Une silhouette cachée

Huit ans s'étaient écoulées après le meurtre du père de  Travis. Il ne connaissait toujours pas le meurtrier ni le motif de cette barbarie, mais il avait senti que seul un mage noir aurait pu avoir un acte immonde. Pourquoi attaquer un homme, un père de famille qui n'avait rien demandé ? Autant de questions sans aucune réponse trottaient dans sa tête. C'est à la fin de l'année mille-neuf cent quatre-vingt-onze et au début de l'année quatre-vingt-douze qu'il avait décidé de créer un parc naturel - afin de rendre hommage à son père. Grâce à son héritage et un peu de magie, le Park Thompson vu le jour. Dix mille hectares de plaines fleuries, de forêt et de montagnes et un lac avec une eau claire et transparente, abritait des créatures magiques en tout genre.

Comme chaque matin, Travis s'était levé tôt et s'était rendu dans le parc pour s'occuper de ses créatures. Nettoyer les enclos, les nourrir, jouer avec eux, mais surtout leur donner beaucoup d'affection et d'amour. Depuis tout petit, Travis aimait les créatures et devenir à son tour un Magizoologiste pouvait que rendre fier son père. Il pensait énormément à lui. Ce qu'il ne comprenait pas, c'était l'absence de sa sœur. Elle n'avait donné aucun signe de vie depuis le meurtre. Où était-elle ? Savait elle qu'il n'était plus de ce monde ? Il n'en savait rien et essaya de chasser ses mauvaises pensées de sa tête. Ce qui était plutôt favorable avec les créatures, c'est lorsqu'il n'était pas bien, elles venaient à lui le réconforter de leurs manières. Il prenait soin d'eux, ils ne faisaient que lui rendre l'appareil.

Il aura fallu cinq heures pour que tout soit nickel. Travis laissa ses créatures entre elles et s'était dirigé vers l'entrée du parc. Il nettoya l'arche de pierre en guise d'entrée, ce qui ne lui avait pas pris plus de vingt minutes. Après toutes ses corvées, il s'avança dans le parc, baignant de soleil, perdu encore dans ses pensées. Le parc n'était pas ouvert aux publics aujourd'hui. Il souhaitait encore faire des modifications, mais il ne savait pas encore lesquels. Travis s'était assis à une table de pique-nique, devant le lac tout en mettant sa tête entre ses mains. Il soupira. Son père lui manquait, sa mère lui manquait et sa sœur était introuvable. Le sorcier était perdu et ne trouvait aucune réponse à ses questions, quand soudainement un bruit provenant de derrière lui le ramena à la réalité.

Il tourna la tête en pensant que c'était l'une des créatures magiques, mais personne. Une ombre trahissait la silhouette cachée derrière un arbre fruitier 《 Qui est là ? Qui êtes-vous ? 》 s'exprima-t-il en se levant et en sortant sa baguette de sa poche 《 Le parc est fermé ! 》. Travis resta à sa place tout en pointant sa baguette vers l'arbre où la silhouette se cachait. Il ne voulait pas prendre de risque et souhaitait savoir qui se trouvait derrière l'arbre fruitier et ce que cette personne faisait ici.

Pour rendre hommage à son défunt père, Travis avait décidé de construire un parc naturel dédiés aux créatures magiques qu'il avait ramenés de différents pays - dans lesquels il les avait trouvés lors de voyages avec son père. Depuis son enfance, il adorait s'occuper de ses créatures toutes différentes - il ne pouvait pas s'en empêcher. Il leur donnait ce dont elles avaient besoin et elles lui rendaient en retour. Quand Travis n'allait pas très bien, elles venaient vers lui - et son moral repartait de zéro. Après s'être occupé d'eux depuis bon matin, Travis s'était dirigé vers le lac auquel se trouvait une table de pique-nique et s'était mis à penser. Lorsqu'un bruit le ramena à la réalité. Il avait d'abord pensé à une créature qui venait le voir, mais la silhouette cachée derrière un goyavier fraise était celle d'un homme et non pas d'une créature. Travis s'était levé et pointa sa baguette sur la silhouette - tout en s'exprimant que le parc était fermé. Qui avait osé ouvrir la grille pour pénétrer en ce lieu ? Apparemment cette personne. Pierce, disait-il. Il était venu pour les goyaves fraises, mais Travis ne baissa pas sa baguette pour autant 《 Je le répète, le parc est fermé 》.

Il s'avança de quelques pas de l'homme étrangement barbu et assez baraqué - avant de reprendre 《 Les fruits sont pour mes créatures, aucunement pour vous ! 》 . Le jeune Magizoologiste s'approcha encore de l'homme et plaça sa baguette sur la jugulaire de l'homme. Il n'avait pas peur de lui et souhaitait à tout prix qu'il arrête de cueillir ce qui ne lui appartenait pas 《 Lâcher ses fruits tout de suite ! Et dégager de mon parc. Si vous souhaitez acheter des fruits vous n'avez qu'à aller au marché 》. Travis tenait fermement sa baguette que les os de ses doigts se mirent à craquer.

Il savait qu'il n'aurait aucune chance si l'homme lui mettait une bonne raclée à mains nues pour le dégager, mais Travis ne se laisserait pas faire. Il n'avait pas fait pousser des arbres fruitiers pour qu'on vienne lui voler et qu'il n'ait plus rien pour ses créatures. Alors qu'il pointa toujours sa baguette sur la jugulaire du fameux Pierce, un Porlock s'était placé aux côtés de l'homme et se frotta contre ses jambes 《 Ne reste pas là, aller, retourne avec les autres 》 s'exprima-t-il avec une grande méfiance et vigilance tout en alternant son regard entre Pierce et le Porlock.

Ce type avait osé pénétrer dans le parc sans aucune autorisation et surtout par effraction ce qui avait mis hors de lui le jeune homme. De plus, il avait osé prendre des fruits sur les arbres qu'il faisait pousser exprès pour ses créatures et cette acte ne lui plaisait pas. Travis avait beau lui répéter que le parc était fermé, il s'était senti obligé de pointer sa baguette vers lui pour le menacer. Depuis que son père avait été sauvagement assassiné par un individu, il restait sur ses gardes avec toute personnes inconnues. Il pouvait bien ressembler à clochard moldu, mais les apparences pouvaient être trompeuses et Travis le savait. L'homme pointa sa baguette à son tour avant de prononcer des paroles comme s'il souhaitait apaiser la situation. Travis ne baissa pas pour autant sa baguette, laissant son regard furieux sur le sien 《 Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? 》. La deuxième question était un peu idiote, car il voyait bien qu'il voulait des fruits, mais juste au cas où il aurait une autre idée en tête, le jeune sorcier voulait en être sûr. Avec les événements il n'était sûrement pas le seul à rester sur ses gardes.

Il regarda l'homme poser sa besace au sol, sa baguette toujours pointée vers lui. Il lui fit remarquer que s'il en voulait, il n'avait qu'à aller au marché pour s'en acheter et de foudre le camp de son parc. Il n'aimait pas être dérangé quand celui-ci était fermé au public et ce n'était pas un demi-géant barbu qui allait lui faire peur. Puis, l'un des Porlocks vint se coller à l'individu après quelques hésitations il lui lécha la main. Travis arqua un sourcil, car aucun des Porlocks dont il s'occupait avait ce genre de comportement avec les touristes qui venaient visiter le parc.

Travis se recula de quelques pas lorsque l'individu se mit à parler. Il s'excusa d'être venu et il souhaitait lui faire une proposition. Travis baissa sa baguette, mais il garda fermement son bois dans sa main, prêt à se défendre à toutes éventualités 《 Je vous écoute 》 répondit-il d'un ton inquiet et interlocuteur. Il ne savait pas ce qu'il allait lui proposer, mais si cela pouvait apaiser les choses il l'écouterait. Pour autant, Travis resta en retrait en guise de sécurité 《 Si votre proposition ne m'intéresse pas, je vous prierais de bien vouloir quitter les lieux et de revenir lorsqu'il sera ouvert 》.

Le Porlock qui se trouvait à ses pieds se mit d'un coup à cavaler en direction des siens et cette fois-ci, c'est deux niffleur qui virent vers les deux sorciers. Travis soupira, mais il les laissa cavaler à leur guise. Après tout, le parc était leur maison. Heureusement pour lui que les champs de protection étaient efficaces pour éviter qu'ils s'échappent. Le jeune sorcier s'avança un peu vers son interlocuteur sans être trop prêt et lui tendit la main en guise de politesse 《 Vous ne m'avez pas l'air méchant effectivement, mais je préfère rester sur mes gardes avec tout ce qu'il se passe 》.

Travis observait l’étranger avec une méfiance non dissimulée. L'intrusion de cet individu sur sa propriété privée, au beau milieu d'une période déjà stressante, n'était pas pour apaiser ses nerfs. Pourtant, l'homme paraissait sincère, quoiqu'un peu maladroit. Travis remarqua les vêtements boueux du visiteur et songea brièvement qu'il n’avait certainement pas choisi cette tenue pour impressionner qui que ce soit. Mais les apparences importaient peu pour Travis ; ce qui comptait, c'était de protéger les créatures sous sa garde.

Les niffleurs étaient toujours un bon indicateur de la fiabilité d'une personne. Quand il vit l'un d’eux escalader l’homme avec une aisance et une affection évidente, Travis sentit son scepticisme s'éroder. Ces créatures n'étaient pas des plus confiantes avec des inconnus. Peut-être que cet homme n'était pas aussi mauvais qu'il l'avait d'abord imaginé.

Travis se détendit légèrement, tendant une main prudente vers l’intrus. Il n’avait aucune envie de faire preuve d’impolitesse, mais les temps étaient ce qu'ils étaient. Les événements récents l'avaient rendu plus vigilant que jamais. Cependant, il ne pouvait ignorer l'étincelle d'intérêt qui luisait dans les yeux de l’étranger. Une proposition intéressante pouvait peut-être surgir de cette rencontre.

Après l'échange de poignées de main, Travis écouta attentivement l’offre de l’homme. Ses sourcils se haussèrent légèrement lorsqu'il entendit parler de goyaves fraises et de confiture, mais il ne tarda pas à comprendre l'intérêt mutuel qu'ils pourraient trouver dans cet arrangement. En tant que protecteur de créatures magiques, Travis savait combien l'alimentation était cruciale pour leur bien-être. Et des légumes frais, cultivés localement, seraient une bénédiction pour les siens.

Il hocha la tête, impressionné par l'enthousiasme et la sincérité de l'agriculteur. Peut-être que cet homme n'était pas aussi stupide que son entrée en scène le laissait présager. Travis songea aux avantages qu’il pourrait tirer de cet échange. Des légumes frais de qualité étaient rares, surtout en cette saison, et ses créatures en bénéficieraient grandement.

« Très bien, » répondit Travis d’une voix plus douce qu'au début de leur rencontre. « Votre proposition me semble intéressante. Je pourrais être disposé à échanger quelques-unes de mes goyaves fraises pour des légumes de cette qualité. Mais je préfère voir ce que vous avez à offrir avant de m'engager dans un accord. »

Travis regarda l'homme se pencher pour saluer les niffleurs, un sourire s’étira sur ses lèvres lorsqu’il entendit le rire sincère du visiteur. Cela faisait longtemps qu'il n’avait pas vu quelqu'un traiter ses créatures avec autant de naturel et de gentillesse. Peut-être que ce jour n'était pas perdu après tout.

« Travis, » répondit-il finalement à la question de l’étranger. « Et vous, quel est votre nom ? »

Le ton de Travis s’était adouci. Peut-être que cette rencontre, commencée sous des auspices peu favorables, pouvait déboucher sur une alliance bénéfique pour les deux parties. Après tout, il était toujours bon d'avoir des alliés, même ceux qui entraient par effraction.