I'll be there for youuuuu [Adam & Ethel]

Quand quelqu'un dit “tu peux passer quand tu veux”, ça veut bien dire ce que ça veut dire, non ? Pourtant, Ethelbert hésitait. Il crevait d’envie d’aller squatter le canapé d’Adam mais… Il avait en même temps peur de finir par l’importuner à venir si souvent passer la nuit chez lui. Il avait peur que le médicomage finisse par lui dire “quand je dis "quand tu veux", ça implique quand même que tu abuses pas”... La peur de finir par être indésirable lui sciait un peu le ventre. Mais la solitude lui pesait trop. Il n’avait pas envie de sortir pour voir du monde. Il n’avait pas envie de rencontrer un gars pour un soir. Il avait juste envie de se poser avec un ami. De refaire le monde. Ou juste regarder un épisode de Friends. Ou d’Urgences. Ou de n’importe quelle série moldue. Il avait juste besoin de se sentir un peu apprécié. Adam lui faisait ressentir ça. Et c’était si plaisant.

Parce que ça n’allait pas forcément trop fort en ce moment. Il y avait bien le travail pour l’aider mais… Dès qu’il quittait le service, sa solitude lui revenait dans la gueule façon boomerang. Il s’était surpris deux jours plus tôt à faire le trajet jusque chez ses parents. Il était resté au coin de la rue. Il les avait vu. Ils avaient l’air en bonne santé. Il aurait voulu les serrer dans ses bras. Il avait fini par partir quand un voisin l’avait regardé d’un sale œil. Il se faisait plus de mal que de bien à faire cela. C’était certain mais… Ils lui manquaient tellement.

Alors… Même s’il avait déjà passé un jour chez Adam la semaine passée, il s’était décidé à retourner le voir. En espérant vraiment ne pas le déranger mais… Il avait besoin de sa présence rassurante. Il avait fait un détour pour prévoir un lourd ravitaillement. Parce que s’il venait, ce n’était jamais les mains vides. C’était bien normal selon Ethel. Il avait donc pris de quoi les régaler, des burgers, mais aussi des chips, des glaces, des sodas, et des bonbons. L’équilibre alimentaire, c’était pas trop ça mais, hey, ils mangeraient des brocolis demain ! Et de la salade pour compenser ! Ce soir, c’était soirée gras et sucre réconfortants ! Il toqua donc à la porte de chez lui les bras bien chargés.

“Coucou ! C’est le ravitaillement surprise ! J’ai acheté un peu trop alors j’me suis dit que ce serait chouette de partager tout ça avec toi pendant une soirée télé !” lança-t-il avec un sourire éclatant à Adam qui ouvrait.

C’était plus joliment présenté que “je suis en pleine déprime, s’il te plaît, me laisse pas tout seul”. Ethelbert avait toujours un certain talent pour enjoliver la réalité… ça se prouvait une fois de plus ! Il déposa ses sacs dans la cuisine, mettant au frais ce qui se devait d’y rester, un peu comme chez lui, connaissant très bien la maison.

“ça a été ta journée ? Pas trop fatigué ?” demanda-t-il attentionné, et vraiment concerné. “J’ai pris ta glace préférée !”

Nouveau sourire. Au moins, il essayait de rendre sa présence assez agréable pour Adam. Peut-être qu’Adam sentait que c’était une mascarade ? Il n’en savait trop rien. Il espérait que personne ne se rende vraiment compte de son état réel… Mais bon, Adam n’était pas idiot....

i'll be there for youuuu -  @Ethelbert Watson

S'il y avait une chose qu'il fallait savoir au sujet d'Adam, c'était qu'il avait toujours eu le cœur sur la main. Toujours prêt à aider les autres, à donner de sa personne, à faire le truc en plus. C'est-à-dire qu'il avait appris à ses dépens que les signes de détresse chez les autres étaient à prendre au sérieux, même lorsqu'ils essayaient de les cacher. Et s'il y avait une personne de son entourage qui faisait cela dernièrement, c'était Ethelbert. Le jeune infirmier et lui s'étaient beaucoup liés après son retour en Angleterre, ayant beaucoup de choses en commun malgré leur différence d'âge, et Adam n'étant pas difficile à apprivoiser de toute manière. De fil en aiguille, Ethelbert en était venu à devenir un invité régulier chez Adam qui lui ouvrait bien volontiers sa porte. Les après-midi à rattraper les séries qu'ils regardaient mais dont ils avaient raté les épisodes s'étaient faits de plus en plus régulier, puis les moments passés chez Adam à parler de tout et de rien. Entre poufsouffles, on se sert les coudes.

Et s'il devait être honnête avec lui-même, se disait Adam en mettant une bouilloire à chauffer, il avait bien besoin de ces distractions aussi. Évidemment, la rupture avec Coraline n'était pas du même niveau de tragédie que son collègue qui dormait au Chaudron après avoir coupé les ponts avec sa famille, probablement parce qu'il était né-moldu et que dans leur situation, c'était parfois la seule façon de les protéger. Il savait qu'il avait été épargné, il ne savait pas trop par quel miracle mais il en était reconnaissant. Dans tous les cas, il rappelait régulièrement à Ethelbert que sa porte lui était toujours ouverte, et au vu des mouvements des planètes de la dernière fois, il était quasiment certain que le jeune poufsouffle allait le prendre au mot et venir à l'improviste aujourd'hui. C'était d'ailleurs pour cela qu'il n'avait pas sorti un, mais deux tasses sur le plan de travail. "N'y pense même pas," fit-il en regardant Charamel, le chaton roux qu'il avait récemment recueilli et qui avait l'air de vouloir tester la théorie de la gravité.

La sonnette de l'appartement se fit entendre et Adam alla ouvrir la porte, pas vraiment surpris de voir le jeune Watson (mais un peu quand même, il ne s'était pas attendu à prévoir avec autant d'exactitude qu'il allait passer dans ces eaux-là, étonnant non ?). La quantité de nourriture qu'il avait ramenée avec lui en revanche, ça il ne s'y attendait pas. "Wow, tu as vraiment pris de quoi nous nourrir sur une semaine ! Entre, entre, installe-toi," fit Adam en s'écartant pour le laisser passer. La quantité de choses qu'il avait ramené laissait présager qu'Ethelbert avait le moral plutôt bas, malgré l'enthousiasme qu'il affichait. Adam le dévisagea l'air de rien. "Ca va ça va, heureusement c'était un jour de repos, alors j'en ai profité pour ne rien faire avec les trois là," fit-il en montrant Chapo, Chapitre et Charamel, ses trois chats, qui n'avaient absolument pas bougés de leurs places respectives : un sur le plan de travail, les deux plus vieux sur le canapé. Adam prit le sac d'Ethelbert directement de ses mains pour le décharger. "Ohhh, c'est trop gentil, merci !! Et toi, comment ça va ?" demanda-t-il en mettant au frigo ce qui avait besoin d'être mis au frais, préparant des bols avec les sachet de bonbons et de chips qu'Ethelbert avait ramené. "Tu tombes bien, je t'attendais pour regarder le dernier épisode de Friends, je l'ai enregistré en me disant que t'allais passer pour le voir." Adam adressa un sourire complice au jeune homme depuis la cuisine, sortant sa baguette pour faire léviter leurs victuailles jusqu'à la table basse devant la télé, puis la rangeant de nouveau le temps de verser du thé dans les deux tasses qu'il avait sorties. Il vint en déposer une devant Ethel au cas ou il en voudrait, puis alla s'installer dans un de ses fauteuils avec un soupir de contentement. "Wow, je me fais vieux," réalisa-t-il. Il avait la vision très claire de son propre père qui s'installait comme ça dans son fauteuil le dimanche soir lorsqu'il était petit, et il chassa cette image en secouant la tête et reportant son attention sur ce qu'Ethelbert.

Rien que voir Adam, c’était un baume apaisant sur son coeur en lambeaux. C’était fou quand même d’être devenu autant un pilier dans sa vie. Finalement en assez peu de temps. Ou alors c’était qu’Ethel s’accrochait désespérément à toutes les personnes qui lui offrait un bout de tendresse et de stabilité émotionnelle ? Peut-être bien oui. Il était en train de devenir beaucoup trop dépendant de ses quelques amis proches. Dépendance affective quand tu nous tiens !

“Une semaine ? Nooon ! Tu oublies que je mange pour trois ! Surtout que j’ai loupé mon repas de midi alors je compte bien me rattraper ce soir !” claironna-t-il en rigolant.

Mais après tout, s’il fallait rester quelques jours pour tout finir, ça le dérangeait pas… Pour ne rien gâcher bien sûr. N’allez pas croire que c’était prémédité. Voyons. Bon ok, peut-être un peu mais de façon quasi inconsciente ! Donc on n’allait pas lui en tenir rigueur… Et puis, ça faisait faire des économies à Adam sur son budget nourriture aussi ! C’était positif !

“Oh je vois ! J’aurai bien aimé avoir ce programme là ! Je te jure, je savais plus où donner de la tête aujourd’hui ! On a eu une famille qui s’est empoisonné à cause du mauvais étiquetage d’une potion… Un vrai sketch ! Heureusement que ça s’est bien fini et que c’était pas trop grave ! Mais comme c’était une famille nombreuse… Tu vois le bazar ! Surtout avec des enfants hauts comme trois pommes qui flippent ! Mais ça va ! Je suis un peu fatigué, mais ça va !”

Ah c’est beau de se mentir autant qu’on essaie de mentir aux autres. Tant et si bien qu’il devait le répéter pour essayer de s’en persuader. Il aurait pu le dire encore deux ou trois fois pour avoir l’air vraiment convaincant. Parce que là, il avait eu cette petite pause avant son “ça va” qui montrait bien qu’il avait hésité. Qu’il avait répondu ça pour ne pas avoir à s’expliquer. Pour ne pas importuner son ami de tous ses maux. C’était plus simple de dire que ça allait. Mais… Probablement que ça ne duperait qu’à moitié son ami. Peut-être qu’il finirait par lui parler mais… Pas là, pas maintenant alors qu’il venait de débarquer. Peut-être un peu plus tard dans la soirée. Ou peut-être pas.

“Oh trop chouette ! Comment tu savais que je passerai te voir ? Tu l’as vu ? C’est beaucoup trop classe dis donc ! Enfin… Prévoir ma venue c’est pas fou non plus mais… Pratique !”

Il retourna dans le salon, posant son manteau dans l’entrée, et revenant s’installer dans le canapé en tailleur alors que son ami s’affalait dans le sien. Il rigola un peu à sa remarque.

“En même temps, t’es un ancêtre !” taquina le plus jeune. “A quand le déambulateur pour toi ? Je t’imagine bien avec ça dans les couloirs de Ste Mangouste, tiens !”

Il prit sa tasse de thé et souffla dessus, se réchauffant les mains autour de la porcelaine.

“N’empêche, j’ai bien fait de venir si tu m’attendais pour regarder l’épisode ! ça aurait été dommage d’attendre longtemps ! Surtout avec ton grand âge... Tu aurais oublié le précédent à force ! ”

Il chipa un bonbon, et caressa Chapitre qui n’avait même pas eu peur quand il s’était assis à côté de lui. Sans doute parce qu’ils étaient habitués à le voir débarquer de temps en temps maintenant.

i'll be there for youuuu -  @Ethelbert Watson

Ethelbert était rentré dans l'appartement, tout fanfaron comme à son habitude ou presque. Adam était bien plus observateur et réfléchi que ce qu'on lui prêtait, et il voyait bien que le jeune infirmier avait de plus grandes cernes qu'à l'accoutumée. D'un autre côté, vu la journée qu'il avait l'air d'avoir passée, cela s'expliquait assez facilement. Une famille entière empoisonnée sans savoir à quoi directement, avec les enfants qui hurlent, il y avait de quoi affecter n'importe quel médicomage, même le plus patient d'entre eux. En plus de cela, il y avait un côté plus déchirant, plus pressant lorsque les patients étaient aussi jeunes, Adam y était en tout cas bien plus sensible, facile pour lui de comprendre la fatigue de son camarade… Mais pas au point de ne pas relever ses intonations. Sans commenter là-dessus, il se contenta de hausser un sourcil. "Quelle horreur, heureusement que ça s'est bien fini alors. Rosier était de service aujourd'hui, non ?" ponctua Adam d'un air innocent, le nez dans le frigo. Oui oui, il tâtait totalement le terrain. Ethelbert n'était discret sur aucun des aspects de sa vie. Et puis, si Rosier avait eu à gérer ça aujourd'hui, rien d'étonnant à ce que la journée ait été si éprouvante pour Ethel.

Il eut un petit rire lorsque son invité s'extasia sur le fait qu'il ait prévu sa venue. "Je sais pas, j'ai eu une intuition, j'irais pas jusqu'à dire que je l'ai vu." Il laissa Ethelbert s'installer, riant intérieurement. Si Lachlan avait entendu ça… Il savait que ses proches lui prêtaient la réputation de prévoir l'avenir, mais qui pouvait vraiment se targuer de faire ça, hein ? Ce nom, Trelawney, lui collait parfois à la peau d'une façon bien étrange. Pas la remarque des plus agréables à se faire alors qu'il se fondait dans son fauteuil favori, un sourire attendri en voyant Chapitre profiter des caresses de l'infirmier.

Une image bien vite remplacée par celle beaucoup plus amusante de la course de déambulateurs dans Ste Mangouste. Il imaginait bien la scène tiens. "Je proposerai ça aux autres pré-retraités de l'équipe tiens, je suis sûr qu'ils seront partants," articula-t-il entre deux éclats de rire. "L'avantage de Friends comparé à Urgences, c'est que c'est assez facile à suivre. Je me demande juste si Ross et Rachel vont finir par se remettre ensemble, je me suis toujours pas remis de l'épisode de leur séparation là…" Un sujet qui avait été plus douloureux que prévu de son côté. Difficile d'ignorer le pincement au cœur qu'il avait ressenti en disant cela. C'était d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il avait si souvent Lachlan ou les enfants à l'appartement en ce moment, et une des raisons pour lesquelles il était reconnaissant à Ethelbert d'être un invité régulier. Son nouvel appartement lui paraissait extrêmement vide, lui qui n'avait jamais vécu seul auparavant. C'était un sentiment encore pire lorsqu'il repensait à la trahison de Coraline. Non, pour le coup, il devait bien s'avouer du côté de Rachel. Adam baissa les yeux sur son thé, prenant une gorgée l'air de rien, avant de pousser un profond soupir. Il fallait absolument qu'il mette son ex de côté. Le né-moldu se redressa, posant sa tasse au passage et claquant des mains sur ses genoux. "Bon, je peux lancer du coup ? Ou tu veux que je fasse les burgers avant ?" Il avait placardé son sourire habituel sur le visage, Ethelbert n'était déjà pas dans son assiette et il ne tenait pas à se morfondre non plus de son côté.

Est-ce qu’Ethelbert était plus sensible quand les patients étaient des enfants ? Et bien paradoxalement, pas forcément. En réalité, toutes les vies avaient la même importance pour lui, donc, toutes le touchaient. Mais en revanche, il avait un contact assez facile avec les plus jeunes, donc, on le lui confiait plutôt. Il avait une tête qui rassurait et puis, il savait se mettre à leur portée, prendre le temps de les rassurer. C’était pas pour rien si on l’avait commis d’office comme infirmier sur ce cas-là. Même si ça avait été tendu, il avait quand même réussi à rassurer les enfants du mieux qu’il pouvait. Et faire les piqûres sans les faire crier ! ça, c’était pas donné à tout le monde !

“Rosier ? Oui, il était là ! Heureusement ! Il a géré l’expertise pendant que je gérais l’émotionnel, on va dire ! Il est pas super fort pour rassurer les gens… Ce qui est un peu con, parce qu’il est quand même très doué ! Mais… Il met pas toujours les gens à l’aise…”

Lui-même… Avec tout ce qui s’était passé avait du mal à se positionner. Ses sentiments contradictoires ne l’aidaient pas forcément à être objectif. Mais bon… C’était de notoriété publique qu’Eltanin n’était pas l’homme le plus sympa et rassurant de l’hôpital ! Il ne se mouillait pas trop en disant ça. Et puis… Il savait absolument pas où il en était à propos d’Eltanin alors pas la peine d’ouvrir le sujet. C’était un hiatus. Total.

“Bha écoute, moi, j’peux avoir toutes les intuitions que je veux, ça se passe jamais ! Alors… T’as quand même un truc, j’crois ! Et puis, c’est stylé !”

Il aurait presque ajouté un “Je suis sûr que ça plaît aux filles” mais… Trop tôt, non ? Il savait pas trop. Dans le doute, autant ne pas remuer un couteau dans une plaie encore très/trop fraîche. Ethel n’était pas toujours habile dans ses choix de sujets, mais il essayait quand même de ne pas sauter à pieds joints dans le plat. Les déambulateurs de Ste Mangouste, c’était mieux ! Il rit d’ailleurs en imaginant une course entre Adam et Rosier.

“Imagine, un duel entre toi et Rosier ! La course serait dingue ! Je saurai pas sur qui parier !”

Mais l’image vraiment… Olala, c’était parfait à imaginer. Il ne regrettait pas d’avoir fait cette blague ! Bon, pas dit qu’il ne rigole pas en voyant Eltanin demain mais… Tant pis ! Il lui expliquerait ! Ou pas… Pas dit que l’explication soit mieux qu’un rire inexpliqué… Parce que bon, expliquer qu’il parlait de lui à ses amis, ça sonnait bizarre… Définitivement, vaudrait mieux qu’il rigole que quand il aurait le dos tourné !

“Hm… Je me demande aussi…” dit-il en ayant un regard pour son ami.

Il se doutait que le sujet le touchait plus. Ethelbert se demandait si finalement ce n’était pas mieux de ne pas réussir à bâtir des relations amoureuses stables, vu comme ça dévastait les gens à la fin… Il envoya un bonbon à son ami. Comme pour faire diversion.

“On saura en regardant ! Et puis, on a toujours le temps de retomber amoureux ! Et je ferai les burgers ! Mais pour l’instant les chips et les bonbons ça me va !” le rassura-t-il avec un sourire.

Il l’aurait bien pris dans ses bras, mais il était un peu loin. Ils auraient le temps plus tard dans la soirée si besoin. Peut-être si Adam en parlait plus de cette blessure loin d’être refermée. Ethel n’avait pas eu vraiment le temps de connaître Coraline mais par contre il connaissait bien les séquelles de leur rupture… Vraiment, ça ne donnait pas du tout envie d’assumer des sentiments que de voir Adam comme ça. ça le confortait presque dans ses relations d’un soir…

i'll be there for youuuuu -  @Ethelbert Watson

Eltanin, pas doué avec les patients ? Adam se redressa légèrement malgré lui. Ça ne ressemblait pas vraiment à son collègue et ancien camarade de classe. Désagréable avec ses collègues, ça oui (Adam en faisait régulièrement les frais), mais pas avec les patients. Cela dit, vu que l'anniversaire de la mort de Misam avait été la veille, cela faisait sens, surtout s'il n'avait pas eu de jour de repos aujourd'hui. Adam se demanda brièvement s'il ne devrait pas essayer de reparler à Rosier avant de mettre cette idée de côté. Une conversation à cœur ouvert c'était déjà assez pour la semaine, et puis il pouvait imaginer Lachlan lui dire de ne pas s'en mêler et de laisser les choses se faire à leur rythme.

Alors qu'imaginer une course de déambulateur entre Rosier et lui, voilà qui était bien plus divertissant ! Une image que Misam aurait beaucoup apprécié, il en était certain. "Ah, Rosier a l'esprit de compétition, mais à la fin de la fable, c'est la tortue qui gagne la course, non ? Aïe, ça va pas améliorer ma réputation de vieux cette référence, mais bon… Tu vois ce que je veux dire, si quelqu'un devait gagner cette course ça serait moi !" Oh, il pouvait bien le voir, Rosier dans sa robe de médicomage, avec son déambulateur et son air pincé, trop bien pour s'abaisser à faire la course mais trop fier pour la perdre. "Ca va être difficile de le voir sans avoir cette image en tête maintenant," ricana Adam dans sa tasse. Il avait remarqué comment Ethelbert regardait son mentor, mais il n'insista pas, le sujet ne s'y prêtant pas vraiment.

La conversation s'était tournée vers la série qu'ils allaient regarder, au moins aussi divertissante pour l'un que pour l'autre, même s'il n'impliquait pas leurs collègues de Sainte Mangouste. Immanquablement, l'ostéopathe avait fait le parallèle entre l'arc narratif des personnages et sa propre vie amoureuse. Mais bon, Adam n'était pas du genre à s'apitoyer sur lui-même, encore moins quand quelqu'un était dans une détresse plus grande que la sienne à côté de lui. Il savait très bien que ce dont il avait besoin, ce n'était que de temps et de bonne compagnie, et il avait déjà la moitié de ces choses ce soir, il fallait bien qu'il en profite. Ethelbert était au courant des grandes lignes de sa rupture avec Coraline, et il avait dû deviner vers où ses pensées étaient tournées, puisque comme pour l'en sortir, lui avait lancé un bonbon. Très bonne distraction, devait reconnaître Adam, attrapant la sucrerie au vol avec un sourire reconnaissant. Il fit une petite boule avec l'emballage, le bruit du papier ayant attiré l'attention de Charamel ; le chaton n'était que trop heureux de jouer avec.

Adam eut un sourire attendri, entre le chat et la remarque positive de son ami, il était clair qu'il aurait pu être bien plus mal loti. "Oulah, retomber amoureux, pour l'instant j'en suis pas là, même si je n'ai pas fait une croix dessus. On peut toujours rêver, non ?" Il adressa un nouveau sourire au jeune blond. Il fallait bien qu'il se montre optimiste, pas vrai ? Qu'Ethelbert ait un exemple à suivre. Le fait que cette remarque ait pu être à double-sens lui était passée complètement au-dessus de la tête. Il se leva pour attraper la télécommande, allumant la télé et commençant à rembobiner la cassette jusqu'au début de l'épisode. "Tu sais quoi ? Puisque je suis debout, je vais me faire un truc plus approprié qu'une tisane," fit-il en ouvrant le frigo. "Tu veux quelque chose au passage ?" lança-t-il en direction du salon, une bière pour lui à la main, déjà en train d'attraper son décapsuleur alors qu'il gardait la porte du frigo ouverte avec son genou dans une pirouette qui lui donnait un air certainement ridicule.

Ethel avait remarqué qu’Adam avait tiqué au sujet de Rosier.

“Il a rien fait de mal, hein, il était juste moins à l’aise que moi. ça reste Rosier ! Et puis, si on le connait pas, on voit pas forcément qu’il est pas de bonne humeur… J’ai juste l’habitude !”

Et beaucoup trop de sollicitude et d’empathie pour Eltanin. Mais ça, il ne voulait pas se l’avouer. Il ne voulait même pas le voir. Hop, tout ça, envoyé sous le tapis sur lequel était écrit “DENI” en lettre fluo. Voilà, là, c’était bien, et ça n’allait pas en sortir. Parce que ça ne servirait à rien de s’avouer quoi que ce soit. On est pas ici pour souffrir, ok ?

Ethelbert rigola un peu au développement stratégique de son ami. Mais probablement qu’il avait raison. Ceci dit il n’imaginait vraiment pas Rosier s’adonner à ce genre de futilité. Il l’imaginait avec son air un peu pincé les regarder en leur disant qu’ils feraient mieux de travailler, qu’il y avait des patients qui attendaient. C’était plus Eltanin que le fait de courir comme un fou en déambulateur… Mais bon, c’était drôle à imagine.

“Dans mon coeur, tu seras le gagnant de cette course imaginaire ! A n’en point douter ! Et… Je me demande comment je vais faire pour ne pas rire en le croisant demain !” pouffa Ethel.

En même temps, il luttait contre tellement d’émotions quand il était avec Eltanin, une de plus ou une de moins, on était plus à ça près. Hop, prix de gros sur le conflit émotionnel, on en parle plus ! Comme des histoires d’amour contrariées, hop, un bonbon et on oublie. C’était un peu optimiste comme logique mais… Il espérait quand même réussir sa diversion, surtout avec l’aide féline !

“On peut toujours rêver, oui ! Je suis presque sûr que tu seras plus chanceux que moi pour ça ! Mais ce n’est pas pour me déranger !”

Il eut un petit rire. Il ne courait pas après l’amour. En fait… ça avait l’air si compliqué. Et son cœur avait toujours l’air de pencher vers l’inatteignable alors… Il préférait encore que l’amour ne naisse jamais vraiment en lui. C’était plus simple comme ça !

“Oh je veux bien une bière aussi si tu lances les hostilités ! Et fais attention, ta position est pas ergonomique papy !”

On ne parlerait pas de sa consommation d’alcool ce soir. Autre déni, d’accord ? ça commençait à faire pas mal de choses sous le tapis quand même, mais… C’était pas le moment de sortir tout ça ! Vraiment pas. Y’avait assez d’autres choses à gérer. Il valait mieux passer à un sujet léger… Comme les prochaines séries à regarder !

“Oh ! Je sais pas si tu as vu, mais ils vont sortir une série The Crow ! Faudra qu’on arrive à récupérer ça ! Je sais pas si ils ont déjà prévu une diffusion ici… J’adore beaucoup trop le comic book pour rater ça ! Et le film aussi… Tu l’as déjà vu ? Tu vas percer à jour mon penchant pour les héros tout de noir vêtus et torturés !”

Il prit une pose dramatique. Mais oui, il aimait beaucoup trop les héros torturés vêtus de noir ! The Crow, Batman… Il y avait un petit Leitmotiv !

i'll be there for youuuuu -  @Ethelbert Watson

Visiblement, Ethelbert n'était pas débarrassé de son "attirance passagère" envers Rosier. Cela dit, Adam était prêt à lui concéder une chose : lorsqu'on ne connaissait pas Eltanin, il était facile de penser qu'il était détaché de tout, mais après sa discussion avec lui la veille, Adam commençait à penser que ce n'était qu'une façade et qu'il ressentait tout puissance mille. Evidemment, il ne serait pas celui qui vendrait la mèche sur les raisons de l'humeur massacrante de leur collègue. Ce n'était pas une histoire qu'il lui appartenait de raconter, tout simplement. Il était bien plus prudent de poursuivre sur un terrain moins glissant, comme sa très probable victoire contre lui à cette course imaginaire. Course durant laquelle il aurait le soutien d'Ethelbert, à priori. "Ton soutien me va droit au coeur," fit-il en joignant le geste à la parole. "Et pourtant, Merlin sait que la compétition était rude… Et je te conseille de te cacher pour rire de sa défaite, même pour des trucs imaginaires il n'a jamais été bon perdant !" Il se souvenait déjà à Poudlard, quand avec Lachlan et Misam ils avaient ce genre de discussions. Décidément, ce n'était pas une soirée qui le rajeunissait.

Quant à la remarque suivante… "Écoute, à 36 ans, seul avec mes trois chats, je pense qu'on peut dire que tu auras sûrement un meilleur avenir amoureux que moi," soupira-t-il d'un air théâtral pour masquer le pincement au coeur qu'il avait ressenti à la remarque d'Ethel. Il savait qu'il était bien intentionné, c'était juste que… Quand il faisait le point sur sa situation par rapport à ses attentes, il avait l'impression d'être revenu à la case départ. Cela étant, son enthousiasme était gratifiant - et rassurant. "Mais bon, tu as sûrement raison en vrai," fit-il en attrapant une deuxième bière et souriant pour lui en entendant la petite moquerie (méritée) de son ami, "On peut toujours rêver et on va toujours rêver ! De toute façon, la société nous a mis dans la tête qu'on devait être casé avec sa femme, ses enfants, la petite maison de banlieue à ses 30 ans maximum, mais si tu regardes un peu autour de toi - il s'interrompit le temps de se réinstaller, cette fois-ci à côté d'Ethel dans le canapé, fourrant une chips dans sa bouche au passage avant d'ouvrir les bières - à quel moment des couples comme ça existent, hein ?" Il tendit sa bière à Ethelbert, prit une gorgée de la sienne, s'animant visiblement au fur et à mesure qu'il se perdait dans une de ses fameuses digressions. "Déjà, je comprends même pas pourquoi on serait forcément hétéro-

Oooh, une série The Crow ?" s'interrompit-il soudain en entendant Ethelbert changer de sujet. "Non, j'avais pas vu le film, il faudra que je rattrape ça avant qu'on commence la série j'imagine," sourit-il d'un air complice, prenant une nouvelle gorgée de bière. "En même temps, je te comprends, les héros un peu torturés là, avec leurs grands yeux sombres et genre, musclés mais pas trop ? Un délice. Écoute, puisque tu me vends la série comme ça, je suis convaincu," ricana-t-il en levant sa bière, mimant de trinquer avec lui. "Ah, tiens, ça va être prêt pour lancer, on est parés ?" demanda-t-il en voyant que la cassette avait fini de rembobiner. Bière posée sur la table basse, bols de chips et bonbons devant eux, Charamel qui jouait toujours derrière avec son papier, les deux autres chats en train de dormir à côté… Il lui semblait qu'ils étaient prêts pour voir la suite des aventures de Ross, Chandler, Joey, Rachel, Monica et Phoebe.

Eltanin était à ce point mauvais perdant ? C’était… Un peu ridicule, non ? Enfin… C’était l’homme sans aucun sens de la compétition qui trouvait cela franchement ridicule ! Mais bon… Il tiendrait compte des conseils de son ami ! Il n’avait pas envie de mettre Rosier de mauvaise humeur pour une raison aussi futile ! Ils avaient assez de raisons de s’agacer dans leur travail sans en rajouter ! Et puis, Ethel était pour la paix et la quiétude dans le service ! Moins on s’engueulait et mieux il se portait !

“Franchement pas sûr ! Et puis tes chats sont trop adorables, c’est un arguments en ta faveur ! Et puis tu fais absolument pas ton âge, et t’es canon… Je dis ça en toute amitié, hein. Mais clairement, t’es canon !” renchérit Ethel en ayant quand même une once de petite gêne sur la remarque sur la beauté de son ami, ça lui faisait bizarre de dire ça si ouvertement. Et en même temps, il avait besoin de l’entendre alors…

Il prit le chat sur ses genoux en voyant son ami venir à côté de lui. Chat qui ne protesta même pas, se laissant installer sur ses jambes en tailleur. A la description de la situation attendue par la société, Ethelbert ne put s’empêcher d’avoir une grimace. Il était mal barré pour cadrer dans ce joli tableau. Clairement. Il risquait plutôt de rester seul. Ou peut-être avec un homme, si un jour quelqu’un le supporte assez longtemps et inversement. Rien n’était moins sûr. Sans doute qu’il finirait entouré de fléreurs, et de boursoufs… Mais ça le dérangeait pas tant que ça ? Il savait plus trop ces derniers temps. Avant, il n’avait aucun soucis avec ça, puisque chaque soir, il retrouvait sa famille. Mais maintenant… Son regard se perdit un peu dans le vague, à cette réflexion. Avant de revenir vers Adam.

“Hm, y’en a pas des masses.” répondit-il en prenant la bière.

Et il ne répondit pas forcément à sa digression. Parce que… Même s’il ne cachait pas d’avoir des entrevues avec des hommes, il n’aimait pas forcément en parler beaucoup. C’était un peu étrange cette façon qu’il avait de n’assumer qu’à demi. Il se contenta d’un haussement d’épaules avec un petit sourire.

C’était plus simple de parler de The Crow ! Ethel acquiesça.

“Je nous trouverai la cassette ! T’en fais pas ! Fallait que je me l’achète de toutes façons !” dit-il avec un sourire.

La suite arracha un rire à Ethel. Il ne pensait pas forcément à ça en vendant les héros torturés… C’était plus le côté dilemme moral et dramatique qui lui plaisait mais… Les arguments de son ami se tenaient aussi !

“Je pensais pas à ça mais… T’as raison ! C’est une argumentation qui se tient ! Pour Batman c’est moins vrai par contre… Il est quand même pas mal musclé mais… ça enlève pas tant à son charme, je crois ?”

Intense réflexion d’Ethel qui essayait de visualiser les différents Batmans Mouais, c’était quand même pas dégueu à regarder quand on y penser. Bref. La cassette et le clic de la fin de rembobinage le sortirent de sa méditation sur “Batman est-il craquant malgré ses muscles ?”.

“Parés !” lança-t-il joyeusement.

Il se pencha pour attraper une chips, et ensuite, sa main revint caresser le chat sur ses jambes. C’était agréable comme moment. Avoir Adam juste à côté. Quelques rires partagés dès le début de l’épisode. La bière fort agréable aussi. Il ne pouvait pas se plaindre. Vraiment pas ! C’était parfait pour lui faire oublier tout ce qui tournait dans sa tête et pouvait lui mettre le moral en berne. Il rit de bons coeurs aux blagues, jetant de temps en temps des regards à Adam pour s’assurer qu’il passait lui aussi un bon moment. Et les 22 minutes passèrent presque trop vite ! Il eut un soupir presque déçu en entendant le générique de fin !

“Tu trouves pas qu’ils sont trop courts ces épisodes ?” demanda-t-il à son ami. “Vivement le prochain ! Mais bon… Je vais m’occuper des burgers !”

Il décala le chat et se leva avec entrain, s’étirant juste un peu avant de s’élancer dans la cuisine. Et il était presque comme chez lui, sortant les plats allant au four pour réchauffer les burgers qu’il avait amené.

“Tu veux que je rajoute du fromage dans le tien ?” demanda-t-il alors qu’il doublait le sien. “Ou tu préfères garder la ligne, papy ?”

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Le médicomage arborait un sourire gêné face à la pluie de compliments qu'Ethel lui adressait, une main passée dans la nuque dans un geste de nervosité emprunté à Lachlan. Il savait qu'il avait un certain succès, mais dans l'absolu il s'en fichait un peu, lui-même était bien plus attiré par les personnes dans leur ensemble, leur personnalité, que leur physique. "Ah euh, merci," marmonna-t-il avec un rire embarrassé, préférant se concentrer sur des choses qui lui tenaient plus à cœur, comme le fait qu'il n'y avait pas qu'un seul moule pour tout un chacun. Quiconque le connaissait un minimum savait que c'était un risque, qu'il parte dans un monologue passionné, heureusement qu'il était facile à couper en plein vol, comme Ethelbert avait réussi à le faire. Bien plus à l'aise maintenant, Adam ricana à la mention de Batman. "Non c'est vrai, mais le côté moralement droit et juste, sans grande nuance, c'est un peu fatigant à la longue non ? Enfin ça se laisse bien regarder hein, je dis pas le contraire," ajouta-t-il avec un clin d'œil.

Mais ils n'étaient pas là pour parler de Batman, l'épisode de Friends les attendait ! Quelque part, sa situation lui faisait penser à celle du groupe d'amis new-yorkais. Il avait son propre groupe d'amis soudés, toujours prêts à passer à l'improviste (plus ou moins) et sur qui il pouvait compter. Comme ce soir, avec Ethel. C'était une situation plutôt avantageuse, il devait bien l'admettre, se disait-il en observant son comparse passer distraitement sa main dans le pelage de Chapitre. Très vite, les vingt-deux minutes de l'épisode s'écoulèrent, laissant Adam sur sa faim concernant ses attentes pour Ross et Rachel. Bon, il projetait peut-être encore un peu, mais sa séparation était encore fraîche, c'était bien normal. "Il va falloir que tu repasses la semaine prochaine, je vois que ça," fit-il d'un air faussement contrit. "Attends, je vais t'aider… Quoi que, il vaut peut-être mieux pas," se reprit-il en pensant à la fois où il avait fait s'enflammer le micro-onde en réchauffant un plat préparé, "mais je vais faire semblant d'être utile, après tout c'est ma cuisine." Il adressa un grand sourire idiot à Ethelbert en le suivant dans la cuisine, sortant deux nouvelles bières du frigo, dont une qu'il posa sur le plan de travail à côté de son ami. Il s'amusa de voir qu'il avait vraiment pris ses aises, n'ouvrant jamais le mauvais tiroir et sachant précisément où se trouvait ce qu'il cherchait à chaque fois. Le laissant volontiers faire, Adam se posta dos au four pour profiter de la chaleur le temps qu'il préchauffe. "Garder la ligne ? C'est pas un peu de fromage qui va m'empêcher d'être… Comment tu disais tout à l'heure, "canon" c'est ça ?" Il leva sa bière comme pour saluer Ethelbert, les yeux pétillants de malice. "Aie un peu de respect pour les aînés," soupira-t-il, feignant d'être agacé, en libérant la place dès que les burgers furent prêts, décalant simplement pour s'adosser au plan de travail. Il attrapa Charamel qui était venu se frotter contre sa jambe, posa le chaton sur son épaule. "Il y avait une raison particulière pour que tu viennes ce soir ? Autre que mes soirées Friends inégalables, je veux dire," attaqua-t-il finalement en portant la bouteille qu'il tenait à ses lèvres. Cela faisait un moment qu'ils tournaient autour du pot, et il lui avait laissé assez de répit comme ça. Il avait observé Ethelbert depuis qu'il était arrivé, entre son attitude et la quantité de nourriture qu'il avait ramené, il était certain que son ami n'allait pas bien, et il n'était pas partisan de la théorie du déni. S'il y avait un problème, il ne pouvait pas l'aider tant qu'il ne savait pas ce que c'était.

Faire des compliments à ses amis, c’était toujours un peu étrange ? Ethel avait toujours peur qu’ils interprètent mal ses propos… Cela l’aurait franchement gêné qu’Adam prenne ça pour des avances… Alors que non, c’était juste un compliment fait en toute objectivité ! Mais ils avaient en commun avec Adam de ne pas trop savoir quoi faire de ces compliments. C’était comme un gâteau trop chaud, on est impatient de le manger mais on jongle avec parce qu’on se crame les doigts avec… Bref. Heureusement que l’épisode de Friends faisait diversion de tout ça ! Et pour Batman… Il savait pas trop. Batman semblait pas si droit et infaillible dans sa tête à lui. Mais il admirait en même temps son courage d’affronter les dangers…. Il aimait Batman parce qu’il incarnait ce qu’il aurait aimé être, ce qu’il aurait aimé faire. C’était pas seulement une question de mater des biscotos mais c’était peut-être mieux qu’Adam croit ça. Plus simple. C’est bien la simplicité. Puis, l’épisode les attendait. Il préférait regarder Friends que faire un débat sur pourquoi Batman lui parlait tant, parce que c’était sans doute trop personnel. Il caressa Chapitre doucement… Il faudra qu’il songe à demander à Adam s’il peut faire rencontrer son fléreur, Eurydice pouvait venir les rencontrer… Pas sûr que l’entente soit là mais… Eurydice avait l’air un peu triste d’être seule alors… Tel adoptant, tel fléreur, non ?

Il rigola un peu à l’air d’Adam et à sa proposition.

“Je ne vois que ça aussi !” répondit-il avec un air docte avant de se fendre d’un rire.

Et quand Adam proposa de l’aider il prit un air absolument effrayé !

“Par Merlin ! Non ! Je tiens à manger des burgers !” taquina-t-il amusé. “Mais la compagnie, ça me va plutôt !”

Il préférait leur garantir un repas de qualité… Parce qu’il connaissait la maladresse de son ami en cuisine. Lui… Bon, sans être un grand chef, il se débrouillait. En même temps, pendant sa cavale, il avait pris des jobs de serveurs, de cuisiniers dans des buis-buis…. Cela avait eu le mérite de mettre à l’épreuve son habileté aux fourneaux. Fallait voir le positif dans ces heures assez sombres. Il remercia Adam pour la deuxième bière même s’il n’y touchait pas pour le moment, priorité au manger !

“Ok ! Donc double dose de fromage pour l’homme canon !” répondit-il en rigolant.

Il termina les burgers en souriant de la fausse vexation de son ami. Comme si l’âge avait vraiment une importance ? Aux yeux d’Ethelbert, pas le moins du monde ! Il enfourna les burgers avec aisance, et regarda l’heure pour surveiller le temps de cuisson. Il attrapa la bière que son ami lui avait sorti et en but quelques gorgées. Qu’il eut un peu de mal à déglutir. Damn. Il était démasqué ? Vraiment ? Il croisa le regard d’Adam, beaucoup moins rieur d’un coup. Il se mordit la lèvre. Ce vieux réflexe qui le poursuivait depuis tout petit. Et… Et voilà, il faisait une Dracula à saigner de la lèvre. Il avait mordu rudement fort.

“Merde…” lâcha-t-il en s’en apercevant, attrapant un mouchoir en papier dans sa poche pour éviter que le sang ne dégouline partout. “‘U ‘eux ‘ien ‘ancer un epiks’ey ?”

Traduisez “Tu veux bien lancer un epiksey” mais normalement, Adam ne devrait pas avoir trop de mal à le déduire. Et puis, c’était pas la première fois que ça arrivait. C’était… Vraiment souvent qu’il faisait ça. Bien plus souvent que quand il était à Poudlard. Parce qu’il était bien trop anxieux. Une fois sa lèvre soignée, il ramena son regard vers celui d’Adam.

“ça… ça allait pas trop fort… Je…”

Il eut un soupir.

“Mes parents me manquent beaucoup… Et… Je me sens très… Très seul…” avoua-t-il un peu pris en faute.

Adam méritait bien son honnêteté. Il méritait sûrement mieux que lui comme ami aussi… Mais bon… Ethel ne put s’empêcher de se mordre à nouveau la lèvre… Définitivement, cette lèvre était beaucoup trop maltraitée !

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Il ne pouvait pas en vouloir à Ethelbert d'avoir réagi avec autant d'énergie à sa proposition d'aider en cuisine. Il était ce qu'on appelle dans le jargon une "catastrophe ambulante" : il arrivait à mettre le feu à ce qui était censé être inflammable, rien n'avait la bonne consistance… Le fromage aurait sûrement fini par avoir le goût de fraise, doué comme il l'était. En bref, tenir compagnie à son invité dans la cuisine était l'option la plus sûre pour eux deux. Enfin, peut-être pas tant que ça, si Ethelbert commençait à s'arracher le visage tout seul.

Comme si un interrupteur s'était activé, Adam passa en mode médecin, posant sa bière et se rapprochant d'Ethel pour voir la plaie. Avec leur différence de taille, il dut se pencher légèrement pour mieux voir, une main sur l'épaule de son ami pour le maintenir dans sa posture et l'autre tenant son menton pour observer la plaie sous la lumière, ferme mais délicat. "Ca t'arrive souvent de faire ça ?" fit-il en prenant sa baguette pour lancer un Episkey, surveillant que le sortilège faisait bien son effet et ne lâchant Ethelbert qu'une fois qu'il était sûr que la plaie était bien refermée. Il reprit sa place précédente en même temps que son attitude normale, observant d'un œil critique le jeune infirmier.

Son air un peu coupable et embarrassé lui indiqua qu'il avait visé juste. Il le laissa expliquer ce qui le tracassait, sans le presser. Lorsqu'il eut fini, il posa sa bouteille et revint vers Ethel, bras ouverts. "Viens là," fit-il simplement en étreignant l'autre à lui en briser les côtes. Il laissa traîner un peu l'instant, façon de montrer qu'il compatissait à sa situation, de montrer qu'il était là pour lui. "T'as eu raison de passer va." Après une dernière tape rassurante dans le dos de son cadet, il s'adossa à côté de lui, reprenant sa bière pour en prendre une nouvelle gorgée. "Tu ne comptes toujours pas leur reparler ?" Il ne savait pas exactement dans quelles circonstances Ethelbert avait arrêté de parler à sa famille - même s'il avait l'intuition, sans savoir d'où, que son ami devait avoir coupé les ponts autant pour les protéger eux que se protéger lui. Mais il savait que les dernières années avaient été bien plus dures pour lui que ce qu'Adam avait vécu. Il avait eu énormément de chance, il en était bien conscient et il était reconnaissant de ça. Cela n'empêchait pas qu'Ethelbert, de son côté, avait disparu au plus fort de la guerre - comme tant d'autres. Adam avait été ravi de le voir revenir, mais il avait été changé (ce qu'il pouvait tout à fait comprendre, la guerre les avait tous changés). S'il pouvait le soutenir, eh bien, tant mieux non ? Les amis servaient à ça. Le sujet était délicat cependant, il devait y aller petit à petit. "Enfin, je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé, mais s'ils te manquent, on peut imaginer que l'inverse est vrai aussi, tu ne crois pas ? Pour ce qui est de te sentir seul…" Adam fit un geste un peu vague de sa main qui tenait la bouteille, englobant son modeste appartement. "C'est pas grand chose, mais si tu l'étais, est-ce que tu serais vraiment ici ce soir ?" Il lui adressa un sourire rassurant, pas sûr de la forme du message, mais l'intention y était.

Faire une Dracula maintenant, il s’en serait bien passé. Surtout que ça semblait bien saigner… En même temps, c’est ce qui arrive quand on se bouffe les lèvres à cause de l’anxiété mais… Il n’aimait pas que ça arrive devant témoin. Encore moins devant un ami qui va forcément s’inquiéter. Il laissa Adam le soigner avant de répondre à sa question qui ne laissait pas trop place à la boutade.

“Euh… Des fois… Avec le stress… Mais… Je soigne à chaque fois, c’est rien… T’en fais pas, j’ai les lèvres fragiles…”

Non, c’est vrai, Ethel, c’est rien. C’est pas du tout un signe de mal-être et de nervosité. Du tout. Il n’y a jamais rien de grave quand ça le concerne lui de toutes façons. ça a toujours été comme ça. Ethel s’est toujours perdu à soigner les autres pour s’éviter de trop penser à ce qu’il fallait soigner chez lui. C’est plus simple comme ça.

Mais bon, on peut pas éternellement esquiver, non ? Adam était observateur. Et puis, mentir à un ami, c’est plus difficile que mentir à n’importe qui d’autre. Le poids ne s’était pas vraiment allégé sur son coeur en expliquant pourquoi ça n’allait pas. Il ne s’était néanmoins pas alourdi de la culpabilité de lui mentir. C’était déjà bien ? Il se laissa aller contre son ami. Se serrant fort contre lui. Il avait vraiment besoin de cette étreinte. De se sentir soutenu. De sentir qu’il n’était pas seul. Il se retint de pleurer. Mais ses yeux étaient un peu brumeux quand ils se détachèrent. Il prit sa bière et but plusieurs gorgées. Sa nouvelle question éveillant son lot de tristesse. Il baissa la tête, regardant ses pieds d’un coup fascinants.

“Je… Je crois pas que ce soit une bonne idée…”

Il écouta Adam. Mais… Il ne pouvait pas comprendre avec juste des bribes de vérité. Il sourit un peu. Ici, il ne se sentait pas seul. Non. Mais… Adam n’était pas ses parents. Et personne ne pourrait jamais remplir le vide qu’il avait dans son cœur.

Il eut un soupir. Peut-être qu’il valait mieux tout dire. Pour qu’il comprenne.

“Je… Je me suis effacé de leurs vies.”

Dit comme ça, ça paraissait si simple. Si limpide. Et c’était en même temps si violent et si catégorique. Revenir sur un sort d’Oubliette, ce n’était pas conseillé. Surtout sur des moldus. Et puis, la situation s’améliorait mais pour combien de temps ? Au final, c’était mieux pour eux. Ils étaient encore ensemble. Ils avaient l’air heureux alors… C’était mieux comme ça.

“Je… Je voyais que… que ça pour les protéger… Le ministère m’avait identifié… Et… Je voulais pas qu’ils… Qu’ils subissent des représailles… Et… C’était la meilleure solution ? Je crois ?”

Sa voix tressaille un peu. Il n’était plus sûr de rien. Plus sûr d’avoir fait les bons choix. Plus sûr d’avoir bien fait de fuir. Plus sûr de grand chose.

“Je… Je sais plus trop… C’était… Si… Compliqué… Je… J’avais pas le temps de trouver mieux… Je… Je leur ai pas… Pas vraiment laissé le choix…”

Ses parents n’auraient jamais été d’accord avec ce plan. Il avait pris la décision pour eux trois. C’était terrible de faire cela. Il les avait privés de leurs choix. Et ça pèserait éternellement sur sa conscience. Il essuya ses joues en réalisant que des larmes coulaient sur ses joues.

“Je… J’aurai dû leur… leur laisser le choix… Mais… Je… Je pouvais pas supporter de… De les voir prendre des risques pour moi… Je… Je suis qu’un putain d’égoïste.”

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A peine lui avait-il soigné sa plaie qu'Ethelbert avait recommencé à essayer de la rouvrir. L'air plus penaud à chaque seconde qui passait, il avait l'air de se rendre compte que cette fois-ci, Adam ne se laisserait pas berner par des faux sourires. Il fallait dire qu'Adam s'était laissé prendre une fois à ce jeu-là. A ne pas repérer les signes avant-coureurs, à ne pas savoir reconnaître qu'une amie minimisait ses souffrances. Résultat ? Vingt ans de regrets, de culpabilité, d'incompréhension mêlés. S'il arrivait aujourd'hui à chérir le souvenir de Misam, les mois qui avaient suivi sa disparition avaient été si douloureux qu'il s'en souvenait à peine. Et des bribes qu'il en gardait, il n'avait pas vraiment été lui-même, une version cynique que même Lachlan avait eu du mal à reconnaître. Non, il ne tenait pas à réitérer l'expérience, et encore moins avec Ethelbert et sa candeur. Peut-être que la date le rendait plus sensible à la question, mais c'était un principe qu'il s'était juré de respecter quoi qu'il arrive.

Il ne pensait pas que le risque était imminent voire même présent, mais il préférait prendre les devants. Alors il pressait gentiment les boutons pour l'encourager à se confier, le laissant faire à son rythme, appréciant la confiance qu'il lui témoignait. Lorsqu'il comprit à quel point la situation d'Ethelbert était plus complexe que ce qu'il lui avait laissé entendre, Adam accusa le coup, laissant échapper un petit "Oh". S'effacer de la vie de sa propre famille, c'était… Radical. Il voyait très bien pourquoi il avait pu faire ça, les Mangemorts n'avaient pas hésité à retrouver les familles de nés-moldus pour leur faire subir toutes sortes de tortures plus douloureuses les unes que les autres. Lachlan et Coraline avaient été d'une patience d'ange l'année passée, à chercher avec lui des solutions pour protéger sa propre famille à leur insu. S'il était arrivé quelque chose à l'un deux, à un des enfants… Merlin, il préférait vraiment ne pas y penser.

S'effacer de la vie de sa propre famille avait le mérite de les mettre définitivement à l'abri, mais cela aurait pesé sur la conscience de n'importe qui. Alors Ethelbert, le grand sensible… Adam passa un bras autour des épaules de son ami. Maintenant qu'il avait ouvert les vannes, il avait l'air de ne plus pouvoir s'arrêter. Tant mieux, il fallait qu'il extériorise un peu. De son bras libre, Adam posa sa bouteille et attrapa un paquet de mouchoirs qu'il tendit à son cadet, un sourire penaud en se rendant compte qu'il l'avait déstabilisé au passage.

"Tu as fait du mieux que tu as pu dans une situation qui était extrêmement compliquée," finit-il par répondre, après avoir laissé un peu de temps à Ethelbert pour se reprendre. Adam prenait le temps de choisir ses mots, conscient de l'importance de ce que son ami lui avait confié. "Non non, vraiment ! Je pense vraiment qu'il n'y avait pas de "bonne chose" à faire ou pas. C'était si compliqué, et il fallait se décider vite, et au moins tu étais sûr qu'ils étaient à l'abri." Adam exerça une légère pression sur le bras d'Ethel, comme pour ponctuer ce qu'il venait de dire. "C'est même plutôt le contraire d'égoïste non ? Tu les as protégé en te mettant toi dans une situation qui te fait souffrir." Il n'était pas sûr qu'il l'aurait fait lui-même, il admirait quelque part la résolution dont Ethelbert avait dû faire preuve pour exécuter le sort. Il laissa un instant de flottement pour qu'Ethelbert assimile ce qu'il avait dit, ne le lâchant pas tant qu'il n'était pas sûr qu'il s'était un peu calmé. "Mais c'est possible d'inverser les effets d'un sortilège d'Amnésie, non ? J'ai entendu une médicomage en parler une fois, il me semble que c'était Stark avant qu'elle ne… Enfin, tu pourrais peut-être te renseigner au service des pathologies des sortilèges, voir si tu peux faire quelque chose ? Au moins tu serais fixé," finit-il par lui suggérer. Il avait le sentiment qu'Ethelbert avait besoin de "réparer" ses torts, et cela pouvait être une première étape - même si les sortilèges d'Amnésie étaient parmi les plus complexes à briser dans le monde de la magie, cela ne faisait aucun doute.

La bombe avait été lancé, et même si Adam avait cherché à entendre ça, il n’y était visiblement pas prêt. Ce “Oh” montrait bien qu’il ne s’attendait pas à ça. Forcément, c’était beaucoup plus compliqué que juste avoir mis de la distance entre ses parents et lui. Chose qu’il avait dit jusque là. Un doux euphémisme. Il aurait voulu se convaincre lui-même de ça. Mais non, il n’avait pas pris un peu de distance. Il avait pris une décision lourdes de conséquences. Très lourdes. Trop lourdes pour lui. Clairement. Ses larmes en témoignaient. Il les avait retenu. Longtemps. Il avait essayé de rester fort. Mais ce n’était pas possible. Il ne pouvait pas rester fort. Il n’était pas ce genre de personne. Il n’avait jamais eu la prétention d’être un guerrier. Non. Il n’était pas ce genre de personnes. Il avait juste essayé de prendre les bonnes décisions alors qu’il était terrorisé. Il n’était plus sûr de rien à présent. Et les doutes le rongeaient chaque jour un peu plus. Il prit le mouchoir, se mouchant un peu bruyamment, essayant de sécher ses joues.

Ses yeux noisette remontent vers ceux d’Adam. Il espérait vraiment qu’Adam avait raison. Et en même temps, sa lenteur à répondre montrait bien que cette situation n’avait rien de facile. Il essuya ses yeux, à nouveau. Il avait la gorge nouée. Il n’arrivait pas à savoir si c’était effectivement “le contraire d’être égoïste”. Ses dents ripent à nouveau sur sa lèvre.

“Je… Je sais plus… C’est… C’est confus maintenant… J’ai peur… D’avoir mal agi… Et… Ils me manquent tellement…” murmura Ethel, la voix serrée.

Adam avait des mots réconfortants. Vraiment. Mais ça ne suffisait pas vraiment à calmer ses angoisses. A endiguer la tristesse. Et sa question lui arrache un regard triste.

“Thé… Théoriquement… Mais…”

Ethelbert savait que c’était très compliqué. Il ferma les yeux quelques secondes.

“Mais… Si c’est arrivé une fois… Cela pourrait… Arriver encore… Et… Même si… Si j’arrivais à revenir en arrière… Je ne pourrai plus les… les protéger à nouveau… On ne soigne pas deux Oubliettes…”

La peur ne l’avait pas quittée. Pour lui, la Bataille de Poudlard n’avait pas tout terminé. C’était plus compliqué. Si l’intolérance avait frappé une fois, pourquoi ne frapperait-elle pas encore ? Il ne pouvait pas prendre de risques. Il ne pouvait pas avoir fait tout ça pour que la prochaine fois, ils soient démunis. C’était terrible. De vivre dans cette peur du futur.

“Je… Je me demande… parfois… Pourquoi… Pourquoi la Magie m’a fait ça ? Pourquoi me choisir si… Si c’est pour me faire souffrir après… Je… J’aurai préféré ne jamais… Ne jamais avoir de magie…”

C’était triste d’en venir à penser ça. Mais… C’était cruel. D’avoir été envoyé un gamin dans un monde merveilleux et d’avoir transformé toute cette merveille en un cauchemar. Son pire cauchemar en réalité. Alors oui, il se demandait pourquoi il avait ce don de magie. Pourquoi on ne l’avait juste pas laissé vivre sa vie tranquillement loin de tout ça ? Il aurait sans doute préféré être un simple moldu.

“Désolé… C’est… C’est juste que… Je… Je sais plus vraiment comment… Comment gérer tout ça…”

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Adam réajusta sa posture, se reposant légèrement sur Ethelbert. Il n'était pas le plus doué pour trouver des mots réconfortants et il avait fait de son mieux, mais encore fallait-il qu'Ethel soit prêt à entendre ce qu'il avait à dire. Dans tous les cas, il comptait répondre présent pour son ami, lui montrer qu'il comptait sur lui pour le soutenir. "Écoute, je peux pas te pardonner à ta place, mais de mon point de vue, tu n'as pas mal agi, tu as vraiment pris une décision difficile dans un contexte qui l'était tout autant." Il imaginait bien que sa famille lui manquait, le pire dans tout ça étant qu'il n'y avait pas de possibilité de renouer contact tant qu'il ne brisait pas le sortilège. Raison pour laquelle, pragmatique, il lui avait suggéré de s'adresser au service des pathologies des sortilèges. La réponse d'Ethelbert le laissa dubitatif. "Est-ce qu'on peut pas se dire que si ça arrive encore, on se tient au courant plutôt et on trouve une autre solution ensemble cette fois-ci ?" C'est-à-dire que ça faisait quand même beaucoup de "si", et il comprenait la détresse de son ami, mais Adam ne pensait pas que c'était le seul scénario possible, bien au contraire. "Réfléchis-y au moins, ok ?"

Mais apparemment, les doutes d'Ethelbert allaient bien plus loin que cela. Adam fronça un peu plus les sourcils. En tant que né-moldu, il s'était aussi demandé plus jeune pourquoi lui et pas les autres - et encore plus pourquoi pas son frère ou sa sœur, s'il était supposé faire des choses de ce don qui lui avait été donné. Il prit une nouvelle fois le temps de choisir ses mots, parce que même s'il ne comprenait pas ce qu'Ethelbert à ce niveau-là, cela ne voulait pas dire que cette tristesse n'avait pas lieu d'exister, loin de là. "Je sais pas. Je t'avoue que je vois pas les choses comme ça, pour moi c'est pas la magie le souci. Parce que regarde, oui il s'est passé des choses horribles l'année dernière, mais c'est aussi des sorciers qui ont arrêté ça, c'est aussi grâce à la magie qu'on sauve des vies à l'hôpital, que tu sauves des vies régulièrement." Un autre vaste sujet à débat, si on lui demandait son avis, mais ce n'était pas le moment de partir sur une tirade sur la façon dont la communauté magique abandonne totalement la communauté moldue sur le plan de la santé. "Donc non, pour moi c'est pas ça le problème. Le problème c'est qu'on a un Ministère d'incompétents qui ont tellement peur de dire non à de vieux aristocrates qui financent leur vacances aux Bahamas qu'on se retrouve à devoir gérer l'équivalent des nazi chez les sorciers, et on a droit à quoi, à un "oups" ? C'est pas la magie le problème, c'est que les vieilles castes restent bloquées sur leur préjugés plutôt que d'accepter que le monde change, avec ou sans eux, donc non Ethel, tu n'as rien à te reprocher dans cette histoire en fait," débita-t-il d'un trait. Oups, c'était le cas de le dire, il s'était un peu laissé emporter par le sujet. Ce n'était pas parce qu'il avait l'air détendu et toujours souriant avec les autres qu'il n'était pas conscient d'être sur le bas de l'échelle sociale pour certains, et la guerre avait été difficile pour lui aussi. Peut-être plus que ce qu'il voulait bien l'admettre, même. Et le fait qu'Ebenezer soit recherché pour ses liens avec les Mangemorts n'avait pas aidé, c'était une trahison qu'il vivait assez mal. Réalisant rapidement qu'il s'était éloigné du sujet, il adressa un sourire d'excuse à Ethelbert, se raclant la gorge comme pour montrer qu'il se reprenait. "Apparemment, t'étais pas le seul à en avoir besoin d'extérioriser…" fit-il avant de reprendre une gorgée directement à la bouteille. "T'as déjà essayé d'aller voir le service des psychomages ?" tenta-t-il. Après le suicide de Misam, il avait lui-même finit par se faire aider. Parfois, le soutien des amis ne suffisait pas, et surtout vu le contexte actuel, il n'y avait rien d'étonnant ni même de honteux selon lui à chercher de l'aide là où elle était disponible.

Il n’était pas sûr d’être un jour prêt à se pardonner lui-même. C’était compliqué. Il se sentait si merdeux vis à vis de tout ce qui s’était passé. L’impression d’avoir fait les pires choix. D’avoir été le pire des lâches. Et rien ne pouvait lui enlever cette impression. Il avait pris une décision difficile qui lui pesait maintenant mais… Il n’avait surtout pas été capable de se battre. Il avait fui. Il s’était terré comme un rat. Alors… ça ne l’aidait pas trop à se dire qu’il avait fait ce qu’il fallait. On glorifie pas trop les décisions des lâches alors… Il eut un nouveau soupir. La proposition qu’il faisait sonnait bien. C’était réellement tentant mais… Il n’était pas sûr que ce soit la meilleure chose à faire non plus. Mais…

“Je vais….Essayer de réfléchir à tout ça…” murmura Ethel, sincère.

Il allait y réfléchir. Ce n’était juste pas une décision qu’on prenait comme ça à la légère. Il avait besoin de peser maintes et maintes fois le pour et le contre. Il devait vraiment être sûr. Il ne voulait pas regretter ensuite. Mais… Peut-être que s’il n’était plus seul face à ces décisions-là, les conséquences seraient moins extrêmes ? Peut-être. Plusieurs intelligences valent mieux que la sienne ? Il en était presque sûr. En même temps, il ne se portait pas lui-même en haute estime. Surtout ces derniers temps.

Et vu ce qu’il disait, il avait surtout un gros coup de mou. Pour regretter sa propre magie, c’était pas rien. Alors qu’il aimait ce monde. Il avait été si émerveillé. C’était juste compliqué de se faire accuser des pires maux pour une chose qu’on ne choisit même pas. Il regarda Adam, avec un brin de surprise alors qu’il exprimait son point de vue. C’était rare de voir Adam s’exprimer comme ça. Mais… Cela le soulageait peut-être un peu d’entendre ça. Il sourit doucement.

“Tu… Tu dois avoir raison… C’est juste que… Ces minorité de vieux cons parlent fort et… Je crois que je suis un peu trop sensible pour tout ça ? J’ai du mal à… Relativiser.” souffla-t-il un peu moins assuré qu’Adam, mais avec un sourire naissant.

Ethel se permit de frotter doucement le bras de son ami. Visiblement, ils en avaient tous les deux gros sur la patate. Si ça aidait Adam d’en parler, il n’y voyait aucun mal. L’amitié, ça fonctionne dans les deux sens, non ? C’était même rassurant de voir qu’il n’était pas le seul que tout ça avait foutu un peu en l’air. Après, Adam semblait plus stable, mais c’était peut-être juste une impression.

“Non… Je sais pas pourquoi mais… J’ai du mal à me faire à cette idée… C’est idiot, je sais mais… Enfin tout le monde se connait un peu à Ste Mangouste alors, ça me ferait bizarre de venir pour moi ?” Il se mordilla la lèvre. “Mais… Je vais réfléchir à ça aussi ?... ça fait beaucoup de sujets auxquels je dois penser…”

Il eut un petit rire un peu nerveux. Ta vie est un chantier, mon pauvre. Un chantier pas bien avancé, ouais. Il eut un regard pour les burgers dans le four.

“Oh c’est bientôt prêt !” dit-il en constatant que le fromage fondait doucement. “Encore un peu de temps avant de se régaler !”

Il sourit à Adam et tenta un peu mal assuré.

“Tu veux… Parler un peu plus ? Si tu as encore besoin d’extérioriser un peu ? Promis, ça sortira pas d’ici.”

Rien de ce que son ami n’était jamais sorti de leurs conversations, mais c’était toujours mieux de le dire ? Et puis… Il avait comme le sentiment qu’il en avait encore gros sur la patate. Que ce qu’il avait lâché n’était que la partie émergée de l’iceberg. Il prit juste une gorgée de bière pour ne pas avoir la bouche trop sèche, prêt à écouter. Prêt aussi à tenter de donner de bons conseils. Même si ça, c’était plus compliqué !

i'll be there for youuuuuuu -  @Ethelbert Watson

Adam ressassait sa propre rancune, la vivant simplement d'une façon bien différente qu'Ethelbert. Là où son cadet était clairement dans les regrets et la tristesse, l'ostéopathe était plutôt dans la colère. Cela ne lui ressemblait pas d'être aigri, et il ne l'était pas vraiment, c'était pour lui le simple constat de la politique menée par le Ministère depuis toutes ces années. Favoriser encore et toujours les mêmes au détriment des nés-moldus, voilà où cela les avaient menés : à Adam qui tentait tant bien que mal de recoller les morceaux quand Ethel craquait dans sa cuisine, lors d'une soirée qui aurait dû lui changer les idées. Enfin, peut-être était-ce ce dont il avait besoin justement, auquel cas Adam était ravi de l'aider… Tant que ses discours avaient cet effet, ce dont il doutait. S'il n'était pas rare de le voir digresser autant, qu'il le fasse avec autant de verve, en revanche, était assez exceptionnel. Prenant une gorgée pour se redonner contenance, il fut un peu rassuré de voir que son ami ne lui en tenait pas rigueur, ayant l'air de comprendre que l'année passée les avait tous marqués, chacun à sa façon. Raison de plus pour chercher une aide professionnelle s'il en avait besoin - et il en avait un peu l'air, selon Adam. Pour lui, il n'y avait aucune honte à cela, et il ne comprenait pas le tabou que l'on avait construit autour du sujet de la santé mentale, autant chez les sorciers que les moldus. La magie ne résolvait pas tout, encore moins les traumatismes psychologiques. "Si ça peut te consoler, dis-toi que tu es sûrement ni le premier, ni le dernier médicomage de l'hôpital à y aller. Entre tout ce qu'on voit passer au quotidien et ce qu'il s'est passé…" Il y avait fort à parier que beaucoup de leurs collègues avaient eux aussi souffert de la guerre, avaient vu le nombre de patients augmenter, la gravité des cas également, avaient été personnellement atteint par ce qu'il s'était passé. Non, dans ces conditions, Ethelbert ne serait sûrement pas le seul médicomage à profiter de l'aide mise à disposition de la communauté magique. "Mais oui, tu es pas obligé de prendre une décision tout de suite de toute façon, et je te force à rien, on est bien d'accord. Mais ça vaut peut-être le coup de se pencher sur la question si ça te tracasse tant que ça." Il hésita un instant, prêt à lui dire que lui aussi était passé par là des années de cela, avant de se raviser. Le sujet de Misam n'était pas quelque chose qu'il avait envie d'aborder là, il en avait assez parlé avec le frère de cette dernière et Lachlan ces derniers jours.

Et puis Ethelbert changea de lui-même de sujet, alors la question ne se posa donc plus. Le sourire d'Adam se fit plus sincère, et se mua en léger rire lorsqu'Ethelbert lui proposa - avec toutes les pincettes du monde - de se confier à son tour. Il avait dû lui laisser une belle impression avec sa tirade. "Non non, t'en fais pas pour moi, tout roule." Sentant l'air dubitatif de son cadet arriver, il rit un peu plus, levant une main comme pour montrer qu'il ne mentait pas, qu'il était innocent. "Juré. C'est sûr que j'ai connu mieux, mais j'ai quand même pas à me plaindre, mon nouvel appart est pas mal, je suis bien entouré, j'ai un petit jeune qui vient me faire à manger…" Il ponctua cette dernière remarque d'un clin d'oeil un brin moqueur. "Vraiment, ça va." Un dernier sourire bienveillant pour la route. "Mais j'apprécie que t'aies proposé, vraiment." Juste alors qu'il disait cela, le four se mit à sonner, indiquant que le temps de cuisson s'était écoulé. Laissant Ethelbert s'occuper de vérifier que tout était bon de ce côté là, Adam posa sa bouteille et s'occupa de sortir deux plateaux sur lesquels ils pourraient poser leur repas. "Si tu veux en parler plus toi, hésite pas hein ! On est pas obligés d'avoir que des soirées où on regardes des films où on raconte de la merde," ajouta-t-il en même temps qu'il s'activait, lui lançant un petit regard en biais. Parce que vu le nombre de fois qu'Ethelbert était venu ici, il devait se trimballer tout ça depuis un petit moment, et Adam voulait être sûr qu'il comprenne qu'il pouvait parler de ce qui le tracasse quand il le souhaitait.