I can’t get enough, can’t take anymore (flashback)

Bellatrix entendit la porte d’entrer claquer et tenta de calmer les battements de son coeur. Elle s’était sentie un peu stressée depuis le weekend précédent où sa mère lui avait annoncé que plusieurs membres de la famille venaient leur rendre visite. Elle anticipait rarement ces visites familiales avec joie, mais les choses avaient changé depuis quelques mois. Depuis que son père lui avait annoncé qu’il s’était mis d’accord avec le reste de la famille pour que Bella épouse son cousin à leur sortie de Poudlard. Sirius était plus jeune qu’elle de deux ans, et pourtant Bellatrix avait du mal à le croire. Il paraissait si confiant, si sur de lui, tout son contraire. Il venait à peine de rentrer à Poudlard et déjà il donnait l’impression de diriger la moitié des élèves de son année, et pourtant Bella avait parfois l’impression de lire quelque chose de plus profond dans son regard. Quelque chose qu’il n’oserait pas avouer. Peut-être que c’était ça qui l’avait tant intriguée, ou bien peut-être était-ce simplement le fait de savoir qu’ils étaient déstinés l’un à l’autre. Tout ce que Bella savait, c’était qu’elle se sentait soulagée que ce soit tombé sur Sirius. De tous ses cousins, Sirius était sans doute le choix le moins détestable, et Bellatrix s’était même prise à apprécier les après-midi passées avec lui. Presque en tout cas. Elle avait appris à apprécier son côté rebelle, le manque de respect qu’il semblait avoir pour les règles que ses parents imposaient. Merlin savait que Bellatrix avait parfois envie de l’imiter, d’avoir son courage, mais elle en était loin. Non, elle avait appris à ne pas trop se faire remarquer, à ne pas créer de vagues, et ça lui réussissait bien.

Elle passa une main dans ses cheveux pour tenter de remettre un peu d’ordre dans ses boucles folles, mais en vain, avant de descendre accueillir son oncle et sa tante. Elle lança un regard du coin de l’oeil à Sirius et sentit son coeur frapper contre sa poitrine en voyant qu’il s’était également tourné vers elle. Son expression était fermée mais Bellatrix savait que ça changerait surement une fois ses parents un peu plus loin. Sa mère lui lança un regard sec avant d’annoncer qu’elle et son père avaient quelque chose à voir avec les parents de Bellatrix, et de quitter la salle, laissant les trois enfants seuls. Regulus, le frère de Sirius, se tenait derrière lui apparemment intimidée par Bellatrix. Narcissa, quant à elle, n’était pas descendue voir ses cousins, préférant rester seule dans sa chambre. Bellatrix lança un regard noir en direction de Regulus, prenant un certain plaisir à le voir reculer légèrement. Elle se tourna ensuite vers Sirius, se forçant à garder une expression impassible. ”Salut.” Sa voix était ferme mais détachée, exprimant toute l’assurance qu’elle ne ressentait pas. Elle attrapa sa baguette au fond de sa poche et la fit tourner entre ses doigts. ”Tu as amené la tienne ?”

Comme tous les matins, Sirius ouvrit les yeux. Et comme tous les matins depuis 11 ans, un mauvais pressentiment s’empara de lui. Lové sur son torse, accroché à son cou, cette sensation d’emprise asphyxiante ne le quitterait que lorsque la fin des vacances venues, il regagnerait le quai 9 3/4. Enfin ! à Poudlard, il retrouverait sa liberté, il retrouverait sa famille, sa maison, ses suivants. Là-bas, dans cet ailleurs aux allures de paradis imparfait, il pouvait goûter à l’insouciance, vivre librement sans penser aux représailles ; ces représailles qui, avides de contrôle, guettent dans l’ombre le moindre de vos faux-pas.

C’était un matin au Square Grimmaurd. Cela faisait deux jours seulement que Sirius avait regagné Londres mais cela lui semblait déjà une éternité. Les regards appuyés de ses parents lorsqu’il levait un peu trop le menton après une phrase impertinente, les chuchotements des disputes animées la nuit tombée, les yeux fuyants de Regulus, les remarques acerbes de Kreattur… Sans rien attendre, Sirius était tout de même déçu de son premier retour à domicile depuis sa rentrée en première année à Poudlard. Il savait qu’il avait fait figure d’exception en étant envoyé à Gryffondor, trahissant sans le vouloir une lignée entière de Black enrôlée à Serpentard. L’entraînement harassant de Walburga et d’Orion a faire de leurs enfants des soldats obéissants n’avait, semble-t-il, pas tenu compte d’un facteur humain évident. Ce facteur, c’était la réactance, nuage noir dans l’horizon tracé de leur fils aîné. « Un être supérieur ne connaît pas la peur, Sirius ». Ce leitmotiv, asséné à chaque exercice éducatif par sa mère, avait fini par être intégré et faire de Sirius ce qu’il était aujourd’hui, du haut de ses 11 ans : un Gryffondor à l’arrogance affirmée, qui n’avait de rebelle que son épaisse chevelure brune et un timbre de voix provocant. Le charme de son indolente assurance lui valait une horde de fans à Poudlard et un très bon ami. Sirius investissait donc cette image avec plus de ferveur qu’il ne s’investissait dans les cours.

C’était une journée en famille et Sirius traînait des pieds pour s’habiller, générant l’agacement conjoint de ses parents. Il n’aimait pas passer du temps avec sa famille proche, alors que dire de la famille étendue ? Chaque maladresse pour enfiler un manteau, fermer un bouton ou lacer une chaussure était un prétexte pour retarder leur arrivée chez ses cousines. A court d’idée et finalement prêt à partir, Sirius se résigna à sortir et emboîta le pas de sa triste meute vêtue de noir, fermant derrière lui la porte de leur demeure. Muré dans un silence ronchon et le pas mou, il lançait des coups d’œil ennuyés à Regulus qui avait l’air à la fois intimidé et enthousiaste.

Sirius ne pu retenir un soupir d’ennui lorsqu’il passa le pas de la maison de Druella et Cygnus. Sa cousine Bellatrix était descendue les accueillir et les parents respectifs ne tardèrent pas à s’éclipser pour s’affairer à des secrets d’adulte. Sirius détailla sa cousine avec une moue pincée. Il n’avait jamais trop su quoi penser d’elle et ses sourires, qu’elle tentait parfois, s’apparentaient à d’inquiétantes grimaces forcées. Elle était à peine plus âgée que lui et il émanait de sa personne une espèce de résignation absolue, une neutralité morbide, comme si elle s’évertuait à annihiler toute trace de sa personnalité, d’abattre la moindre velléité de son esprit. Mais dans quel but ? Celui d’être acceptée ? Peut-être. Celui d’être aimée ? Stupide ! Cela ne pourrait jamais arriver. Pas ici, pas dans ce manoir, pas chez les Black. Sirius, qui se tenait parfaitement immobile, sentit Regulus  faire un pas en arrière à l’approche de Bellatrix.

Ils se faisaient face, lui, vivant parmi les morts, elle, morte parmi les vivants, dans ce contraste absurde où la seule chose qui les liait dans ce tête à tête était le sang.

- Salut, lâcha-t-il finalement avec une voix qui trahissait son désintérêt. Ses yeux gris se posèrent avec nonchalance sur la baguette de Bellatrix. Un bon sorcier ne sort jamais désarmé, trancha-t-il.

Et s’il savait qu’il était bon, il doutait encore moins qu’il serait un jour l’un des meilleurs.

Narcissa n’est pas là ? demanda Sirius avec une pointe de déception dans la voix. Des deux sœurs, il préférait largement la blonde qu’il trouvait plus authentique. Un nouveau soupire s’échappa de ses lèvres. Bon… on monte ?

Ils n’allaient pas rester plantés là, à se regarder en chien de faïence dans le vestibule. Et puis, feuilleter les livres de sa cousine et regarder ses collections lui épargnerait bien des efforts de communication superflus. Tu pourras me montrer de nouveaux sorts, si je ne les connais pas déjà.

Il n'avait même pas pris la peine de se tourner vers Regulus qui, il le savait, le suivrait à la trace où qu'il aille.

Bellatrix ne put pas s’empêcher de sourire en entendant la réponse de Sirius. Évidemment qu’un bon soricer ne sortait jamais sans sa baguette, mais elle avait vu assez d’étudiants à Poudlard perdre la leur pour que ça ne paraissait pas évident à tout le monde. Elle observa le visage de son cousin, essayant de comprendre ce qu’il pouvait penser, mais sans véritablement y parvenir. Il semblait sur de lui, une chose que Bellatrix lui enviait plus que tout, mais aussi désinterressé par la conversation, et ça elle ne pouvait pas l’accepter. Pourtant, la question qui suivit lui fit plus de mal que la nonchalance et le désintérêt de son cousin. Narcissa ? Pourquoi donc aurait-il eu envie de la voir, elle ? Le visage légèrement fermé, Bellatrix laissa son bras retomber le long de sa hanche pour masquer la manière dont ses doigts avaient resseré leur étreinte autour de sa baguette. ”Elle n’avait pas envie de voir du monde.” “Elle n’avait pas envie de vous voir” était assez bien sous-entendu dans sa phrase, si bien que Bellatrix ne prit pas la peine d’élaborer avant de prendre le chemin des escaliers. Elle se tourna rapidement vers son cousin en l’entendant reprendre la parole, mi-vexée et mi-amusée par son assurance. Elle savait très bien qu’après deux ans de plus à Poudlard, elle en savait plus que Sirius, mais elle avait également entendu dire que lui et ses amis étaient particulièrement doués pour des sorciers de leur âge. L’espace d’un instant, elle se demanda si Sirius faisait référence aux sortilèges impardonnables, mais elle chassa bien vite cette idée de son esprit. Tout comme elle, Sirius avait sans doute dû les apprendre de ses parents bien avant son entrée à Poudlard.

Ils arrièvent sur le palier du premier étage et Bellatrix accéléra le pas en dépassant la chambre de Narcissa, priant pour qu’elle n’en sorte pas en les entendant passer. Malheureusement pour Bellatrix, cette journée ne voulait pas aller dans son sens et elle jura dans sa barbe en entendant la porte de Narcissa s’ouvrir. Elle fit volte-face, feignant un sourire en direction de sa petite soeur. ”On allait se poser dans ma chambre,” expliqua-t-elle tout en essayant de faire comprendre à Narcissa qu’elle n’était pas la bienvenue. ”On va répéter des sortilèges, ça ne t’intéressera pas. Tu n’as qu’à garder Regulus avec toi.” Bellatrix lança un regard amusé en direction du petit frère de Sirius et prit un certain plaisir à voir que ses joues avaient gagné un peu en couleur. Elle lança un regard appuyé en direction de Narcissa pour lui faire comprendre qu’elle avait plutôt intérêt à aller dans sa direction, mais la jeune blonde haussa finalement les épaules avant de lancer un léger sourire vers ses deux cousins. ”On n’a qu’à travailler nos sortilèges tous les quatre, Bella.” Bellatrix laissa échapper un soupir de frustration avant de faire demi-tour et d’avancer vers sa chambre. Au moins Andromeda ne viendrait pas aussi s’incruster étant donné qu’elle avait été envoyée chez leurs grand-parents pendant quelques jours, il n’aurait plus manqué que ça.