Quand j’ouvris les yeux ce matin-là, il me fallut une seconde pour réaliser ce qu’il s’était passé durant la nuit. Le soleil pointait tout juste le bout de son nez quand je bondis hors du lit avant d’enfiler le t-shirt de hockey de Gwaen qui était posé sur une chaise à côté de la porte avant de filer discrètement dans ma chambre. Je me sentais mal et un peu honteuse alors que j’attrapais un jean et un t-shirt dans mon armoire. Comment avais-je pu faire ça ? Comment arriverais-je à affronter son regard et surtout à lui expliquer que c’était une erreur monumentale. J’avais besoin de prendre l’air…

Quand je descendis dans la cuisine, Cookie vient tout de suite vers moi, me réclamant sa gamelle. Je lui fis une gratouille derrière l’oreille avant d’attraper son sac de croquettes et de lui servir son petit-déjeuner. Ma mère se retrouva soudain dans mon dos et me fit sursauter. Elle commençait sa garde de tôt ce matin-là, ce qui expliquait sa présence à cette heure matinale. Mon père nous rejoignit rapidement. Aucun d’eux ne me posa de question et je leur en étais reconnaissante. Je supposais qu’ils devaient penser que j’étais tombée du lit à cause des événements récents. Je me voyais mal leur avouer que je venais de passer la nuit avec mon meilleur ami qu’ils avaient si naturellement invité à passer l’été chez nous. Je me suis quand même accordé le temps de prendre le petit-déjeuner que mon père prenait la peine de me préparer avant de sortir en prétendant partir en promenade avec Cookie.

Une fois dehors, je pris une grande inspiration avant de suivre mon compagnon à travers les champs qui entouraient la maison familiale. Je suivais ma petite boule de poils pendant un long moment avant de trouver refuge sous l'arbre où j'aimais tant m'asseoir. Je laissais mon chien vagabonder dans les alentours, sachant qu’il ne s’éloignait jamais très loin. Le soleil poursuivait sa course dans le ciel, invariablement pendant que je m’inquiétais pour la suite de ma relation avec le grand blond. Je ne l’ai jamais imaginé comme autre chose que mon meilleur ami, voire un frère. Alors que m’était-il passé par la tête ? Cela dit, partager notre première fois n’était pas tellement étonnant non plus. On en avait déjà partagé tellement. Notre premier voyage dans le Poudlard Express, notre première rentrée, nos premiers cours, notre premier vol sur balais… Et j’en passe. Alors c’était peut-être logique finalement. Je supposais que l’année que nous venions de passer et la guerre que nous avions vécue devait y être aussi pour quelque chose. Une réaction à tout ça ?

Mon regard était perdu dans le vague pendant un long moment. Ce fut seulement quand je vis Cookie changer de comportement que je réalisais que quelqu’un approchait. À la réaction du golden retriever, je savais qu’il n’y avait pas de danger. J’eus pourtant l’impression que mon cœur tombait dans le fond de mes chaussures quand je vis Gwaen approcher. Qui donc pouvait savoir que j’étais là de toute manière ? Il s’asseyait à côté de moi après m’avoir salué. Je ne réagissais pas, ne sachant pas trop comment m’y prendre maintenant. Je tressaillis quand il passa son bras autour de mes épaules, comme souvent, et qu’il m’embrassa sur la tête. Je restais stoïque et cela m’impressionnait. Pourtant je me dégageais rapidement de son étreinte avant d’attraper la balle que Cookie venait de poser à mes pieds et de lui lancer une nouvelle fois avec force. Un silence gêné s’était installé entre nous et cela commençait à devenir difficile à supporter. Je finis donc par ouvrir la bouche pour commencer cette conversation qui s’annonçait pénible. Mais je ne savais pas trop comment la débuter. Devais-je aller droit au but ? Ou fallait-il mieux que je prenne des pincettes ?

« Je suis désolée pour cette nuit. Je n’aurais jamais dû te venir te rejoindre. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. »

Finis-je par dire timidement.

Je n’arrivais pas à regarder Gwaen, j’étais bien trop gênée à cause de ce qui s’était passé entre nous. Je n’arrivais toujours pas à comprendre ce qu’il s’était passé pour que je fasse ça. Je n’arrivais pas à trouver les mots pour définir ce que je ressentais en cet instant. Certes, j’étais un peu gênée car il s’agissait de mon meilleur ami. S’il n’y avait pas ce lien entre nous, j’aurais certainement pris les choses différemment. J’avais tellement peur de le perdre. Pourtant, je finis par ouvrir la bouche et lui dire le fond de ma pensée, sans détour. C’était sans doute la meilleure solution. Ne pas tourner autour du pot. Je fus à moitié surprise par sa réaction. Ce côté désinvolte et tranquille, donnant l’impression que rien ne l’atteint. C’était tellement lui. Et il prenait sa part de responsabilité dans cette histoire. Il n’avait pas complètement, mais c’était moi qui avais été entreprenante pas lui. J’avais eu si peur qu’il lui arrive quelque chose lors de la bataille. Heureusement qu’on s’en était sortie avec quelques blessures légères seulement.

« Personne ne souffrira de se qu’on vient de faire. » Ces mots résonnèrent dans ma tête. Si, nous, on pouvait en souffrir. Et c’était un peu le cas en cet instant non ? J’avais mal et je ne comprenais pas pourquoi. J’aurais tellement voulu me blottir contre lui et de nouveau ressentir ce que j’avais ressenti durant la nuit. J’avais eu l’impression d’être vivante entre ses bras. Est-ce que j’avais envie qu’on devienne un couple ? Je n’étais même pas sûr d’être amoureuse, même si cela semblait la suite logique de toutes ses belles années d’amitié.

Et puis soudain, ses mains sur mes épaules m’obligeant à me tourner vers lui. Je fermais les yeux afin de ne pas affronter son regard. Ces mots me touchèrent en plein cœur. J’étais importante pour lui tout comme il l’était pour moi, cela ne faisait aucun doute là-dessus. Une petite larme roula sur ma joue alors que tout un tas de questions défilaient dans ma tête. Je finis par rouvrir les yeux pour l’observer. Il avait l’air si sérieux. C’était tellement rare chez lui. Il avait tellement tendance à tout prendre à la légère, enfin en apparence. Ça faisait partie de son charme. Et ça, il en avait à revendre. Il avait tout pour plaire aussi bien physiquement que mentalement. Alors pourquoi je faisais ma difficile ? En réalité, je n’étais pas sûr qu’il soit vraiment fait pour moi. Le seul moyen de savoir c’était d’essayer peut être.

« Si on décide de voir où ça nous mène et que ça ne marche pas, tu crois qu’on pourra vraiment rester amis ? »

Lui demandais-je d’une toute petite voix. Je plongeais mon regard dans le sien et mon cœur se serra.

« Je ne veux pas que tu sortes de ma vie quoi qu’il arrive. Toi aussi tu comptes énormément pour moi, n’en doute jamais. »

Mes doigts se sont subtilement entrelacés avec les siens, sans que je m'en rende compte, dans un geste empreint de douceur. Je ne savais pas trop où on allait, mais peut être que ça valait la peine de tenter l’aventure.

J’étais totalement perdue. Trop de choses contradictoires se passaient dans ma tête. J’avais envie d’être avec celui qui me regardait si tendrement en cet instant mais en même temps je me sentais mal à l’aise à l’idée d’affronter son regard. Je voulais qu’il me serre contre lui, mais j’avais du mal à supporter qu’il me touche. Je voulais savoir si notre relation pouvait évoluer, mais en même temps, je craignais que cela ne brise l’amitié qui nous unissait depuis six longues années. En bref, j’étais perdue, larguée, totalement à l’ouest. Et puis je sentis sa main sur ma joue, délicate et douce, essuyant la petite larme qui exprimait si simplement le tourment qui m’habitait. Je savais parfaitement que le grand blond en tirait les conclusions qui s’imposaient. Il était certainement la personne qui me connaissait le mieux à l’heure actuelle. Il y a quelque temps, j'avais compris qu'il me comprenait parfaitement, que les mots n'étaient plus vraiment nécessaires entre nous. Et comme toujours, il avait trouvé les mots qu’il fallait pour me donner matière à réflexion mais aussi me rassurer. Alors que j’ouvrais enfin les yeux pour les plonger dans les siens, que mes doigts se mêlaient machinalement aux siens, je sentais mon cœur s’emballer.

Et puis, avant que je n’aie le temps de répondre à sa question, il posa furtivement un baiser sur mes lèvres. Rapidement, m’effleurant à peine. Au moins, le message était clair. Il me laissait choisir la suite des évènements, mais il venait de me faire comprendre ce qu’il voulait. J’étais figée, cherchant à peser le pour et le contre, lorsque Gwaen tenta de m’attraper pour me serrer contre lui. Ce fût uniquement à ce moment-là que je réalisais que Cookie s’était posé entre nous, comme une barrière. Mais ma boule de poils était mécontente qu’on l’ait oublié et le fit savoir par un grognement sans agressivité avant de partir mener sa vie. Alors que je regardais le chien se promener, je l’enviais soudain. C’était bête, mais au moins, il ne se prenait pas la tête avec les sentiments amoureux lui. Je reportais mon attention sur Gwaen qui venait de m’attirer de nouveau à lui. Je ne pus retenir un sourire en entendant ces paroles. Il avait encore une fois su trouver les mots pour me convaincre.

Alors qu’il embrassait de nouveau mes lèvres avec plus d'intensité, je répondis machinalement à son baiser, laissant nos langues se mêler, mes bras passèrent autour de son cou et je me retrouvai assise à califourchon sur lui. Mon cœur s’emballait alors que notre baiser touchait à sa fin.

« Avant qu’on aille plus loin, faisons-nous la promesse qu’on restera toujours présent l’un pour l’autre, quelle que soit la conclusion de cette expérience. »

Je laissais glisser mes doigts le long de sa joue avant que mon pouce ne caresse doucement ses lèvres alors que je souriais doucement.

« Et soyons discrets devant ma famille. Tout du moins, tant qu’on ne sera pas si c’est sérieux ou pas entre nous. »

J’attrapais son visage à deux mains avant de l’embrasser une nouvelle fois avant même qu’il n'ait le temps de me répondre. Je ne savais toujours pas si je ne commettais pas une erreur, mais celle-ci était agréable au moins.