même si la nuit étant tombée, il ne le voit pas distinctement... Il devine des cheveux roux, une grande taille et un style faisant comprendre qu'il se débrouille dans sa vie. Le contraire de ce qu'il est. Il retient un soupire amusé. C'est toujours drôle de faire face à la figure que lui-même aurait pu devenir, si seulement il n'avait pas commit tant d'erreurs. « Vous voudriez pas... tenter de nouvelles choses ? » Dis comme ça, ça paraît tout de suite suspect. Mais hors de question qu'on le prenne pour un obsédé, surtout si c'est un homme. Certes, il est beau... mais c'est tout. « Je vous fais même un prix. » Et il ouvre sa veste, montre le sachet dans la poche intérieur, hausse un sourcil et use de son regard le plus malheureux. C'est dans la poche, même s'il se doute que le client d'un soir ne touchera jamais les cachets qu'il vient d'acheter. Il lui aura au moins permit de survivre jusqu'à la fin de la semaine et, intérieurement, Erwan l'en remercie. En se doutant qu'il ne le reverra sans doute jamais...

C'est comme ça qu'il se débrouille et ça marche. Ça lui permet de penser à autre chose... même s'il n'oublie pas qu'il ferait mieux de crever tout de suite plutôt que de s'attacher à sa vie merdique.