Always be specific when you lie ◮ KEELEY

Une fois de plus, le sommeil avait mis bien trop de temps à son goût à trouver le chemin de ses pensées. Une fois de plus en s'allongeant dans son lit dans le dortoir, elle n'avait pas pu fermer l'oeil avant un bon moment, sachant que la source même de son insomnie dormait là, quelques lits plus loin. Comment en était-elle arrivée là ? A utiliser son frère comme ça, à mentir de façon éhontée chaque jour depuis l'an passé, depuis cette soirée où elle s'était arrangée pour qu'elle soit la destinataire de son mot suite à l'initiative du directeur de rapprocher les élèves de l'école d'une façon amusante. Mais une fois que la fatigue pris le dessus sur son cerveau, elle sombra dans un sommeil agité mais tout de même moins que ces derniers mois. Les vacances semblaient avoir temporairement mis en sommeil son tourment. Même si les premiers jours elle avait eut une folle envie d'écrire une lettre, pas anonyme cette fois-ci où elle confesserait tout à propos de sa supercherie. Mais était-elle vraiment prête à risquer de perdre ce lien si spécial qu'elles partageaient -même s'il était basé sur un mensonge- ? Visiblement pas car elle n'avait pas envoyé la lettre, qu'elle avait fini par brûler d'ailleurs.
Arawn et elle avait beaucoup parlé aussi durant l'été. Et ce qui aurait pu les éloigner en temps normal les avait rapproché encore un peu plus. Même si chacun savait pertinemment qu'aucun lien sanguin ne les reliait vraiment, ils n'en restaient pas moins tout aussi proches que si c'était le cas. Voir peut-être même plus. Elle s'en voulait d'ailleurs énormément de lui imposer ça. De devoir mentir lui aussi et prétendre être l'auteur des messages qu'elle envoyait à sa camarade de maison. Car même s'il était en effet le chérie de ses dames, elle elle savait que le cœur de son frère était déjà pris. Même si pour l'instant il se refusait à l'admettre. Et oui, aucun des deux enfants McRae n'avait choisit la voie de la simplicité niveau relations sentimentales. Voilà aussi pourquoi ils se comprenaient si bien. Ils vivaient plus ou moins la même situation. Mis à part que lui n'utilisait pas sa soeur. Elle se savait redevable à jamais envers lui. Il ne lui demanderait jamais rien, elle le savait. Avec elle, il était toujours le frère idéal. Et souvent trop protecteur d'ailleurs. Il avait rebouté quelques uns de ses prétendants les années passées. Car en un sens, sortir avec elle c'était un peu sortir avec lui aussi car ils partageaient tout -ou presque-. Étonnant quand on sait qu'ils n'étaient pas vraiment jumeaux.

Réveillée avant la plupart de ses camarades de chambrée, elle était descendu peu après dans la Grande Salle après s'être changée, troquant son pyjama contre sa tenue d'écolière. Et pour une fois, elle se trouva un appétit retrouvé. Non, elle ne surveillait pas sa ligne ou une connerie du genre, mais elle se sentait nouée dès qu'elle avalait trop de nourriture. Alors elle se limitait au strict nécessaire pour subvenir à ses activités quotidienne, histoire d'éviter de devoir courir sans arrête aux toilettes entre chaque cours. Elle s'autorisa même à reprendre un grand verre de jus de citrouille après avoir englouti une cinquième bonne tartine de pain, recouverte de confiture de groseilles. Et comme elle avait encore pas mal de temps devant elle avant de devoir aller en cours, elle décida d'aller faire un petit tour, histoire de digérer et surtout de réfléchir. Oh ça oui, en ce moment elle réfléchissait bien trop à son gout. Enfin, à propos de sujets précis, un surtout. Mais il fallait préserver les apparences, coûte que coûte. Quelle idée de tomber amoureuse d'une fille comme Keeley aussi... Mais pour sa défense, elle n'avait pas prévu que cette histoire de petit mot magique irait si loin.
Mais comment renoncer à ce moyen de pouvoir se rapprocher d'elle sans se montrer ? Elles partageaient tant de choses ainsi. Enfin elle avait trouvé quelqu'un qui partageait ses centres d'intérêts. Les vieux films moldus, les classiques de la littérature moldue toujours, et bien d'autres choses encore. Habituellement Siobhan n'appréciait guère les filles dans son genre. Ostensiblement adulée par tous pour trois fois rien quand on y pense. La popularité. Une chose aussi relativement peu objective qui pourtant importait beaucoup ici. A laquelle elle se refusait d'être associée. Car elle aurait très bien pu être populaire elle aussi, mais ça exigeait trop d'efforts à ses yeux pour un résultat discutable au bout du compte. Puis elle était mieux là où elle était. A savoir à sa place, celle de la soeur d'Arawn, celle qui avait presque toujours réponses à tout et dont le cynisme rivalisait avec ceux des plus aguerris des Serpentards. Oui, au final, elle était bien à sa place à Gryffondor en fin de compte. A Serdaigle, elle n'aurait pas pu se permettre un tel tempérament. Et puis rien ne l'empêchait d'être intelligente parce qu'elle était une Sang et Or non ? Hermione l'avait bien prouvé avant elle.

Après quelques minutes de marche, elle s'arrêta donc au détour d'un couloir, s'installant tranquillement sous une arcade qui donnait en contrebas sur la Cour. Elle aimait bien contempler le paysage qu'offrait cet endroit au-delà des murs de Poudlard. Elle avait l'habitude depuis toute petite de se poser un moment à ne rien faire si ce n'est contempler le paysage environnant. Ce qui était une évidence quand on habitait l'Irlande, elle le clamerait toujours haut et fort, son pays était le plus beau selon elle. Mais les charmes de l'Ecosse où se trouvait le château et ses terres avaient eux aussi leurs arguments. Se vider la tête avant de devoir assimiler de nouvelles choses en cours plus tard. Car mine de rien, cette année avait un enjeu de taille, les ASPICs. Si elle espérait devenir Auror, il fallait qu'elle obtienne un maximum de bonnes notes dans les matières incontournables pour suivre cette voie là. De ce point de vue là, elle avait un avantage certain sur son frère mais elle comptait bien faire en sorte que lui aussi se bouge un peu pour qu'ils puissent entrés au Ministère tous les deux à leur sortie de Poudlard. Ils avaient toujours tout fait ensemble jusqu'à présent, pourquoi donc devrait-il en être autrement par la suite ?
Se coupant plus ou moins du monde tandis qu'elle observait la vue, elle triturait dans sa poche le dernier mot qu'elle avait reçu. Machinalement, connaissant son contenu et la réponse qu'elle y avait apporté. Car le problème quand on ment, c'était la mémoire. Plus l'on plongeait dans le mensonge, plus il fallait se souvenir de tout. D'où l'importance aussi apportée aux détails. Elle changeait bien entendu son écriture pour répondre et surtout veillait toujours à ne laisser en aucun cas percé le moindre détail qui prouverait que son frère n'était pas l'auteur de ses mots mais elle. Et plus le temps passait, plus elle commençait à se dire qu'elle ne méritait même pas cette attention car après tout, l'autre jeune Gryffondor communiquait avec une personne qui n'existait que sur papier... C'était bien elle qui parlait mais ça s'arrêtait là. Poussant un profond soupir en fermant les yeux un moment, elle tenta vainement de cesser de penser à tout ça, histoire d'avoir un minimum d'attention disponible pour son cours mais c'était peine perdue. D'autant plus qu'au bout du couloir arrivait la jeune femme qui était à l'origine -enfin la cause- de tous ces mensonges. Quelles bêtises on pouvait faire par amour quand même... « Si tu cherches mon frère, tu auras plus de chance de le trouver encore au fond de son lit que dans les parages vu l'heure qu'il est. » dit-elle alors sans détourner pour autant son regard vers elle. Comme si ça allait l'empêcher de se sentir moins coupable qu'en la regardant en face...

Spoiler:

Keeley n'était pas vraiment une lève-tôt, aussi était-il étonnant de la voir se promener dans les couloirs à une heure pareille. Ses cours ne commençaient que dans une demi-heure et elle n'avait pas spécialement l'habitude de se réserver du temps pour prendre son petit-déjeuner. Elle se levait généralement à la dernière minute possible pour ne pas être en retard, et comme elle n'avait jamais faim le matin de toute façon... Enfin, puisqu'elle avait du temps à tuer, elle pénétra dans la Grande Salle et alla s'asseoir sur le banc des Gryffondors. Moins de cinq minutes plus tard, tous les sièges à côté et en face d'elle étaient occupés et des amis et des connaissances lui parlaient de tout et de rien, surtout de choses inintéressantes au possible d'ailleurs. Elle fit semblant d'écouter et de trouver ça passionnant pendant cinq minutes tout en grignotant un toast et elle finit par se lever, ne pouvant plus supporter leur compagnie. Elle était particulièrement irritable en ce moment, mais c'était en partie à cause d'Arawn. Il était tellement frustrant. Comment se faisait-il qu'il soit quasiment incapable de lui parler correctement quand ils se trouvaient face à face et que pourtant, sur papier, ils arrivent aussi bien à communiquer? Et aussi facilement surtout. Elle se demandait parfois s'il n'y avait pas quelque chose qui clochait chez le jeune Gryffondor.

Broyant du noir, les bras croisés et les yeux baissés sur les carreaux de la cour de l'école, elle avançait tranquillement un peu au hasard des couloirs et des bifurcations. Il lui restait encore un peu de temps avant son premier cours et elle avait l'habitude d'arriver volontairement en retard (il fallait bien soigner sa réputation un peu, qu'est-ce qu'on dirait si elle arrivait à l'heure en cours?). Elle finit par relever la tête mais seulement pour chercher Arawn des yeux autour d'elle. Le connaissant il n'était probablement même pas encore sorti de son lit, c'était une autre chose qu'ils avaient en commun tiens, même si lui poussait le vice au maximum. Il allait falloir qu'elle lui parle, ce n'était plus possible, il devait bien y avoir une explication à la situation, ou une solution, peut-être qu'elle pouvait faire quelque chose, qu'elle pouvait l'aider? Elle s'en voulait d'aimer ne passer du temps avec lui que quand ils s'écrivaient. Enfin elle s'en voulait de ne pas réussir à vraiment apprécier le jeune homme quand elle l'avait en face d'elle, c'était comme parler à deux personnes totalement différentes et ça commençait à la frustrer terriblement. Elle l'aimait, mais c'était comme si elle ne pouvait être avec lui qu'une fois sur deux, quand ils s'envoyaient des mots. Non, ça ne pouvait plus durer comme ça.

Elle débarqua dans un couloir où elle remarqua enfin une tête familière. Elle fronça les sourcils et mit quelques secondes avant de la reconnaître. Quand l'information remonta finalement jusqu'à son cerveau, elle força un sourire poli sur ses lèvres et se dirigea vers la jeune femme. Elle ferait avec ce qu'elle avait. Elle ne put s'empêcher de froncer à nouveau légèrement les sourcils en voyant Siobhan s'adresser à elle le plus naturellement du monde. Elles se connaissaient, puisque la jeune femme était la soeur d'Arawn, mais elles ne se parlaient pas plus que ça, elles ne s'étaient jamais adressées plus de quelques mots et la voilà qui engageait la conversation. Bah, après tout, ce n'était pas plus mal vu qu'elle avait elle aussi à lui parler. « Ouais je sais. » Répondit-elle d'un ton neutre avant d'enfouir ses mains dans les poches de sa robe de sorcier. Octobre venait tout juste d'arriver mais il faisait quand même bien frisquet le matin. « Est-ce que je peux te parler? » Elle regarda autour d'elle plus par réflexe qu'autre chose, comme pour s'assurer que personne n'allait s'amuser à écouter leur conversation. Elle ne tenait pas particulièrement à ce que ça remonte jusqu'aux oreilles d'Arawn, et encore moins que ça fasse le tour de Poudlard.

Elle attrapa doucement Siobhan par le bras et la força plus ou moins à se décaler avec elle pour être quasiment collées au mur du couloir. Elle ne voulait courir aucun risque, ça aurait été trop bête. Elle avait appris très tôt qu'elle avait toujours intérêt à protéger ses arrières si elle ne voulait pas se retrouver dans une situation fâcheuse et perdre tout ce qu'elle avait. « C'est à propos d'Arawn. Il n'y a pas quelque chose que tu devrais me dire? » Demanda-t-elle finalement l'air inquisiteur en haussant un sourcil. Elle jeta un nouveau coup d'oeil par dessus son épaule pour vérifier que personne n'était en train de les épier avant de se décider à finalement rentrer dans le vif du sujet. « Il se comporte tellement bizarrement. Il t'en a parlé ou pas? Je ne sais plus quoi faire, il doit bien y avoir quelque chose que je puisse faire pour l'aider à être un peu plus à l'aise quand il est avec moi, non? » Elle croisa les bras sur sa poitrine, l'air légèrement gêné. Ce n'était pas tellement gênant pour elle de parler de ça à une fille qu'elle ne connaissait quasiment pas, non, c'était le fait d'en parler en public et de demander de l'aide qui la gênait.

» KEELEY ◮ don't leave me please