Après la bataille de Poudlard, Le Professeur McGonagall a dit à Clovis que le choixpeau avait hésité pour l'attribution de Charles Ward Capricorn sept ans plus tôt. Il avait tantôt penché pour Seirdaigle, voyant en lui un garçon instruit et vivement receptif à l'enseignement de nouvelles connaissances. Il a ensuite envisagé Gryffondor en comprenant que Charles irait au devant du danger pour accomplir son devoir. Mais finalement, il fut certain de sa conclusion : Charles était un parfait Poufsouffle. Il était intelligent et courageux, mais ce n'était jamais ce qu'il mettait en avant. Il était discret sur ses qualités pour mettre en avant celles de ses proches. Celles de son frère. Il mettait ses priorités sur ceux qu'il aimait et non sur son image, sur ses acquis, sur ses biens. Charles était un héros, il faisait parti de ces grandes figures qui rappelaient l'honneur de la maison Poufsouffle.
Cédric Digory l'était aussi, avait-il marmonné en s'éloignant. Et ils sont tous les deux morts. Ils ont dû être tous les deux très heureux d'être à Poufsouffle pour finir comme ça.
Le Professeur n'avait rien répondu, le laissant repartir à Londres trouver ses parents.
Clovis n'arrivait pas à s'en empêcher. Depuis des mois, le voilà amer avec ceux qui essayaient de le réconforter. Sa mère, tout aussi brisée d'avoir perdu un fils, avait essayé de rester forte pour son cadet. Cet été, elle avait essayé de l'emmener découvrir quelques attractions de sorciers en Angleterre, observer les créatures magiques présentes dans les paysages au nord du pays. Elle avait même convaincu son père de l'emmener chez Ward, son grand-père paternel malgré l'aversion de Dean pour sa propre mère. Et Clovis n'avait trouvé aucune autre arme que de répondre avec agressivité. Il se fichait des larmes de sa mère, des mots gentils de son grand-père, des sourires des forains sorciers ou de stupides bestioles écossaises. Il se fichait du temps qu'on voulait lui accorder alors qu'il n'avait jamais demandé à le prendre. Il se fichait d'absolument tout ce qu'on pouvait lui dire.
En fait, le seul moment où il n'avait pas été si agressif avait été un week-end avec son père, à pêcher silencieusement dans un lac en dehors de la capitale anglaise. Silencieusement : c'était sans doute ça qui avait aidé.
Dean n'était pas un sorcier. Ce n'était pas le seul moldu à se retrouver mêlé aux affaires des sorciers, mais on pouvait être certain qu'il faisait de son mieux. Et malgré la différence d'espèces qui sépare Dean de son fils, Clovis se disait qu'au fond ils étaient pareils. Dean devait être anéanti de la perte de Charles, et il refusait d'entendre le monde s'apitoyer sur sa tristesse comme si la pitié des gens allaient rendre sa mort plus acceptable, plus agréable.
Clovis avait eu l'autorisation de ne pas aller à Poudlard l'année suivante. En fait, il y avait plusieurs options. Certains élèves en dernière année lors de la bataille avaient eu la propisition de recommencer. Beaucoup d'élèves (ou leurs parents inquiets) avaient choisi d'abandonner le collège de magie après que la réputation d'établissement le plus sécurisé du pays ait pris un coup après l'attaque de Vous-Savez-Qui. Clovis avait refusé, lui, de ne pas y aller.
Il avait pourtant plein de raisons d'abandonner Poudlard. Charles était mort entre ses murs. Glen continuerait à s'y rendre sans souffrir de n'avoir perdu qui que ce soit. Pearl chercherait à être proche de lui... Mais ne pas se rendre à Poudlard aurait voulu dire encore plus de compassion de sa mère. Et ne pas se rendre à Poudlard l'aurait empêché de devenir Auror et venger Charles.
Ses craintes concernant Pearl cependant s'étaient avérées. Puisque Clovis n'avait répondu à aucun de ses hiboux durant l'été, elle s'était empressée de le retrouver dans le train vers le château, mais dès le trajet elle l'avait trouvé silencieux. Les yeux rivés sur l'extérieur, l'âme cachée derrière une carapace qu'elle n'arrivait pas à percer. Elle était compréhensive, bien sûr. Après tout elle était là quand Charles s'est fait tué. Croyant qu'il avait besoin de temps, elle n'avait pas insisté. Ca au moins, Clovis pouvait apprécier.
Cependant, il ne se pressait pas forcément pour utiliser ce temps et passer à autre chose. C'en était presque devenue une phobie sociale tant il évitait toute compagnie, même la moindre présence dans son champs de vision, lorsqu'il le pouvait. Il rongeait son frein en cours, dans la cantine ou les chambres, mais quand il le pouvait il s'éloignait du château pour mieux respirer dans le parc.
Il se laissa glisser au sol, adossé contre un arbre (après avoir vérifié que ledit arbre n'allait pas le tuer se faisant), et prit une grande inspiration. Il ferma les yeux ensuite, et se répéta les mêmes choses, depuis les mots de McGonagall après la mort de Charles.
Absorbé par ses pensées, il n'entendit pas les premiers bruits autour de lui, les mélangeant à ceux des murs qui s'éffondraient dans les souvenirs qui se bousculaient dans sa tête. Rester seul lui donnait de l'espace, certes, mais ça donnait de l'espace à tous ses traumatismes.
Une branche se casse et cette fois, il ouvrit les yeux en sursaut.
Qu'est-ce que... !
Il se releva aussitôt en voyant le monstre. Il manqua de tomber mais il recula avec hâte, alors que la panique commença à le submerger, davantage pris par tous les traumatismes qu'il avait gardé de l'année dernière.
Expecto Patronum ! Incanta-t-il par reflexe.
Le dauphin de lumière surgit de sa baguette et fusa vers le groupe de créatures infernales dont le troupeau semblait s'agrandir de minute en minute. Lorsque l'animal lumineux s'approcha d'eux, les chevaux des enfers se contentaient de faire quelques pas en arrière, mais son dauphin protecteur n'eut pas l'air de vouloir leur faire offense.
Clovis serra les dents, d'autant plus effrayé. Il ne savait pas ce que c'était ses choses, mais il n'était pas mauvais avec le sort du Patronus (Charles l'avait aidé à apprendre, le sien était un colibri). Clovis avait eu l'habitude de chasser l'obscurité nocive avec ce dauphin, et lorsqu'il était attaqué par des monstres tous droits sortis des ombres, voir que même cet esprit n'y pouvait rien n'avait pas matière à le rassurer.
Maudite Poudlard et sa sécurité légendaire. Peut-être n'aurait-il pas dû abandonner ses ambitions de travailler au ministère. Il aurait pu faire fermer cet établissement et ses fausses promesses.
Il se mit alors à courir, se décidant enfin à leur faire dos, mais il trébucha contre une racine lorsqu'il vit, en hoquetant, que le troupeau avait commencé à l'entourer au loin. Clovis se blessa à la tête lorsqu'il tomba, mais le sang qui coulait de son front ne fut absolument le sujet de son attention. Sa respiration accélérait de plus en plus alors qu'il commençait à céder à une crise d'angoisse.