Le bruit et la fureur [Neville/Severus]

Severus avança dans les couloirs du château, sa robe noir virevoltant dans son sillage. Il savait que le simple mouvement de sa cape avait parfois suffit à effrayer des premières années, mais le mouvement était vain cette nuit. Comme plusieurs fois par semaine, Severus était de corvée de surveillance après le couvre-feu. Comme si le fait de l’avoir envoyé surveiller le Poudlard Express ne suffisait pas, Woodston avait eu l’idée géniale de rendre les patrouilles obligatoires après le couvre feu. Pire encore, il forçait Severus à y participer. À une époque, le professeur de Potions aurait peut-être réussi à menacer un de ses collègues jusqu’à l’obliger à le faire pour lui, mais il savait que ce genre de combines ne fonctionneraient désormais plus. La moitié des professeurs le haïssaient et ne se laisseraient pas intimider, et l’autre moitié savaient qu’il leur avait probablement sauvé la vie et ne prenait plus ses menaces au sérieux. La vie au château avait toujours été dure pour Severus, mais jamais autant que depuis la bataille. Au moment même où Severus était en train de se demander s’il aurait encore un jour l’occasion d’inspirer de la peur chez un élève, il aperçut une lumière quelques mètres plus loin. Son rythme cardiaque s’accéléra immédiatement tandis que ses doigts se resserrèrent autour de sa baguette. Il s’avança lentement avant de retenir un soupir d’épuisement. Londubat. Il l’observa avancer dans sa direction sans lever les yeux du sol, avant de finir par le percuter. Severus prit un malin plaisir à le voir rebondir contre lui pour atterrir dans une statue posée un peu plus loin. Il ne bougea pas un muscle pour faire semblant de venir l’aider, se contentant de le toiser du regard alors que le Gryffondor réalisait sur qui il venait de tomber. Severus dut retenir un sourire triomphant en observant sa réaction. Peut-être qu’il restait finalement un élève à intimider au château.

Il arqua un sourcil moqueur à la suggestion qu’il allait rire de ce que Londubat avait à lui dire, mais son expression demeura sévère. Quoi qu’il tente pour essayer de s’en sortir, Neville devait bien savoir que le professeur de Potions ne le laisserait pas partir aussi facilement. Ou bien était-il encore plus stupide que ce que Severus avait pensé ? ”Pas. Si. Vite.” Il articula chaque mot avant de faire un pas en direction de Neville, le toisant désormais de toute sa hauteur. Son regard se dirigea vers l'éraflure sur le dos de sa main avant de revenir vers le visage de Neville. Il haussa un sourcil moqueur, un geste qui avait toujours eu le don d’agacer Potter et de terrifier Londubat. ”Vous allez me suivre dans mon bureau, mais avant ça vous allez soigner cette égratignure. Je voudrais éviter que vous laissiez des traces de sang sur mes affaires.” Le coin de ses lèvres se leva légèrement dans un sourire qui n’avait rien de gentil ou de réconfortant. ”Enfin, en supposant que vous êtes capable de réaliser un sort du curriculum des 5èmes années.”

Severus savait que Neville n’oserait surement jamais lui répondre avec autant d’insolence que ses anciens camarades de Gryffondor, mais il pouvait également voir que le sang et or ne le craignait plus autant qu’avant. Il se souvenait de Neville en première année, à cette époque il ne lui fallait rien de plus qu’un regard noir pour réduire le jeune élève aux larmes, mais aujourd’hui Neville avait grandi, et Severus regrettait la perte de sa cible la plus simple. Merlin savait qu’il en avait besoin en ce moment. Si même Londubat ne le craignait plus, qu’allait-il devenir ? Quel autre moyen avait-il de survivre dans ce château, si ce n’était la terreur ? Il n’en savait rien. Il lança un regard sévère en direction du Gryffondor avant de faire volte face et d’avancer dans le couloir. Il n’avait pas besoin de se retourner pour sentir que Londubat lui laissait prendre un peu d’avance, sans doute pour ne pas avoir à affronter son regard moqueur lorsqu’il n’arriverait pas à lancer son sort. Severus le sentit bouger après quelques secondes, mais il ne réagit pas en entendant que le Gryffondor avait finalement retrouvé son crapaud. Il espérait juste que sa bestiole n’allait pas l’approcher pendant la retenue, où Londubat allait avoir de très sérieux ennuis. Severus n’avait pas peur ou n’était pas particulièrement dégoûté par les crapauds, mais l’idée que l’animal de compagnie de Londubat l’approche était assez pour lui donner la chair de poule.

Severus n’avait peut-être pas réagi en entendant le crapaud, mais il ne put pas masquer son étonnement en entendant Londubat reprendre la parole. Il s’arrêta net, si bien que le jeune Gryffondor manqua de peu de lui rentrer dedans. Severus se retourna d’un mouvement sec, sa cape virevoltant dans son dos et fouettant l’air du couloir. Son regard se plongea dans celui de Londubat mais sans réussir à savoir si sa question était sincère ou s’il cherchait à lui faire perdre les pédales. Quel qu’ait été son but, il avait réussi à l’énerver. ”Et vous espérez peut-être que je vais vous donner une médaille ?” Même si Severus n’avait pas été là pendant cette partie de la bataille, on lui avait raconté la suite des évènements, mais malgré plusieurs témoignages il avait toujours du mal à croire que Londubat avait véritablement servi à quelque chose. Ça dépassait les limites de son imagination. ”Un vrai Gryffondor. Vous confondez la chance avec le talent, et l’inconscience avec le courage. Estimez-vous heureux que ce serpent ne vous ait pas avalé tout cru.” Severus l’avait déjà vu faire, et il n’aurait souhaité ce sort à personne. Peut-être même pas à Londubat. Il fit un pas en avant pour se rapprocher du Gryffondor, s’assurant de le toiser complètement d’un regard glacial. ”Ne vous avisez plus jamais de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas, ou bien vous regretterez que ce serpent vous ait laissé en vie.” Après quelques secondes, Severus fit volte face, laissant un sourire mesquin étendre ses lèvres. Quoi qu’il puisse se passer cette année, il y avait au moins une contrepartie au fait que Woodston avait tenu à le garder en tant que professeur. ”Et ça fera 50 points de moins pour Gryffondor.” Et sans ajouter un mot de plus, sans laisser le temps à Londubat de protester, il se mit en marche en direction des cachots.

Severus n’attendit pas la réaction de Neville pour partir en direction des cachots, mais il n’avait pas besoin de voir son visage pour sentir toute sa haine. Elle était palpable dans l’air, mais Londubat avait au moins eu la bonne idée de ne pas répondre au professeur. Quelque part, Severus avait presque espéré l’énerver assez pour le faire réagir, ça lui aurait donné l’occasion d’enlever plus de points à sa maison, mais Neville avait préféré se taire. Peu importait, Severus aurait d’autres occasions de se passer les nerfs, et il était satisfait de voir que son aura pouvait encore impressionner assez les élèves pour les réduire au silence. Il n’avait peut-être pas tout perdu pendant l’été et avec les révélations liées à la bataille de Poudlard. Il l’espérait en tout cas. Il mena Neville jusqu’aux cachots, presque amusé de sentir toute la rage que le sang et or tenta de glisser dans le mot “Professeur”. Comme la majorité des Gryffondors, la subtilité n’était pas son fort mais Severus décida de ne pas lui enlever de points pour son ton. Malgré l’impression que les étudiants avaient de lui, Severus savait qu’il y avait des limites qu’il ne pouvait pas dépasser avec les élèves. Eux même ne pourraient rien faire, mais il savait que les directeurs de maison ne se priveraient pas de venir lui casser les pieds s’il allait trop loin, Minerva la première. Et il préférait éviter d’avoir à affronter sa colère.

Il partit s’installer derrière son bureau, prenant volontairement son temps, avant de se tourner vers Neville. Il lui lança un sourire narquois avant de désigner la salle d’un geste de la main. ”Votre travail est sous vos yeux.” Severus avait prévu de nettoyer la salle de classe ce soir avant d’aller se poser avec un livre dans ses appartements, mais il préférait de loin regarder Londubat nettoyer pour lui. La moitié des élèves de son dernier cours n’avaient pas nettoyé leur chaudron avant de partir, ou plus probablement étaient si nuls qu’ils n’avaient pas réussi à le faire correctement. ”Vous nettoierez tous les postes de travail, chaudrons compris. Sans magie, cela va de soit.” Il se tourna vers un coin de la pièce où un balai, un chiffon, un seau et un évier se trouvaient. Tout ce dont Londubat avait besoin. Lorsqu’il attrapa de nouveau le regard du Gryffondor, Severus avait un petit sourire au coin des lèvres, mais son regard ne laissait paraître aucun humour, aucune chaleur. ”Vous pourrez partir lorsque vous aurez terminé, ou lorsque j’estimerai que vous en avez assez fait.” Neville n’était donc pas prêt de retrouver le confort de sa salle commune.

Severus avait presque espéré que Londubat réponde, qu’il essaie de le faire changer d’avis, mais le Gryffondor resta silencieux, malgré la haine qu’il avait du mal à contenir. Il se mit au travail sans commentaire et Severus en profita pour attraper les copies des élèves d’un de ses cours de l’après-midi. Des troisième année avec un niveau affligeant, non pas que Severus ait espéré des miracles. Il attrapa la première copie et commença à laisser ses notes sur le parchemin, ses commentaires allant de “pitoyable” à “à la limite du tolérable”. Pris dans ses copies, il ne prêta pas trop d’attention à Neville, supposant que le Gryffondor se contenterait de lui obéir en essayant d’attirer le moins possible son attention. Pourtant, Severus leva la tête en entendant Londubat se mettre à geindre après à peine un quart d’heure. Le professeur de potions retint à peine un rictus amusé en voyant la main du sang et or prendre une couleur violette inquiétante et doubler de volume. Encore une potion lamentable, mais il n’y avait bien qu’un élève tout aussi minable dans l’art des potions pour nettoyer un chaudron dont on ignorait le contenu sans se protéger. Du Londubat dans le texte.

Le Serpentard était sur le point de se moquer de sa naïveté quand Neville reprit la parole. Les yeux de Severus se plissèrent dangereusement, et il reposa sa plume sur son bureau. Ses gestes étaient calmes, mais Severus bouillonnait à l’intérieur. Comment osait-il ? Il leva la main et verrouilla la porte de la salle d’un sortilège informulé. ”Vous allez rester ici, Londubat.” Le professeur se leva avant de marcher d’un air calme pour faire le tour de son bureau. Le silence dans la pièce était assourdissant, et Severus se prit à penser à l’effet que son discours aurait eu sur Londubat en première année. De toute évidence, le Gryffondor avait changé. Il se pensait tout permis, mais Severus se ferait un plaisir de lui rappeler que ce n’était pas le cas. ”Le fait de connaître Potter et ses amis ne vous donne pas tous les droits dans cette école. Et encore moins dans cette salle de classe.” Sa voix était à peine plus haute qu’un murmure, et pourtant on sentait encore plus le danger que s’il avait commencé à hurler. C’était justement quand il paraissait calme et maîtrisé qu’il était le plus odieux. ”Vos exploits dans mon cours auraient dû vous apprendre à vous méfier des potions obtenues par les cornichons de cette école. Et si vous aviez écouté mes cours, vous auriez su comment préparer un antidote, mais de toute évidence, c’est trop vous demander.”

Severus fit le tour de son bureau, s’approchant lentement de Neville. Il espérait pouvoir lui inspirer la même peur que pendant ses premières années au château, mais il savait que ce n’était plus possible. La guerre lui avait enlevé toute autorité, particulièrement auprès de Potter et de ses groupies. La seule chose qui avait rendu le château supportable à l’époque lui avait été enlevée, et Severus commençait vraiment à se demander s’il n’était pas préférable d’être sans le sou mais loin d’ici. ”Allez voir Mme Pomfresh puisque vous êtes incapable de vous occuper de vous-même.” Le professeur déverrouilla la porte d’un geste du poignet avant de faire volte face en direction de son bureau. ”Votre insolence vous coutera une retenue tous les soirs pendant les deux prochaines semaines. Et, bien entendu, 200 points en moins pour votre maison. Maintenant, hors de ma vue.”