All or nothing ✗ Spencer

Arthur savait qu’il allait regretter de se montrer encore aussi faible en présence de Spencer, il n’aurait pas du lui prouver encore une fois à quel point il pouvait avoir de l’effet sur lui, mais la situation était une nouvelle fois tellement particulière qu’il n’avait pas pu s’en empêcher. Il détestait le fait de ne même plus pouvoir se contrôler en présence du jeune sorcier, c’était la sensation la plus frustrante au monde, enfin pour le moment, il se contentait de garder les yeux fermés et de profiter du corps de Spencer contre le sien. Pour une fois, la première même probablement, il ne cherchait pas plus, ce n’était pas une tentative inconsciente et déguisée pour réussir à mettre Spencer dans son lit, non, pour une fois il avait juste besoin d’un peu de soutien et il savait que c’était réciproque. Il leur avait à peine fallu deux ans pour réussir à agir à peu près normalement et décemment l’un avec l’autre, ça devait être un record, surtout quand on pensait à quel point ça leur coûtait à tous les deux de mettre leur fierté de côté pour pouvoir effectuer un geste aussi simple que ça. Ils étaient pathétiques, mais ce n’était pas de ça dont Arthur voulait se soucier. Non, tout ce qui avait du sens en ce moment dans son esprit c’était Cillian, et à quel point il était proche de le perdre.

Il ne put réprimer un léger frisson quand Spencer lui répondit. Ils savaient tous les deux qu’ils n’avaient aucun pouvoir sur ce qui allait arriver, alors essayer de se rassurer c’était non seulement stupide, mais c’était en plus terriblement frustrant, et pourtant ils ne pouvaient pas s’en empêcher. C’était tout ce qu’ils avaient, non ? L’espoir ? Arthur avait été trop habitué à la déception depuis sa naissance pour croire encore en quoique ce soit, non, il pensait toujours que Cillian n’allait jamais se réveiller, mais il ne voulait pas laisser cette pensée le dominer et finir par l’envahir entièrement, parce que s’il perdait Cillian, il n’avait plus rien, et c’était inconcevable pour lui que la vie le mette une nouvelle fois à terre comme ça. Comme par hasard, ce fut à l’instant même où cette pensée traversa son esprit que l’une des machines qui alimentait Cillian décida de faire des siennes. Arthur écarta son visage de Spencer pour voir ce qui était en train de se passer, sentant son cœur faire de véritables bonds dans sa poitrine. Il avait déjà à moitié la main sur sa baguette pour rouvrir la porte de la chambre quand il aperçut la silhouette de Cillian. Il était assis sur son lit. Et aux dernières nouvelles les personnes dans le coma ne pouvaient pas bouger. Il laissa son bras retomber le long de son flanc, les yeux rivés sur la petite silhouette de son neveu, qui les regardait l’air abasourdi et curieux. Arthur ouvrit la bouche, prêt à dire quelque chose de stupide, prêt à demander à Cillian si c’était bien lui ou s’il l’entendait bien, mais aucun son n’en sortit. Il sentit Spencer s’écarter de lui et il le laissa partir, étant de toute façon lui-même trop surpris pour empêcher qui que ce soit de faire quelque chose.

Il ne réagit qu’au moment où Spencer lui rappela qu’il ferait mieux d’ouvrir la porte. Il avait raison, vu le boucan que la machine faisait, le personnel de la clinique n’allait pas tarder à rappliquer par ici, et autant ne pas se mettre en travers de leur chemin, et surtout pas avec de la magie. Il se concentra sur la tâche qu’on lui avait assignée sans se poser la moindre question, ravi d’avoir autre chose à faire que de simplement fixer son neveu comme un idiot. Il sortit sa baguette et déverrouilla rapidement la porte, se retrouvant bien vite à nouveau sans aucune tâche à accomplir. Il se rapprocha finalement du lit et entoura doucement le visage de Cillian avec ses mains. Il aurait pu pleurer tellement il était soulagé de voir le petit garçon réveillé, au lieu de ça, il se contenta de se mordre l’intérieur de la joue pour s’empêcher de craquer. Il s’était déjà senti assez vulnérable comme ça pour toute une vie, pas la peine d’en rajouter en pleurant devant son neveu de sept ans. Il déposa un rapide baiser sur son front. « Ne t’inquiète pas, tout va bien, les médecins vont arriver et vont s’occuper de toi. Ne t’inquiète pas. » Répéta-t-il dans un souffle, encore une fois sans trop savoir qui il essayait de convaincre. Il se recula finalement, se rappelant qu’il était bel et bien peut-être contagieux et ne voulant absolument pas rendre Cillian malade, pas après tout ce qu’il avait déjà vécu cette semaine. Il se tourna vers Spencer et fit un léger signe de tête en direction du petit garçon, comme s’il essayait de lui faire comprendre qu’il voulait qu’il prenne la relève.

Comme s’ils avaient entendu ce qu’Arthur venait de dire, plusieurs médecins ainsi qu’une infirmière entrèrent finalement dans la chambre, surpris devant la scène qu’ils avaient sous les yeux. L’un des médecins s’approcha du lit et commença à examiner Cillian, lui expliquant où il était, ce qui allait se passer, Arthur était encore trop sous le choc pour véritablement écouter, tout ce qu’il voyait c’était que Cillian était vivant, réveillé et qu’il allait s’en sortir. Les médecins avaient l’air de parler de lui enlever les tubes qui l’empêchaient de parler et de bouger réellement. Arthur lança un dernier regard à Spencer, comme pour s’assurer qu’il n’était pas dans son champ de vision, avant de faire le tour de la chambre du regard, histoire de vérifier qu’il n’oubliait rien. C’était peut-être con, mais il n’avait pas envie de rester, ils allaient faire quoi avec Spencer de toute façon, hein ? Cillian s’était réveillé c’était le plus important, non ? Il pouvait bien lui laisser un peu de temps en tête à tête avec son père, non ? Lui ne voulait pas se retrouver avec les deux, pas maintenant, il n’était même pas sûr de savoir pourquoi, il trouvait juste l’éventualité trop étrange et il avait bien besoin de s’allonger. On avait plus besoin de lui ici quoiqu’il arrive et même s’il n’avait rien d’autre à faire ailleurs, il se sentait assez bien maintenant qu’il savait que son neveu allait s’en sortir pour ne pas se sentir obligé de rester.

Il vérifia une dernière fois que Spencer ne le regardait pas avant de profiter du désordre qui régnait dans la chambre pour s’éclipser discrètement. Ce n’était pas malin de sa part de s’enfuir comme ça, mais c’était la seule solution pour Arthur. Il était de toute façon trop fatigué pour pouvoir supporter autant de bruit et autant d’agitation dans la pièce, sans compter que maintenant que Cillian était réveillé, il n’avait plus aucune raison de ne pas se foutre sur la gueule avec Spencer, et ça, il ne s’en sentait vraiment pas la force dans l’immédiat. Il s’engouffra dans l’ascenseur et descendit tranquillement au rez-de-chaussée, s’arrêtant rapidement devant l’accueil et hésitant à prendre un autre rendez-vous. Il n’aurait pas le temps de revenir ici avant une semaine et d’ici là, il irait probablement mieux tout seul, et puis maintenant qu’il y réfléchissait, il ne pouvait pas réellement se permettre de prendre un rendez-vous ici. Il se massa doucement les tempes avant de se diriger vers la sortie de la clinique. Un peu de repos lui ferait le plus grand bien, et ça suffirait cette fois-ci encore. Il passerait voir Cillian d’ici à quelques jours, après s’être assuré qu’il était bel et bien sorti de la clinique.

Spoiler:

C’était con, Athur le savait. Mais il ne pouvait pas s’en empêcher, il était fatigué, il ne tenait pas spécialement à se retrouver coincé dans la même pièce que Spencer pendant encore plusieurs heures, il était rassuré sur le sort de son neveu : il pouvait rentrer chez lui l’esprit à peu près tranquille. Il repasserait plus tard, après s’être reposé et avoir chassé ce foutu mal de crâne. Il sortit et profita pendant quelques secondes du vent londonien venant lui fouetter le visage, ça lui faisait du bien, ça l’aidait à se remettre les idées en place. Il commença à avancer dans une direction au hasard, cherchant une ruelle de laquelle il pourrait transplaner tranquillement et finalement rentrer chez lui. Il sortit un paquet de cigarette de la poche de son jean et s’arrêta à nouveau le temps de l’allumer. Il commença à tirer sur sa cigarette en reprenant son chemin, accélérant le pas sans même s’en rendre compte, il avait hâte de pouvoir aller s’allonger, il avait bien gagné une heure ou deux de sommeil selon lui, et étant donné qu’il allait devoir bosser ce soir, il n’était pas mécontent d’avoir un peu de temps devant lui pour se remettre de ses émotions et reprendre des forces. Maintenant que Cillian était réveillé, ce n’était pas la peine qu’il foute encore un peu plus sa vie en l’air en démissionnant après tout. Son job était pourri, mais il savait qu’il aurait du mal à trouver mieux, et puis il fallait bien vivre. Il avait passé assez de nuits sous un pont londonien à crever de froid pour savoir qu’il n’était pas capable de le refaire, pas s’il pouvait l’éviter en tout cas.

Il sursauta légèrement en sentant quelqu’un attraper son poignet libre et pendant quelques secondes, il se demanda de qui il s’agissait. Dans sa tête il était déjà à moitié chez lui et il avait mis cet après-midi catastrophique derrière lui, aussi fut-il surpris de voir qu’il s’agissait de Spencer. Haussant un sourcil, il attendit que le jeune homme lui explique ce à quoi il était en train de jouer. Pourvu qu’il ne soit pas juste venu lui chercher des noises, sinon ça allait encore mal tourner et Arthur ne se sentait vraiment pas de taille à se battre contre Spencer, pas maintenant, il avait juste besoin de tranquillité et de repos. Et surtout, de virer le jeune homme de ses pensées une fois pour toutes. Où il allait ? C’était pourtant évident, mais Spencer ne lui laissa pas le temps de répondre qu’il reprenait déjà. Il était à bout de souffle, il avait couru pour le rattraper ou quoi ? Il ne pouvait pas simplement le laisser rentrer ? Non, il fallait qu’il vienne chercher les ennuis, c’était vraiment plus fort que lui alors. Dès qu’Arthur faisait des efforts, prenait sur lui pour faire en sorte qu’ils arrêtent de se disputer, il fallait que Spencer revienne à la charge. Ils ne s’en sortiraient jamais à ce train là.

Il baissa les yeux en entendant les reproches du jeune homme, il ne voulait pas faire de mal à Cillian, il ne s’était juste pas senti de rester, et même s’il n’appréciait définitivement pas le ton de Spencer, il se sentait plus coupable qu’autre chose d’avoir essayé de filer à l’anglaise comme ça. Il aurait pu faire un effort pour Cillian, mais non, c’était tellement plus facile de s’enfuir, il n’avait pas pu résister devant cette opportunité. Il ne put s’empêcher de faire claquer sa langue contre son palais, agacé par la réplique suivante de Spencer. « J’ai jamais dit que je m’occuperais de lui quand il serait réveillé. » Putain, il était vraiment trop con. Il s’en voulut immédiatement d’avoir dit ça, même si c’était vrai. Il avait promis de veiller sur lui tant qu’il serait dans le coma, mais il ne se sentait pas la force de s’occuper de Cillian, Spencer et les Thornfield avaient raison, son neveu ne pourrait que se porter mieux sans son influence néfaste, et il se sentait tellement fatigué… Il n’avait pas eu le courage de rester avec toute cette agitation, il avait préféré s’enfuir, mais maintenant que Spencer le faisait se sentir coupable, il savait que son plan d’évasion était entièrement tombé à l’eau. Il hocha doucement la tête quand Spencer lui expliqua qu’il devait retourner au boulot, il n’était pas de taille à lui refuser quoique ce soit maintenant, surtout vu la façon dont le jeune sorcier lui avait demandé. Les fois où Spencer avait utilisé « s’il-te-plait » en lui demandant quelque chose, Arthur pouvait les compter sur les doigts de sa main, alors il était incapable de refuser, surtout que maintenant qu’il savait que Spencer ne serait pas là, il n’avait aucune raison de ne pas aller s’occuper de Cillian. Il refusait que son neveu soit tout seul après une épreuve pareille.

« D’accord, je rentrais juste chez moi. Je vais m’occuper de lui. » Il tira une dernière fois sur sa cigarette avant de la tendre à Spencer. Il n’aurait pas le temps de la finir puisqu’il allait rejoindre Cillian, autant qu’elle serve à quelqu’un, en plus vu l’état de nerf dans lequel Spencer était, il avait l’air d’en avoir autant besoin que lui. Il enfouit ses mains dans les poches de son jean, tant pis son boulot sauterait, ce n’était pas la mort, de toute façon il détestait ça, il allait juste falloir qu’il trouve un autre moyen de vivre. Mais ça, il s’en soucierait une autre fois, il fallait qu’il procède une épreuve après l’autre, pour l’instant il allait juste veiller sur son neveu et lui tenir compagnie, rien de plus. « T’inquiète pas, je resterai avec lui. Bon courage pour le boulot. » Répliqua-t-il mollement, il ne se ferait jamais à l’idée qu’il pouvait parler normalement à Spencer, décidemment. Il lança un dernier regard au jeune sorcier avant de se diriger dans la direction opposée, retournant à la clinique. Il ne prit pas la peine d’attendre Spencer, après tout, il devait aller bosser, non ? Il n’avait aucune raison de le suivre. Il s’engouffra dans le bâtiment, ignorant le regard curieux que la dame de l’accueil lui lança et attendit bien tranquillement l’ascenseur. Il rentra dans la chambre de Cillian, il ne restait plus qu’une dernière infirmière qui s’assurait que tout allait bien. Le petit garçon n’était plus intubé et il ne lui restait plus qu’une ou deux perfusions. Il était tranquillement allongé dans son lit et ne cessait pas de gigoter, au grand dam de l’infirmière censée le forcer à se reposer. « Il doit se reposer, revenez demain pour les visites. » Arthur s’avança vers le lit de son neveu, ignorant pendant quelques secondes les ordres de l’infirmière. Spencer voulait qu’il reste, et il n’allait pas se laisser virer aussi facilement, surtout que lui non plus ne tenait pas à laisser Cillian tout seul. « Je ne l’empêcherais pas de dormir, je veux juste que quelqu’un reste avec lui. » Répondit-il à la jeune femme d’un ton calme et posé qui ne lui ressemblait pas. Il n’allait pas se mettre à la supplier non plus, il espérait qu’elle comprendrait que ce qu’il demandait n’était pas non plus déraisonnable. La jeune femme, heureusement, n’insista pas. Elle n’avait pas l’air ravie mais elle se contenta de hausser les épaules et de sortir après avoir rappelé une dernière fois à Cillian qu’il fallait qu’il se repose. Arthur attendit que la porte soit enfin fermée pour s’asseoir sur le bord du lit de son neveu, un petit sourire aux lèvres. « Désolé, j’étais juste parti prendre l’air. » Mensonge, mais ça Cillian n’avait pas besoin de le savoir, tout ce qu’il ignorait ne pouvait pas le blesser après tout. « Papa est parti bosser, il viendra te voir dès qu’il pourra. » Déclara-t-il toujours aussi doucement avant de caresser lentement les cheveux de son neveu. Il espérait vraiment ne pas être contagieux, sinon il allait avoir des comptes à régler avec Spencer plus tard.

« J’ai pas envie de dormir. » Lança Cillian d’un ton boudeur qui fit sourire Arthur. Têtu comme une mule, pas de doute c’était bien le fils à son père. « Tu préfères qu’on discute de comment tu as traversé la route sans regarder ? » Demanda Arthur d’un ton réprobateur. Il se doutait que c’était un truc du genre, il ne connaissait pas toute l’histoire, mais vu la façon dont Cillian était en train d’essayer de se tasser dans son lit, il avait vu plus ou moins juste. « C’est bien ce que je pensais. Allez, essaye de te reposer, je ne bouge pas d’ici, ne t’inquiète pas. » « Mais j'ai pas sommeil. » Se plaignit Cillian en baillant. « Je vois ça. Allez, dors, ça te fera du bien tu verras. » Il se pencha vers son neveu et déposa un rapide baiser sur son front avant d’aller s’asseoir sur un siège prévu à cet effet. Il avait hâte que Cillian s’endorme, parce qu’il avait lui-même bien besoin de piquer un petit somme. Il releva les yeux vers son neveu et ne put s’empêcher de sentir une vague de culpabilité l’envahir, il aimait Cillian, plus que tout au monde, c’était la seule famille qui lui restait, alors pourquoi n’était-il pas assez motivé pour s’occuper de lui ? Était-il égoïste au point de ne pas avoir envie de prendre soin des seules personnes qui comptaient pour lui ? Il fallait croire que oui.

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