I wish I knew what's going on here [FE]

Bella ne savait plus où elle en était, elle ne savait plus quoi penser de toute cette histoire. Sa théorie de la panique pouvait tenir debout après tout, mais un je-ne-sais-quoi lui disait que ce n’était pas la seule explication. Et surtout, pas la bonne. Cette histoire allait la rendre dingue, elle se mettait à réfléchir, et ce n’était jamais bon pour elle. Elle y allait toujours à l’instinct, elle agissait selon ce que ses tripes lui disaient, mais aujourd’hui elle refusait de les écouter. Alors, elle devait bien essayer d’expliquer l’incident d’une autre manière. Peut-être qu’elle avait atteint le nombre maximum de meurtre possible pour une personne. Non, c’était ridicule. Elle se ferait même un plaisir de tuer un parfait inconnu pour réfuter cette hypothèse.

A la seule pensée de «tuer», elle sentit son visage s’étirer en un long sourire. Mais qu’est-ce qui clochait chez elle alors ? Si elle n’avait rien perdu de son sadisme légendaire, qu’est-ce qui l’avait empêché d’achever son cousin ? Un mystère, mais elle le résoudrait sans doute bien plus tôt qu’elle ne le croyait. Alors qu’elle marchait toujours tranquillement dans une ruelle, elle entendit un léger bruit dans son dos. Sentant les poils se dresser sur sa nuque, elle tenta de se retourner, mais trop tard. Un PMNI ( Personnage Marchant Non Identifié ) était arrivé derrière et l’a retenait désormais, une main l’empêchant de bouger, l’autre tenant sa baguette contre sa gorge.

En sentant son impuissance face à son agresseur, Bella ne put pas s’empêcher de serrer les dents, jusqu’à se faire mal à la mâchoire. Elle se sentait si bête de s’être fait avoir aussi facilement, tout ça parce qu’elle réfléchissait… On ne l’y prendrait plus tiens ! Elle n’appréciait vraiment pas le contact du bois sur sa gorge, mais la voix qui retentit dans la ruelle était bien plus atroce encore :

«Je te conseille de ne pas brailler d'insultes. Tu n'aimerais pas qu'on nous voit tous les deux, pas vrai ?»

Sirius. Exactement la personne qu’elle avait le moins envie de croiser aujourd’hui. Et à en juger par son ton, il venait prendre sa revanche. Qui pourrait le blâmer ? Si l’inverse s’était produit, l’animagus serait déjà mort et enterré ( quoi que vu l’efficacité des meurtres de Bella en ce moment, on pouvait se poser la question ). Ce qui l’ennuyait le plus dans l’histoire ce n’était pas la peur que son cousin ne la tue, lui. Non, c’était d’être à sa merci, d’autant plus qu’elle lui avait donné une très bonne opportunité de se moquer d’elle la dernière fois. Si Sirius était conscient qu’elle l’avait volontairement laissé en vie, il pouvait lui faire bien plus de mal en le lui rappelant qu’il ne pourrait lui en faire à coup de baguette.

Puis, la réflexion qu’il avait fait commença à véritablement terrifier la mangemorte. Pourquoi devrait-elle avoir peur qu’on les voit ensemble ? Ils ne faisaient que se battre à mort, il n’y avait rien de honteux à ça n’est-ce pas ? Alors pourquoi sa phrase l’avait-elle tant déstabilisée ? Peut-être était-ce le souffle de sa voix qui l’avait fait frémir. Peut-être tout simplement le ton menaçant qu'il avait employé. Mais depuis quand ses menaces l’effrayaient-elle ? Elle n’en savait rien, mais elle n’aimait pas cela. Du tout. Elle ferma les yeux un instant pour reprendre ses esprits, se calmer légèrement, et se préparer à riposter. Dans un ricanement qui sonnait parfaitement faux cette fois, elle rétorqua :

«Pourquoi ? Ton petit-ami serait jaloux ?»

Avec encore plus de rage que d’habitude, elle donna un grand coup de coude juste dans l’estomac de son cousin. Sentant son bras la lâcher légèrement sous le coup de la douleur, elle en profita pour le repousser un peu plus loin d’elle. Elle sortit sa baguette instinctivement, et se tourna à nouveau vers son cousin, reprenant son souffle. Pourquoi avait-elle prit le temps de le laisser se remettre ? En temps normal, n’aurait-elle pas tenté de l’achever tout de suite ? Mettant ça sur le compte du stress, elle préféra ne pas y repenser plus avant. Elle garda sa baguette tendue directement pointée vers le torse de l’animagus, prête à riposter, et pourtant… les mots qu’elle avait tant l’habitude de dire semblèrent mourir au fond de sa gorge. Les seuls mots qui finirent par briser le silence sonnèrent tellement faux que Bella ne s’étonna pas de la nullité de son sort :

«Expelliarmus !»

Par Merlin ! Si elle commençait à attaquer les gens avec des sorts de collégien, c’est que quelque chose clochait vraiment chez elle. Sans bien comprendre pourquoi, elle n’avait tout simplement pas pu lancer un doloris, comme si face à son cousin, elle doutait de tous ses gestes, remettait en cause jusqu’à ses habitudes. En un mot, c’était terrifiant pour elle. Le doute qu’il avait insinué en elle la faisait trembler au point qu’elle n’arrivait plus à combattre. Et s’il lui enlevait jusqu’au plaisir de torturer son adversaire, quelle raison avait-elle de se défendre avec ses tripes ?

- Si je devais me faire du soucis, ce serait plutôt pour le tien. Qu'en penserait Voldychou ?

La réflexion cinglante de son cher cousin mit Bellatrix dans une rage folle, et folle, c'était le cas de le dire. Si Bella était effrayante en temps normal, elle était véritablement terrifiante en colère. Et bien plus dangereuse encore. Le seul nom du Mage Noir de la bouche de son cousin était atroce, non seulement parce qu'il la provoquait en insultant le Lord, mais aussi parce qu'il faisait remonter à la surface la trahison de la dernière fois. Pourquoi l'avait-elle laissé en vie, pourquoi avait-elle été si lâche ? Elle avait l'impression d'avoir fait passer sa... Rien que le mot l'écœurait... Sa parenté avec Sirius avant sa mission, avant Lord Voldemort. Et elle ne pouvait pas l'accepter. Enervée contre son cousin, contre le monde entier, et contre elle-même surtout, elle se libera rageusement de l'étreinte de Sirius.

Elle recula, essayant de retrouver un rythme cardiaque normal. En vain. Son cœur s'affolait, bondissait dans sa poitrine, lui faisant presque mal. L'adrénaline du combat sans doute. Surtout que Bellatrix n'était plus toute jeune. Et pourtant, elle avait l'impression que l'agitation de son cœur était inhabituelle. Elle ne ressentait pas l'envie de se battre, la hargne qui la caractérisait en temps normal. Non. Elle avait peur. Aussi bien d'échouer que de réussir à vrai dire. Elle avait peur de comprendre certaines choses, elle avait peur de ne pas pouvoir tuer son cousin et elle avait peur de le faire malgré tout... Quelle option prendre dans ce cas ? Elle imaginait déjà le Seigneur des Ténèbres la tuer pour l'exemple, et se servir de son cadavre comme tapis.

Elle savait bien que sa seule option était de tuer son cousin, ou alors de très bien dissimiler son échec. Mais elle n'était pas assez bonne legilimens pour cacher un secret comme celui ci au Mage Noir. Elle aurait donc du savoir quoi faire, tuer Sirius pour sauver sa peau, sa réputation, son honneur... Pour retrouver aussi le plaisir de voir son ennemi à terre, et pour savourer la victoire de sa plus longue bataille. Et pourtant, son sort avait été ridicule, un simple Expelliarmus dont la puissance n'aurait pas même apeuré une petite fille le soir d'Halloween. Bella regarda son sort partir, certaine d'avoir lancé un coup dans le vide. Elle sursauta presque en sentant le bois d'une deuxième baguette atterrir au creux de sa main. Elle avait réussit. Sirius était désarmé. À sa merci, encore une fois. Bella s'étonna de voir que son cousin s'était fait avoir aussi facilement, elle l'avait connu plus résistant, il fallait croire que sa magie n'était pas la seule à être diminuée. Surement une mauvaise grippe qui attaquait Londres

Elle le contempla lentement, debout, désarmé, touchant... Touchant ? Non elle ne venait pas de penser cela, elle le trouvait plutôt... Pitoyable. Oui pitoyable était négatif comme appellation, elle préférait déjà cela. Il ressemblait plus que jamais à un clébard abandonné dans une ville sans pitié, et ça c'était vraiment... Pathétique ? Exactement. Elle se força à regarder ailleurs comme pour rassembler toutes les forces qu’il lui restait. Voilà ce qu’elle avait attendu, sa seconde chance, son seul moyen de retrouver ce qui la faisait : son sadisme. Elle essaya de revoir le « visage » de Lord Voldemort dans sa tête, d’imaginer sa déception, sa colère si elle échouait… Rien que d’y penser elle se sentit frissonner. Elle n’avait plus le droit à l’erreur et elle le savait. Les sortilèges qu’elle connaissait le mieux lui revenaient en mémoire, elle pouvait encore sentir la puissance qu’ils dégageaient, mais elle ne parvenait pas à les articuler. Alors que l’Avada Kedavra venait à nouveau mourir au fond de sa gorge, la voix de son cousin résonna dans la ruelle :

- Tu ne l'as pas fait la dernière fois, Bellatrix. Tu ne le feras pas plus maintenant.

Bella se sentit trembler à nouveau, de rage cette fois. Elle serra la mâchoire jusqu’à s’en faire mal pour éviter de se jeter sur lui et de le plaquer au sol… pour le battre à mort bien sur. Mais non, une attaque à la moldu était trop risquée face à Sirius. Mine de rien il devait être musclé le bougre, certainement plus qu’elle.

- Explique-moi simplement pourquoi...

Cette fois c’en était trop. Bella ne pouvait pas supporter de voir que Sirius allait prendre l’avantage psychologique sur elle alors qu’elle avait leurs deux baguettes en main. Ses réflexions l’agaçaient au plus haut point, d’un parce qu’elle ne supportait pas qu’on se moque d’elle, tout particulièrement lorsque c’était son cousin, mais aussi parce qu’au fond elle savait qu’il avait raison. Elle avait essayé, elle s’était forcée, mais rien n’y faisait, l’Avada Kedavra refusait de sortir. Elle avait attendu ce moment toute sa vie et désormais, elle n’était plus sure d’en avoir envie. L’idée de mettre un point final à leur… histoire l’effrayait. Elle ne se sentait plus le courage d’en finir.

Elle était fatiguée de toute cette histoire, et énervée de voir que son cousin avait raison. Elle n’arriverait pas à le tuer, en tout cas pas à coups de baguette. Mais après ce qu’il venait de lui dire elle se demandait si essayer de le tabasser à mort n’était pas une si mauvaise idée que cela. Elle avait besoin de faire mal à quelqu’un, et de préférence à Sirius pour le coup. Elle se sentait gagnée par un sentiment de rage qui, en d’autres circonstances, aurait pu mener à un véritable massacre. Mais elle se sentait pour l’instant incapable de tenter un nouveau sortilège de mort, il fallait simplement qu’elle se défoule. Se mordant la lèvre de l’intérieur, elle releva les yeux vers son cousin, l’air encore plus dingue qu’à l’accoutumée.

Elle s’avança d’un pas résolu en direction de Sirius, jetant au passage la baguette de ce dernier au fond de la ruelle. Elle n’en avait plus besoin, et elle était incapable de se rendre compte qu’elle donnait une chance en or à l’animagus de la tuer. A chaque pas qu’elle faisait en direction de son cousin, elle sentait sa colère augmenter, s’accordant ainsi parfaitement avec son rythme cardiaque. Alors qu’il ne restait plus que quelques mètres pour les séparer, elle rangea sa propre baguette dans sa robe, ne quittant désormais plus son cousin des yeux. Elle arriva enfin à sa hauteur et posa violemment ses deux mains sur sa poitrine pour le pousser contre le mur dans son dos. S’improvisant le sourire le plus naturel dont elle était encore capable, elle répondit :

«Je ne voulais pas te priver du spectacle. Tuer un homme inconscient ce n’est pas drôle.»

Elle le plaqua cette fois complètement contre le mur, posant une main sur son épaule, l’autre fendant le vent pour finir sa course magnifique sur la joue de son cousin. Hé bien voilà qui défoulait au moins. Elle ne savait pas pourquoi, mais maintenant qu’elle avait pu extérioriser un peu de sa colère, elle avait le vague sentiment qu’elle allait regretter son imprudence passée Si Sirius venait à la tuer désormais, elle aurait au moins le soulagement de lui avoir fait mal, une bonne fois pour toutes.

Bella ne s’était jamais sentie aussi faible, aussi impuissante qu’en cet instant où la force de caractère lui était justement indispensable. En d’autres circonstances, elle aurait sans doute mis cela sur le compte d’un bon rhume. Mais elle sentait trop bien que sa faiblesse était plus morale que physique pour pouvoir se mentir. Elle ne connaissait normalement ce sentiment que lorsqu’elle était privée de sa baguette, mais aujourd’hui, elle pouvait sentir la différence, elle se sentait mise à nue, comme si elle se voyait, se comprenait pour la première fois depuis des années. Celui qui avait dit que les blessures de l’âme étaient bien plus terribles que les maux physiques avait raison car en cet instant elle aurait volontiers échangé sa place contre celle d’un prisonnier quelconque à la merci du Seigneur des Ténèbres.

Elle avait frappé Sirius, aussi fort qu’elle s’en était sentie capable, déversant ainsi sur autrui toute la rage qu’elle éprouvait contre elle-même. Mais une fois la colère apaisée, il ne restait plus grand-chose pour la soutenir. Elle se retrouvait face à son cousin, son ennemi de toujours, terrifiée par ce qu’elle venait de faire, dégoutée de sa lâcheté et atrocement agitée par le simple contact de sa main contre son torse. C’était lui qui était coincé contre le mur de la ruelle, mais c’était bien elle qui se sentait prisonnière. Piégée entre la honte de désobéir à son maître, et la peur de ne pas en être capable. Elle imagina un instant la scène vue de l’extérieur et trembla à l’idée qu’un mangemort puisse les croiser à cet instant. Sans bien savoir si c’était par peur de se faire tuer elle-même ou de voir Sirius mourir sous ses yeux, elle était soulagée que son cousin l’ai attaquée dans un endroit désert. Elle devait être la pire mangemort que la terre ai jamais portée…

Bellatrix se sentait vide, comme épuisée. La baffe qu’elle venait de coller à son cousin lui avait laissé une marque rouge sur la joue, mais même l’assurance de lui avoir fait mal n’arrivait pas à la réconforter. Si quelqu’un lui avait dit un jour qu’elle se battrait à coup de poings avec Sirius, elle lui aurait surement rit au nez, ou l’aurait tué. Mais justement, elle n’avait plus l’impression d’être cette personne. Elle avait été Bellatrix Lestrange toute sa vie, sans jamais douté de ce qu’elle était, de ce qu’elle voulait, mais à cet instant, elle avait l’impression d’avoir atterrit dans le corps de quelqu’un d’autre. Etait-ce bien elle qui venait de le gifler ? Elle n’en était pas sure, et pour une fois le regard ahuri de son cousin correspondait si bien à ses sentiments qu’elle en vint à se demander pourquoi elle l’avait giflé.

Maintenant, le pire était à venir : la riposte. Elle savait qu’elle aurait du se défendre, sortir sa baguette, essayer au moins d’agir comme une véritable mangemort aurait du le faire. Mais elle s’en sentait parfaitement incapable, paralysée par un sentiment plus effrayant encore que la peur elle-même. Il lui semblait que le simple geste de tendre le bras pour prendre sa baguette lui couterait un effort surhumain, elle restait donc plantée face à son ennemi, incapable de se défendre. Le temps semblait même s’être arrêté dans la ruelle, ni l’un ni l’autre ne paraissait vouloir bouger, comme si son geste avait dépassé une limite invisible qu’ils s’étaient tracés. Mais lorsqu’enfin Sirius daigna esquisser un mouvement, ce ne fut pas, comme Bella l’attendait, pour la frapper à son tour. Elle lui en voulut presque de ne pas se battre à son tour, d’abandonner en quelque sorte. Elle s’imaginait déjà le supplier de la gifler à son tour, comme si le fait d’être quittes allait la remettre sur pied, rétablir l’équilibre en quelque sorte. Mais la difficulté qu’il semblait éprouver à se remettre simplement debout la stoppa net. Elle l’avait touché, c’était clair, mais pourquoi se sentait-elle aussi blessée que si c’était lui qui l’avait frappée ? La chose qui lui servait de cœur avait une réponse toute prête à cette question, mais sa raison n’était pas prête à l’accepter. Il tituba, agrippé au mur comme si c’était la seule chose qui l’empêchait de s’écrouler, et il lui tourna le dos. Impuissante, pétrifiée elle le laissa s’éloigner.

Sentant les larmes lui monter aux yeux, elle eut l’impression de sentir ses tripes exploser à chaque pas que faisait son cousin. Il n’allait quand même pas partir ! Pas maintenant. Elle n’en avait pas fini, elle devait… elle devait faire quelque chose. Quoi, elle n’en savait rien encore, mais la simple idée de le voir s’enfuir alors qu’il venait de bouleverser sa vie la mettait hors d’elle. Elle avait à la fois envie de lui faire mal et de… de… non ! Elle aurait voulu se jeter sur lui, le supplier de la frapper à son tour si ça devait l’aider, heureusement, le peu de dignité qui lui restait l’empêcha de s’abaisser à ce point. Pourtant incapable de supporter ce silence plus longtemps, elle se précipita vers Sirius et l’attrapa par le bras :

« De quoi tu as peur hein ? »

Forçant son cousin à la regarder directement dans les yeux, elle avait essayé de donner à sa voix plus d’assurance qu’elle n’en éprouvait. Vu de l’extérieur, la scène devait être à la limite du comique. Elle-même tremblante de peur, les larmes aux yeux, elle accusait Sirius d’avoir peur, de se défiler. Sortant sa baguette elle s’approcha encore plus de lui, ne laissant entre eux que l’espace nécessaire pour y glisser le morceau de bois. Seulement, cette fois sa baguette était pointée directement… vers elle. Dans un souffle, elle trouva la force d’ajouter :

« Tue moi si c’est ça que tu veux. Mais je ne te laisserai pas partir comme ça… »

Elle ne savait pas bien si elle comptait plus sur la lâcheté de son cousin que sur sa pitié, mais elle espérait qu’il ne prendrait pas son offre au sérieux. Elle n’avait plus peur de la mort, car elle savait que si Sirius était prêt à la tuer, ici et maintenant, elle serait soulagée de pouvoir mourir. Elle préférait en finir ici et maintenant que de vivre une journée de plus rongée par la culpabilité et l’incertitude la plus totale.

C'était à terre, dans les mains désespérément liées à celles de Bellatrix qu'était enfouie la fierté qui animait autrefois Sirius Black. Tremblant et à genoux, la tête baissée, le sorcier avait perdu toute trace de sa forte personnalité. Le courage qui l'animait d'ordinaire d'un feu guerrier avait disparu pour laisser place à la crainte. Oui, Sirius n'avait même pas le cran de relever la tête pour affronter le regard de sa cousine. Avait-il déjà subi pire humiliation de toute sa vie ? Azkaban lui semblait en l'instant un paradis perdu. Se mettre à pleurer devant Bellatrix... l'animagus se serait volontiers jeté du haut d'un pont en temps normal face à une scène aussi repoussante qu'absurde. En temps normal. Mais voilà, les temps avaient changés. Ou peut-être était-ce simplement lui. Quoiqu'il en soit, la situation à laquelle il faisait face aujourd'hui était d'une étrangeté affreusement familière. Un peu comme s'il s'était inconsciemment préparé toute sa vie à ce moment. En un sens, c'était vrai. Il avait longtemps caressé le rêve d'affronter une ultime fois sa cousine pour la terrasser. Du moins, ce qu'il avait toujours cru être vrai. Sa haine ! Sa haine envers elle, celle qu'il entretenait depuis toujours et qui lui échappait aujourd'hui... n'était-elle pas le fruit d'un mensonge que sa conscience entretenait pour fuir la vérité ? L'imprononçable, l'affreuse vérité, de celle qui vous blesse l'estime et le regard ? Censure saine de l'être qui l'avait jusque-là toujours sauvé de la folie. Fou... fou... oui, elle le rendait dingue.

Et tandis qu'elle le secouait comme une vieille guenille et qu'il n'opposait aucune résistance, à force d'être agité, Sirius sentit une chose en lui se briser. Lorsqu'une larme de Bellatrix s'envola de ses yeux pour s'écraser sur la tête de cousin, le Maraudeur trouva enfin la bravoure de relever les yeux pour les planter dans ceux de l'autre folle.

"Je n'ai pas gagné pour autant..."

Une phrase que Bellatrix n'avait pas eu la force de garder pour elle. Une lueur d'espoir à laquelle se raccrocher. Un moyen de reprendre le dessus. La fraction de seconde où Bella lâcha les mains de Sirius, ce dernier cru se sentir sombrer. Pour respirer à nouveau la bouffée d'air du rescapé quand elle se saisit sans la moindre délicatesse de ses cheveux et qu'elle tira vers le haut pour le forcer à se redresser. Haletant, le visage misérable de Sirius faisait désormais face à la douloureuse figure de sa cousine. Pourquoi ne se réjouissait-il pas de la voir souffrant de la sorte ? La détresse qu'il pouvait lire dans l'iris de la Mangemorte s'ajoutait à la sienne, au lieu de la chasser.

« C'est ta faute ! »

D'un coup, les dernières forces du sorcier soufflées par sa raison vacillante furent aspirées par les lèvres de Bellatrix. Douce Détraqueur, créature maléfique enfantée des ténèbres qui scellait en ce jour sa bouche à la sienne, comme une promesse interdite. Et à cette folle sensation née du tabou de faire frissonner Sirius de plaisir. Elle avait eu le cran de faire ce que lui avait tenté de fuir. Sans comprendre pourquoi il le faisait, le sorcier se surpris à lui rendre son baiser avec plus de fougue encore qu'elle n'en avait mise.
Son regard se perdit dans l'océan déchaîné que formaient les pupilles enflammées par la colère de sa cousine. Il aurait aisément pu s'y laisser noyer si Bella n'avait pas rapidement retrouvé de sa superbe.

"Tu me donnes envie de gerber, Black."

Ses larmes. Il en était la cause sans savoir pourquoi, mais la voir pleurer en étant le responsable le blessait. Il était d'autant plus frustrant de se sentir fragile que la situation tenait de l'absurde. Elle le détestait. C'était évident. Mais elle l'avait embrassé. Était-ce pour jouer ? Si c'était le cas, elle venait de trouver le moyen le plus rapide de le détruire. Bellatrix avait révélé, aussi incroyable que cela puisse paraître, sa dernière part d'humanité. Jusque-là, Sirius avait toujours été hermétique à la branche Mangemorte des Black (soit la majorité). Mais... étonnamment, l'humanité dont Bellatrix pouvait être capable l'avait... bouleversé. Jusque dans ses codes, jusque dans ses idées. Et si, comme lui, ne portait-elle qu'un masque, celui de la fierté ? Au fond, ça ne ferait pas d'eux des êtres si différents. Bon. Arrête ton délire romantique, Sirius.

- C'est pas ce que tu semblais dire, deux secondes plus tôt...

Il s'était rapproché, menaçant de recommencer par son pas lent et assuré le geste qui avait valu des larmes à sa cousine ; tandis qu'elle attirait d'un mouvement de la main leurs baguettes. Le Maraudeur attrapa la sienne maladroitement, troublé par l'attitude de Bellatrix qui pointait son arme contre elle-même.

"Va-t-en." murmura-t-elle dans un souffle qui alarma Sirius.

Chamboulé par les évènements produits auparavant, l'héritier des Black retrouva bien vite une partie de ses esprits. Il sentit une colère sourde l'envahir. Ses oreilles bourdonnaient, le sang battait dans les veines bleues de ses tempes ; et, maintenant, il se prit d'une rage passionnée.

- Non. Sa voix tremblait sous la colère et il s'approcha encore. Il n'était plus qu'à un pas de sa cousine, et quand il fut assez près, il désarma Bellatrix d'un revers de la main avant de s'emparer de sa baguette.
TU N'AS PAS LE DROIT ! se mit-il alors à hurler. Non, elle n'avait pas le droit. C'était déloyal. Complètement déloyal.
Tu n'as pas le droit de décider d'enlever, dans un moment de faiblesse, un des sens à ma vie ! Non. NON. Si elle devait mourir, ce serait lui qui la tuerait. Mais en attendant, puisqu'il en était incapable...

D'un bond fantastique, il sauta à la gorge de sa cousine, enserrant son cou de ses mains alors qu'ils chutaient sur le sol. Et tandis qu'elle se débattait et qu'elle était au bord de l'agonie, il relâcha son emprise pour déposer mille baisers brûlants sur les marques rouges de son cou.
Elle voulait mourir ? Bien. La mort est plus forte que l'amour. C'est un défi à l'existence.