LILY — elle gravirait des montagnes pour le plaisir de vous jeter du sommet.

Une vie de château, bien posée quelque part en Italie, avec un grand jardin, une piscine peut-être, un plongeoir tant qu'à faire... Puis des chiens, des chats, sans oublier quelques reptiles. Oublions le château.
Mieux valait déménager en Afrique. S'installer près d'une réserve naturelle. Comme ça elle pourrait voir tous les jours les animaux. Elle irait se baigner aussi, mais l'eau serait tellement chaude en Afrique que ça en ferait des bulles... comme dans un jacuzzi. Oublions l'Afrique.
Mieux valait trouver une villa, quelque part aux Etats-Unis, pourquoi pas à Los Angeles, avec un sauna, de grandes pièces éclairées grâce à d'énormes fenêtres, au sous-sol pourquoi pas installer une salle de duel. Elle pourrait y inviter ses camarades de Poudlard, ceux qu'elle avait déjà terrassé et ceux dont elle devait encore se venger. Oublions Los Angeles.
Pourquoi pas... Un appartement au deuxième étage d'un immeuble aux façades vieillies, avec des voisins bruyants, énervants, la rendant d'humeur maussade ou hystérique... Oui, un appartement quelque part dans Londres, pas très loin des boutiques pour qu'elle n'ait pas à marcher trop longtemps, avec de l'activité tout autour, le cœur vibrant de la capitale, les voitures insupportables. Londres, c'est très bien....

… Mais si elle avait eu le choix, Lily serait bien partie tout droit direction les Caraïbes pour se dorer sur la plage, entourée de palmiers et cocotiers. Seulement, si sa mère a toujours tout fait pour la rendre heureuse et répondre à ses caprices, tout comme le frigo a toujours été plein plus que de raison, l'ancienne Gryffondor a bien vite comprit que, ici comme ailleurs, tout a un prix. Parfois, un prix assez exorbitant. Du moins, très au-dessus de ses moyens. C'est dans ces moments-là, lorsqu'elle regarde les tarifs des résidences disponibles dans les îles, qu'elle regrette vraiment de ne pas avoir fait assez d'efforts durant ses études et de se retrouver maintenant à se trimbaler difficilement d'un endroit à un autre pour réussir à finir le mois tranquillement. Elle se contenterait facilement d'acheter le billet d'aller pour se jeter dans l'inconnu, mais elle a besoin de savoir qu'elle aura les moyens de se loger une fois sur place... La vie sous les ponts, c'est excitant le temps d'une soirée, mais une bonne douche le lendemain matin ça fait plaisir aussi. Oui, Lily, elle aime bien avoir de quoi subvenir à ses besoins primaires sous la main.

Lily en effet, ce n'est pas de ces personnes qui planifient à l'avance leur futur, dans les moindres détails, de manière très méthodique. Elle préfère se laisser porter, voir où tout ça la mènera, sans se soucier de ce que les autres peuvent en penser. Parce qu'évidemment, ils en pensent quelque chose, sans la connaître ils se permette de juger sa façon de faire. Ils se disent qu'elle est trop paresseuse – ce qui n'est pas totalement faux – ou encore qu'elle manque d'ambition – ce qui n'est pas totalement vrai. Elle veut faire des choses, énormément de choses : voyager, dévaliser des boutiques, diriger le génocide des pigeons, apprendre à bien cuisiner... Elle a beaucoup de projets, c'est juste qu'elle ne sait pas comment les mener.
Alors elle se contente de faire ce qui est à sa portée, comme se rendre au Ministère et s'inscrire afin de pouvoir trouver un emploi digne de ce nom. Elle n'a jamais eu la vocation d'Auror. Ce n'est pas son truc. Aider les gens, faire soit-disant le bien tout autour d'elle, arrêter les gens qui agissent mal... Non, ça n'a pas de sens. En plus, ce n'est pas une travailleuse, cette jeune femme. Elle n'a pas la carrure ou la motivation pour ce métier. Tout le monde serait d'accord pour le dire. Même sa mère, elle se demande parfois ce qui passe dans la tête de son aînée... pourtant, on peut le dire, sa mère se voile la face sur le caractère de son aînée. Sauf qu'il y a des faits que même les plus idiots de tous ne peuvent réfuter.

« Lily, tu es sérieuse ? Tu comptes passer l'examen pour devenir Auror ? Mais Lily, ma Lily... Tu sais très bien que ça va être difficile, n'est-ce pas ? Tu vas devoir travailler, souvent, sérieusement... Tu y a réfléchi, au moins, tu es certaine de ce que tu fais ?
– Maman, je sais ce que je fais, c'est bon. J'ai pas besoin que tu sois derrière moi... Si j'y arrive pas, au moins j'aurai essayé, on pourra plus me reprocher de rien foutre de ma vie, tu comprends ? Disons que c'est une question de fierté, si tu préfères. En plus, faire le service, tout le temps, c'est ennuyant... Au moins ça va m'occuper un peu.
– Lily, tu ne peux pas faire un métier que tu n'aimes pas... Voyons, tu penses que c'est si facile... Tu crois toujours que tout est si facile...
– Tu sais que tu peux être énervante des fois ? … Mais non ne me regarde pas comme ça, je ne te fais pas de reproches. Oh maman, arrête s'il te plaît, tu sais très bien que je ne dis pas ça méchamment ! Au fait, quand est-ce qu'elle revient te voir, Rose? »

Rose. Rose et Lily. Lily et Rose. C'est une longue et courte histoire, on pourrait en dire tant et si peu, à la fois simple et si complexe. Le principal, c'est peut-être qu'elles ne s'entendent pas très bien, ou au moins qu'elles ne s'apprécient pas totalement. Elles n'ont pas vécu longtemps ensemble, pourtant, mais le si peu à suffit à montrer tout de suite qu'elle n'était pas sur la même longueur d'onde. Rose, quand elle est arrivée, elle a attiré l'attention. La famille Asgard trouvait toujours la petite Lily très amusante, mais elle préférait observer la nouvelle venue, toute fragile et toute fraîche. Forcément, la plus grande ne l'a pas toujours très bien pris, surtout qu'il fallait qu'elle redouble d'efforts pour que sa maman lui offre de son temps et se décide enfin à lui acheter de nouvelles robes et de nouvelles poupées. C'était difficile, de se faire une place. Sauf que Lily, elle ne se laisse pas faire et elle arrive toujours à attirer les regards si elle le souhaite.
Elle ne s'est jamais demandée comment l'avait vécu Rose de son côté, comment elle avait prit le fait que sa grande sœur ne soit pas proche d'elle, qu'elle ne la chouchoute pas comme les autres, qu'elle s'amuse de ses nouveaux pouvoirs magiques et s'exalte de son entrée à Poudlard sans une seconde se dire que sa petite sœur aussi, elle aurait peut-être aimé pouvoir s'amuser de cet événement. Lily a toujours apprécié son rôle d'aînée, sans vraiment savoir pour quelles raisons. Parce que lorsqu'on est plus grande, on a toujours tout fait avant les plus jeunes... et c'est un avantage comme un autre, non ?
En tout les cas, à la maison ou à Poudlard, il n'y avait pas grande différence. Lily était toujours la même, à sourire sans raisons, ne portant pas attention aux remarques de professeurs sur ses manques de concentration, de travail personnel et d'implication. Très vite, elle a montré qu'elle avait bien sa place chez les Gryffondor, elle était toujours la première à lancer ses camarades dans les mauvais coups, à les encourager à aller se promener dehors après le couvre-feu... mais c'était gentil, seulement sa première année.

« Tes affaires sont prêtes ? Ta mère t'attend.
– Oui, c'est bon, je crois que j'ai tout pris... Je reviens bientôt de toute façon, n'est-ce pas ?
– Tu m'appellera.
– Papa... Tu m'en veux, d'être avec maman et pas avec toi ?
– Non, Lily, je ne t'en veux pas du tout, quelle idée ! Ce n'est pas toi qui a décidé, tu n'y es pour rien dans tout ça...
– Je t'aime, papa. Et je reviendrai bientôt. »

Son père n'est pas un grand homme, pas un super-héros, pas un génie de la bourse. C'est juste un suédois, un commerçant, un homme qui avait su faire chavirer sa mère... puis qui l'avait perdu. Ou le contraire. Lily ne sait pas grand chose sur l'histoire de ses parents, elle ne s'y ait jamais intéressé. Elle ne s'intéresse pas aux autres, elle n'y peut rien. Elle est comme ça. Même si elle n'a jamais été très proche de lui, elle a toujours cherché à avoir son affection – oh, elle l'avait, c'est sa fille après tout. Seulement, ce fut difficile, de le laisser partir avec Rose, de voir que le parent dont elle était le moins proche se retrouvait avec sa sœur cadette. Étrangement, la séparation ne parut pas insurmontable. Avec sa sœur. Leur manque de proximité, de sens de la fraternité, explique sans doute que Lily ait si bien surmonté cette épreuve, même si elle demandait souvent à sa mère quand est-ce qu'elle pourrait la voir. C'est sa sœur, elle le sera toujours, et elle avait quand même vécu huit ans en sa compagnie, ne plus la voir soudainement était étrange, bien que son année à Poudlard lui avait permit de se faire à l'absence de sa famille à ses côtés.

D'ailleurs, Poudlard. Et bien... c'était une occasion de retrouver Rose. Du moins, à partir du moment où cette dernière fit son entrée dans l'école, alors que Lily entamait sa cinquième année, son année de BUSE. Autant dire que ça n'a pas été tous les jours faciles. Tout d'abord, sa sœur se retrouvait à Serdaigle – bon ce n'était pas une surprise, elle n'a jamais montré autant d'esprit rouge et or que son aînée – et il est vrai qu'elle la surveilla de loin les premiers instants, pour voir si elle se débrouillait correctement, juste pour conserver l'apparence de grande sœur protectrice qu'elle est loin d'être. Ensuite, à quinze ans, les bêtises s'enchaînaient. Ce n'était plus seulement une petite bombe magique déposée dans un couloir, plutôt les soirées clandestines organisés par les plus dévergondés du château auxquels elle tentait de se faire inviter. Sans oublier que Lily n'avait pas que des amis, loin de là. Beaucoup appréciait sa franchise, sa légèreté, sa témérité, sa gaieté constante... d'autres au contraire la trouvait particulièrement exaspérante et légèrement trop sûre d'elle. Elle s'en fichait, elle s'en fiche toujours.

Au final, elle les a eu ses examens, tentant une micro-sieste entre chacune des épreuves, à défaut d'avoir dormi la nuit. Elle les a eu parce qu'elle les voulait et qu'elle a toujours ce qu'elle veut. Pour autant, elle n'en oubliait pas Rose. Tout comme elle ne manqua pas de remarquer que sa jeune sœur avait l'habitude de toujours être collée à ce même garçon.

« – Il me plaît bien.
– Qui ça ? Mon voisin en cours de potions ? Le blond avec les mèches vertes ? Attends Lily, tu te sens bien ?
– Non pas lui... Il porte des tee-shirt affreux, je peux pas pardonner ça. Je te parle de Joshua, j'en ai rien à foutre de ton voisin.
– Joshua, le copain de ta sœur ?
– Oui. Enfin, le copain, ils sont amis. Je crois, elle est trop jeune pour... ces trucs-là, tu sais...
– Laisse moi rire, t'as commencé à quel âge toi...
– La ferme Avalon. Mais je suis certaine que c'est juste un ami, et de toute manière, c'est pas mes affaires. Je te dis juste qu'il me plaît bien.
– On sait tous comment ça se termine dès que quelqu'un te plaît bien, Lily... »

Avalon n'est pas voyante, mais elle a eu raison, comme toujours, à ce sujet. A peine deux mois après que Rose ait présenté à son aînée ce garçon avec qui elle passait tout son temps, les voilà qui se promenaient main dans la main dans les couloirs du château, riant dans leurs coins et se détachant des groupes d'élèves pour s'éclipser tous les deux. Rose l'a vu aussi. Comment elle l'a prit ? Comme si Lily s'en souciait... On a finit par comprendre depuis le temps que seule ses sentiments comptaient pour elle.

Elle doit avouer qu'au fond, elle remercie sa cadette, de lui avoir permis de rencontrer Joshua. Certes elle avait eu des garçons, avant, mais il était différent, plus calme et plus réfléchi. Ça doit être ce qui lui a plu dès le début chez lui. Dans un sens, il la canalise et lui permet d'explorer un côté plus serein de sa personnalité... Lily ne se lasse pas de lui, elle le monopolise certainement, en tout cas il n'a pas l'air de s'en plaindre jusque là. Il la soutient dans son projet de tenter la formation d'Auror, il a l'air de se soucier d'elle, et même si elle doit parfois le partager avec Rose, peu importe. Il est à elle, elle sait qu'il est à elle. Elle l'aime, c'est certain, enfin elle en est persuadée. Les sentiments ça va, ça vient, ça chamboule un peu tout partout... Et dans leur cas – à eux trois – ça chamboule même beaucoup.